Le restaurant est bien indiqué 🙂

La tête remplie d’images, je me dirige lentement vers le 3121 Jazz Cuisine.
« Ca y est c’est fini » suis je en train de me dire. Quel marathon. Entre la prise de décision, l’avion (15h30 de vol avec un changement), les 2 concerts, les courtes nuits, quelle folie… et en même temps quel bonheur.
Je traverse la salle principale du restaurant et me rends vers celle du fond rejoindre JMS.
Que se passe t il ? C’est le branle-bas de combat. Otis et le « responsable des guitares » s’affolent sur la scène.
Enfin quand je parle de scène, je fais fort. Il s’agit d’une estrade située à environ 20 centimètres au-dessus du sol, qui est dans un coin du restaurant. Suffisante pour accueillir un petit trio jazz, elle est totalement ridicule une fois la batterie et l’immense clavier de Renato installés. Entre l’ampli basse, la petite table de mixage pour régler le son, et quelques pieds de micro, lorsque les pédales de guitares de Prince arrivent il n’y a plus de place.
Les « pédales de Prince », même si je n’ose y croire il faut se rendre à l’évidence : ils vont jouer.
Pourtant il n’y a pas vraiment d’excitation autour de nous. Le restaurant n’est pas plein, les tables ne sont pas surchargées, et les clients qui sont dans l’autre salle n’ont pas l’air de prêter attention aux préparatifs.
Josh et Cora sont là, Morris Hayes arrivent. Très disponible il salue tout le monde, et nous bavardons un long moment. Renato vient alors suivi de Greg Boyer puis Mike Philips… Ok ils sont tous là… ou presque.
Tout semble en place sur scène.

3h30. On entend des applaudissements dans le fond, je me retourne, c’est Prince qui arrive avec Trevor, son garde du corps, et DJ Rashida. Il passe à 2 centimètres de ma chaise et se rend à moins de 5 mètres à sa table. DJ Rashida est ravissante, je n’y avais jusque la jamais prêté attention, mais dans sa petite robe, je comprends qu’elle soit la compagne de l’artiste ce soir. Des serveurs viennent parler à Prince et aux musiciens qui sont là, comme pour passer une commande… Mais je n’ai pas le souvenir que des assiettes soient finalement arrivées ☺

A 3h40 du matin, la musique commence. Sur l’estrade : Mike, Josh, Cora, Renato. Le pédalier de Prince est devant, par terre. Il ne va quand même pas jouer à même le sol ? ☺
Assis à sa table, le propriétaire des lieux écoute son groupe, tel le roi qu’on est en train d’amuser. Mais il ne tient pas en place. Au bout de 3 minutes, il se lève, quitte la salle, revient, parle à Otis, s’assoit, va parler à Josh. Bref il est tout excité.
Le premier morceau est un instrumental Jazz assez classique de Thelonious Monk : Straight, No chaser.
Agréable, bien effectué, ce morceau à le mérite de nous montrer d’autres facettes de ce groupe, principalement au niveau Sax, Basse, Batterie, puisque nous sommes déjà plus habitués au travail de Renato.
Premier break, nous applaudissons tout excité parce qui se passe, pour le moment tout le monde est a sa place dans le restaurant, je suis même surpris par le caractère « tranquille » de toutes les personnes présentes ici. En même temps ce que nous sommes en train de vivre est surréaliste.
Mike Philips remercie Prince pour avoir créé un lieu destiné a « real music by real musicien ».

Puis ils partent sur un second morceau plus lent, j’ai lu depuis qu’il s’agissait de « Gotta Broken Heart Again », je n’y mettrai pas ma main à couper mais bon pourquoi pas.
Maceo arrive dans les lieux, son sax dans le dos, une seconde après il a rejoint le groupe et part dans un solo où il a enfin le temps de s’exprimer un peu.

Je n’ai plus la chronologie exacte en tête, mais pendant ce temps Prince se promène entre les tables et asperge, sur les poignets de quelques filles, son prochain parfum, leur demandant d’un regard ce qu’elles en pensent.
Au même instant les serveurs nous apportent nos commandes, et je me demande comment je vais « oser » manger dans cette ambiance. Je n’arrive pas à considérer ce groupe comme musique d’ambiance et leur tourner le dos pour plonger dans mon assiette me pose un vrai souci lol.
En même temps les assiettes sont grandes, mais le contenu ressemble plus à un amuse gueule qu’un vrai plat, ça devrait donc être relativement vite plié.

Le menu di Jazz Cuisine

Fin de la parenthèse culinaire, tandis que sur scène nous en sommes déjà au troisième titre. Tiens je reconnais ce thème, il s’agit de SO WHAT de Miles Davis.
Prince se lève, s’assoit sur l’estrade et prend sa guitare, mais le son ne lui convient pas pendant son solo, l’ampli crache un peu. Il quitte la salle, va chercher son technicien, et de nouveau « les fourmis s’agitent ». A la vitesse de l’éclair Otis et son camarade ont jeté un ampli, apporté un autre, tout rebranché et vérifié que les guitares étaient accordées. Prince continuant sa ballade dans son fief.
Maceo souffle comme un dingue, descend de l’estrade, passe de table en table puis quitte notre salle pour aller jouer dans celle d’à coté, sans micro on entend le son de son sax s’éloigner, on se demande si nous ne sommes pas en train de rêver. Prince le suit dans sa promenade, c’est un vrai bazar, dans une relative pénombre (peu de lumière dans le restaurant), ajoutez à cela la fatigue, on se croirait vraiment dans un songe.
Le jam suivant est plus funk et plus rapide, The Chicken. Greg Boyer et Maceo jouent assis à table. Un fan se lève pour parler à Prince, et je vois que ça amuse Trevor le bodyguard, décidément tout cela confirme l’aspect détendu de Prince et de son personnel en ce moment.
Nouveau break.
Prince chasse Renato pour prendre sa place. Il joue quelques accords, puis dit « mais que ces touches sont grasses, tu as mangé quoi Renato ? » . Sa seigneurie prend son foulard et essuie le piano, avant de se remettre à jouer. Puis il quitte le clavier et va chercher Morris Hayes qui prend pour la première fois ce soir cette place. Tout le groupe est de nouveau dans un Jam très funky, Who Is He?, et Mike Philips branche son vocoder. Pour info, les modulations sont faites par le biais d’une sorte de saxophone électronique, ce qui lui permet d’être très à l’aise. Mike enchaîne les citations de standards funk : « One nation under a groove » de Funkadelic, « More bounce to the ounce » de Zapp etc..
Prince prend sa guitare et lance le riff de « Sing a simple song » de Sly Stone, le groupe part dans cette direction et le feu aux poudres est mis. Les gens se lèvent pour danser, l’entrée de la salle commence à se remplir par les personnes qui étaient de l’autre côté et qui ont enfin bougé. Ca tourne grave sur scène tandis que Prince se promène entre les tables avec sa guitare. Imaginez un peu que je suis assis, appuyé sur le dossier de ma chaise, avec les mains de Prince à 5 centimètres des yeux… Inutile de continuer, vous comprenez je sais.

4h45 : Retour de Renato, et petite accalmie autour d’un instrumental plutôt lent, Gotta Broken Heart Again (encore ?), qui débute un peu comme le « Wonderful world » que nous avons eu lors du show « régulier ». Seul Mike Philips assure la partie cuivre.
Au cours du morceau Prince regarde Cora, lui demande d’augmenter le tempo, le son monte, tout s’accélère, puis de nouveau, retour à un tempo plus lent avec Maceo au Sax. Pendant que le « teacher » joue, Prince s’approche de son micro et dit « test one two, test, check »…
Bref il les taquine, fait le sale gosse, on sent que ça le démange il veut jouer et tout reprendre en main.
Il est temps d’arrêter de rigoler.
Prince va tout défoncer pour les dernières 20 minutes.
Il saisit sa guitare, commence « When you were mine », tout le monde cri, puis il enchaîne avec Brick House, débutant ainsi un énorme Jam Funk instrumental.
Comme toujours ça tourne, ça joue, son groupe est une pure tuerie lorsqu’il peut s’exprimer en dehors du show standard somme toute bien rodé.
Prince s’échappe sur Skin Tight, mais il ne sème pas son « band » qui le suit au doigt et a l’œil, Love Rollercoaster de Ohio Player, dont le refrain est chanté par la salle.
On the one ! Break, Prince hurle « What is Hip », et instantanément tout le monde embraye sur Tower of Power, les trois cuivres réunis pour ce final. Chacun y va de son solo, le monde afflue autour des tables, c’est magnifique, dire que je dois être à l’aéroport dans 3 heures…

Décoration à l’extérieur du restaurant

5h10 Prince nous salue et quitte le lieu sous les applaudissements d’une foule conquise, et sur les rotules.
Le restaurant se vide très vite. Il ne reste pratiquement que nous, on parle un peu avec Morris Hayes, Josh et Maceo. Je retrouve JMS, Rita et Lori. Ces deux fans italiennes voient leur mois à Vegas se terminer et l’une d’elle part dans une crise de larmes. Vous allez trouver ça superflu, comme moi sur le moment. Comment peut-on pleurer quand on a la chance de vivre un mois à Vegas « que » pour Prince… Et bien c’est justement pour ça qu’elle craque. Quand on quitte un sentiment de plénitude et de bonheur, on revient soudainement sur terre. Un peu comme quand un drogué revient sur terre.. enfin c’est ce que j’imagine.

Pour JMS et moi, on n’a même pas le temps d’atterrir car on doit gérer notre décollage. Retour à l’hôtel dans un Las Vegas qui voit le soleil se lever. Douche rapide, fermeture des sacs et à 7h30 direction l’aéroport pour un enregistrement à 8h30 et un vol à 11h30.
Nous revoici en France, et une semaine après cette soirée, j’écris ce dernier report.

Un bilan ? Objectivement partir si loin, si peu de temps, pour voir des concerts ce n’est pas raisonnable.
Mais sommes nous réunis sur ce site à cause de notre « raison » ?  Nous avons tous, à des niveaux différents, à des périodes différentes, cessés d’être de simples auditeurs pour entretenir une relation plus passionnelle avec cette musique. Je me garderai bien de vous donner un quelconque conseil du type « allez y » ou « n’y allez pas ». Il semblerait que la pénurie de tournée Européenne cesse en 2007, je dis ça pour les plus patients. Pour les autres je mentirai en vous disant que je regrette mon voyage, mes « reports » traduisant le contraire. À travers ces récits j’ai juste essayé de partager le plus possible les images qui sont stockées dans ma tête. J’espère avoir réussi à vous faire ressentir ces frissons, et je vous souhaite d’en avoir encore des milliers, que ce soit simplement en écoutant les disques chez vous, ou comme nous, en faisant de temps en temps quelques folies.