John Blackwell Junior vient de mourir à l’âge de 43 ans des suites de tumeurs cérébrales. L’information a été rendue publique par son épouse Yaritza sur les réseaux sociaux.

John Blackwell, The Magnificent comme le surnommait Prince a été batteur au sein du New Power Generation et l’a accompagné sur prés de 400 concerts entre 2000 et 2012. Il joue également sur les albums The Rainbow Children , Hit N Run Phase 2 et bien d’autres.

John Kenneth Blackwell Junior est né en 1973 à Columbia (Caroline du Sud), et a suivi les traces de son père (John K. Blackwell) qui était batteur et accompagnait divers artistes (Joe Tex, Joe Simon, Mary Wells…). Il commence à jouer de la batterie dès son plus jeune âge en s’entrainant sur Brick House des Commodores. Il poursuit ses efforts et prend des cours au prestigieux Berklee College of Music de Boston. A 20 ans, il accompagne le groupe Cameo sur scène pour sa tournée de 1994 qui suit la sortie de l’album « In The Face Of Funk ». Quelques morceaux live enregistrés pendant cette tournée figureront sur l’album « Nasty » sorti en 1997, ce qui constitue la première trace discographique de John Blackwell. Il reste dans ce groupe pendant 3 ans avant d’être repéré par l’entourage de Patti Labelle. Il devient son batteur pour sa tournée qui suit la sortie de son album « Flame ». L’album live et le DVD qui capturent cette tournée (« One Night Only ») sortent en 1998 et Patti récolte un grammy award au passage.

 

En 1999, Patti Labelle repart sur une tournée particulière sponsorisée par une marque de céréales (Honey Nut Cheerios) sur laquelle elle partage l’affiche avec Chaka Khan en première partie. La tournée de 20 dates (Honey Nut Cheerios Sisters Soulfest) débute à l’Orpheum Theatre de Minneapolis. Prince est dans la salle avec Larry Graham. Il monte sur scène pour accompagner Chaka Khan sur « I’m Every Woman » puis regarde attentivement le concert de Patti. Larry et Prince sont impressionnés par le jeu de Blackwell et vont le voir après le show. John Blackwell raconte que Larry Graham est d’abord venu le féliciter et lui donner sa carte de visite. Puis, « entre deux hommes qui semblaient travailler pour les services secrets », Prince apparaît avec Mayté et lui dit « Mon Dieu, tu es incroyable. Est-ce qu’on peut rester en contact ?». Blackwell lui répond que oui, et Prince disparaît aussitôt….sans qu’ils aient eu le temps d’échanger un numéro de téléphone ou quoi que ce soit.

Quelques semaines plus tard, rebelote au Madison Square Garden de New-York où Prince et Larry Graham assistent de nouveau aux concerts de Chaka Khan & Patti Labelle. Pendant que Blackwell regarde le show de Chaka, il se sent observé et remarque que Prince le regarde fixement. Ils entament une courte discussion au cours de laquelle Prince le devance et lui propose de venir jammer avec lui à Paisley Park. Blackwell, honoré, ne s’enflamme pas pour autant. Il se doute, et aura la confirmation plus tard en voyant d’autres musiciens, que lorsque Prince invite quelqu’un à jammer avec lui à Paisley Park, ça ne veut pas dire qu’il va l’engager dans son groupe : « j’ai vu plein de gens quitter fièrement leur groupe en disant « Prince m’a engagé » et qui sont retournés chez eux après un simple jam ». En septembre, après la tournée Soul Fest, Blackwell arrive à Paisley Park et jamme, en mode Power Trio avec Prince et Larry. A la fin d’une impro, Prince lui dit : « OK, merci, à plus », en mode « c’était tout pour aujourd’hui ». Déçu en voyant que ça risquait de ne pas aller plus loin, Blackwell se met à jouer « 777-9311 » pendant que Prince s’apprêtait à quitter le studio. Impressionné par ce qu’il entendait (Blackwell a expliqué qu’il avait plus de facilités que d’autres à jouer ce beat particulier en tant que gaucher), Prince revient sur ses pas et l’accompagne à la basse pendant une demi-heure.

Phase One : Welcome To the New Power Generation

Après avoir terminé une tournée avec la chanteuse japonaise Utada Hikaru, John Blackwell intègre officiellement The New Power Generation en 2000. Il remplace Kirk Johnson à la batterie en tant membre permanent à partir de la tournée américaine Hit N Run de 2000-2001 et pour les concerts donnés dans le cadre de la Celebration 2001.

Dans le même temps, Prince enregistre l’album « The Rainbow Children ». Utilisant souvent des machines et étant lui-même un très bon batteur, il n’a pas toujours eu besoin d’aide en studio pour enregistrer ses chansons. En réalité, Bobby Z., Sheila E. et Kirk Johnson n’ont joué de la batterie que sur quelques titres parus dans les albums des années 80 et 90. Michael B. tenait une place plus grande mais ne jouait pas sur l’intégralité des disques sortis sous le nom de Prince ou du Symbole. John Blackwell est le premier batteur à jouer sur l’intégralité d’un album de Prince ( « The Rainbow Children » – à l’exception de l’acapella « The Wedding Fest ») et un des très rares musiciens à jouer sur tout un album sorti sous le nom Prince (ou du Symbole). Il y est crédité comme « John Blackwell, the Magnificent », preuve supplémentaire du grand respect que Prince avait pour ce musicien. Blackwell joue également sur la quasi-intégralité de l’album instrumental « Xpectation », enregistré en 2001 et quelques titres de l’album piano « One Nite Alone », sur lequel il est le seul intervenant pour accompagner Prince (en dehors des colombes).

One Nite Alone Tour….

La tournée mondiale qui suit, le One Nite Alone Tour, fera l’objet de trois albums live (« One Nite Alone… Live! » « One Nite Alone… The Aftershow… » , et « C-Note »), d’un DVD (Live At The Aladdin Las Vegas) ainsi que d’un single pour le NPGMC enregistré au Bataclan de Paris (« Johnny » rebaptisée « NPG In This Funky House » et « All The Critics Love U In Paris »). Le public est alors impressionné par le jeu de Blackwell, qui s’inscrit parfaitement dans les orientations funk-jazz prises par Prince à cette époque et certains le surnomme « la pieuvre ». Aux yeux de beaucoup, John Blackwell constitue avec Rhonda Smith, la meilleure section rythmique de Prince après le duo Michael B. / Sonny T. C’est au cours de cette même année chargée de 2002 que sa femme donne naissance à une petite Jia.

L’année suivante, il enregistre en une journée avec Prince, Eric Leeds et Rhonda Smith l’album « N.E.W.S. », participe à diverses sessions en studio (pour l’album Musicology) et aux concerts donnés à Hong-Kong, en Australie et Hawaï (Une version live de  « Controversy » enregistrée à Hawaï sera mise à disposition sur le NPGMC). L’année 2004 est marquée par l’intronisation de Prince au Rock And Roll Hall Of Fame et la gigantesque tournée Musicology Tour qui traverse les Etats-Unis de mars à septembre avec près de 90 dates.

Après le Musicology Tour, qui a été vu par 1,2 million de spectateurs et a rapporté 87 millions de dollars, il fait la couverture de Drummer Magazine avec Prince. Les autres musiciens du NPG ne sont pas en reste puisque Renato Neto et Rhonda Smith font la couverture des  magazines Keyboard et Bass Player. Blackwell joue sur des titres d’une des saxophonistes du groupe, Candy Dulfer, qui seront publiés sur son album  « Candy Store » et participe avec Prince (sans que ce dernier soit crédité comme guitariste) à l’enregistrement de « Around The World » pour Nikka Costa (sorti en 2005 sur son album « Can’tneverdidnothin »).

Jia (2002 – 2004)

Le 28 juin 2004, alors que la troupe est à Chicago, Blackwell appelle sa femme au téléphone pour prendre des nouvelles de sa famille. Il discute avec sa fille Jia puis avec son épouse. Puis il l’entend dire « Où est passée Jia ? ». En la cherchant dans la maison familiale puis le jardin, elle découvre la petite fille noyée dans la piscine. Quelques concerts sont décalés pour lui permettre de faire le deuil, mais John ne se remettra jamais de ce drame.

John Blackwell est remplacé par Cora Coleman-Dunham de 2005 à 2010. Pendant ces années, Blackwell joue avec d’autres artistes notamment Justin Timberlake dont il intègre le groupe avec Mike Scott qui a également quitté The NPG pour le Future Sex Love Show. Ils accompagnent Timberlake de 2006 à 2007 suite à la sortie de son album Future Sex/Love Sounds aux influences princières assumées. Il joue également sur « Special Feeling » de P. Diddy qui sample « Baby I’m A Star ». Il donne aussi des cours de batterie qui sortent en DVD, se produit dans des « clinics » et participe à l’hommage rendu au batteur de jazz Buddy Rich en 2008. De ce show, qui voit la réunion de nombreux musiciens prestigieux, naît le John Blackwell Project pour un album regroupant des titres enregistrés avec Will Lee, Corey Bernhard, Paul Pesco et la participation de Michael Landau, David Garfield, Terry Bozzio, Gregg Bissonette, Curt Bisquera, Charlie Singleton , Esperanza Spalding. L’album sort en 2009 intitulé « 4Ever Jia » en hommage à sa fille disparue.

Phase Two : Where’s the real drummer?

En 2009, Prince le cite sur « Ol Skool Company » (Songs we used 2 sing used 2 mean something / Now they just bland like the drummer / Where’s the real drummer? / Michael B., Mint Condition, Morris Day, Jellybean wishin’, Sheila E. and brother John / and sometimes me, ’til the dawn) et le reprend dans son groupe pour une poignée de concerts exceptionnels (Los Angeles, Montreux et Monaco). En 2010, la tournée européenne se fait en deux temps : 7 concerts en juillet avec le couple Dunham – Cora Coleman et Josh – à la batterie et à la basse (à cette période, John tourne avec Franky Beverly & Maze) puis 7 concerts à l’automne avec Blackwell et Ida Nielsen comme section rythmique du NPG. John Kenneth Blackwell Senior, le père de John meurt à 61 ans durant les dernières de cette tournée. Blackwell reste avec Prince jusqu’en 2012 pour les déclinaisons de « Welcome 2 »  aux Etats-Unis, Canada, Europe et Australie ainsi qu’aux concerts donnés à Abu Dhabi.

Dans le même temps, Prince « jamme » avec d’autres batteurs : Chris Coleman puis Hannah Ford qui succédera à Blackwell comme batteuse officielle du NPG à partir de fin 2012 et membre de 3rdEyeGirl. A partir de 2013, ses compétences lui permettent de devenir professeur au Berklee College of Music où il était lui-même étudiant. Il crée aussi le The Jia Kennie Blackwell Memorial Scholarship Fund avec sa femme Yaritza pour soutenir les étudiants dans le besoin.  Au cours de cette période, Blackwell trouve le temps pour tourner en Chine derrière le chanteur Xu Wei tout en poursuivant son travail en studio avec Prince jusqu’en 2015 pour les albums d’Andy Allo (Superconductor) et Judith Hill (Back In Time) ainsi que sur plusieurs chansons qui sortiront au compte-goutte durant les années suivantes avant d’être regroupées sur le dernier album sorti du vivant de Prince : Hit N Run Phase 2 (Rocknroll Loveaffair, 2Y2D, Look At Me, Look At U, Xtraloveable, When She Comes, Screwdriver, Black Muse, Revelation et Big City). En 2014, une formation constituée de Marcus Anderson, Andre Gouché, John Blackwell et Dominique « Xavier » Taplin enregistre un album instrumental sous le nom de NPG Q et participe au concert de Kandace Springs donné à Paisley Park. Les 9 titres enregistrés pour NPG Q sont restés inexploités dans le coffre.

Après 10 années passées à accompagner Prince de façon permanente ou occasionnelle (sans compter la coupure 2005-2010), John Blackwell quitte son giron et repart jouer avec d’autres artistes comme Boosty Collins ou D’Angelo (dans son groupe The Vanguard avec Jesse Johnson) .

Tokyo

En 2016, une série de concerts avec Nik West, une bassiste qui avait aussi « jammé » avec Prince est prévue au Japon et en Europe. Après les concerts de Tokyo, John se retrouve paralysé et hospitalisé en urgence. Des tumeurs au cerveau ont été détectées par la suite. Rapatrié aux Etats-Unis, John subit plusieurs opérations et reçoit le soutien financier de son public pour payer les frais hospitaliers (via gofund). Il est également soutenu par ses amis artistes comme Morris Day qui mettra une guitare dédicacée aux enchères pour récolter des fonds. Au cours d’un reportage réalisé pendant son hospitalisation, il dit qu’il entend Prince l’inviter avec venir jouer avec lui au ciel. Il lui répond qu’il n’a pas envie de faire ce concert maintenant (« I can hear Prince now say ‘I’ll just call John.’ No you ain’t! I don’t want to do that gig. Not yet« ). Malheureusement, les différentes opérations et les traitements ne lui ont pas permis de se rétablir pleinement et de guérir un an après la détection de sa tumeur. Il s’est éteint ce 4 juillet 2017.

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