Veuillez excuser si ce texte est un peu bancal, mais je tenais à le finir avant mon départ a Londres, et je suis mort de fatigue
Ok le titre est un peu racoleur, et pourtant…
C’est Groove Production qui organisait le concert. Pour les resituer ce sont ceux qui ont fait le concert Daoud/Candy Dulfer /Rozoff au cabaret sauvage. A l’époque nous nous étions entendu pour organiser une rencontre entre les fans et Candy.
Puis ils ont fait venir COED (Sheila E…), là encore on a essayé d’organiser quelque chose, puis je leur ai donné un coup de main le jour J, et depuis on s’entend vraiment bien.
Quand j’ai vu qu’ils étaient à l’origine de Sly a l’Olympia, on a échangé quelques coups de téléphone, et 5 jours avant ils m’ont demandé si je pouvais là encore donner un coup de main.
Groove est une petite structure, qui prend des risques (sur des concerts comme COED ou Sly croyez moi ils ne gagnent pas d’argent, et en perdent même parfois pas mal), donc c’est avec joie que je les aide
Rendez vous 10 h du matin. J’arrive à l’Olympia, et sincèrement déambuler dans les coulisses et les méandres de cette institution ne me laisse pas indifférent.
Ma douce est aussi réquisitionnée pour faire chauffeur mais ce sera vers 13 h
La matinée se passe sympathiquement, on installe le matos, je place avec Adrien, le régisseur, les claviers de Sly.. Whaou rien que ça parle a mon cœur de midinette !
13 h il faut aller chercher les musiciens. On nous donne les clés d’un espace et nous voilà en route pour chercher une première partie des musiciens. Sur place, Fun, la fille de Sly et Cynthia Robinson, nous accueille tout sourire et tente de mettre de l’ordre pour dispatcher le staff et une partie des musiciens dans notre véhicule et le mini van qui vient d’arriver. L’un d’eux veut aller dans un magasin de musique, l’autre insiste pour manger au mc do. Ils sont déjà en retard, mais ils ne se mettent aucune pression. Mud Bone Cooper de Funkadelic arrive dans l’hôtel, un des sax lui demande si il n’a « rien a fumer ». Ok, le soundcheck, c’est le cadet de leur souci.
On arrive enfin à décoller. Dans la voiture, on parle avec le tour manager, le stage manager etc… L’un d’eux me dit être excité d’aller à l’Olympia, que c’est pour lui une salle mythique, et qu’il a un boot de Genesis en concert là bas qu’il adore. On parle de la tournée, de l’ordre complètement ahurissant dans lequel ils enchaînent les villes. Ils ont la pêche mais sont heureux d’en finir. On n’aborde pas le sujet de fond « Sly et ses 20 minutes de présence sur scène dans les concerts précédents ». Arrivés sur place ils prennent une claque avec les lettres rouges sur l’enseigne de la salle.
Les musiciens suivent quelques instants plus tard, commencent à se poser, nous devons maintenant aller chercher les cuivres.
On retourne à l’hôtel et la, personne ! Je donne à l’accueil le nom qu’on ma dit de contacter. Rien il ne répond pas. Mince ! Je ne connais personne d’autres.
Je tente : « et Cynthia Robinson vous avez ça en stock ? ». Le type regarde, trouve, téléphone, RIEN.
Je tente de nouveau : « ben Sly Stone vous avez ça ? Je pense que son assistante répondra ». Le type téléphone, il a une voix féminine à l’autre bout:
- oui que se passe t il ?
- vous avez quelqu’un en bas
- ah oui qui ça, comment s’appelle t il ?
J’explique au gars que mon nom ne lui dira rien, qu’il dise que c’est le chauffeur
Elle dit « ok »
Elle raccroche. J’attends, 10 minutes.. Rien.
J’explique au type de l’hôtel qu’il faut que les « horns » se magnent le cul car il reste « officiellement » 45 minutes de soundcheck. (Le reste du groupe étant là-bas depuis maintenant plus d’une heure). Au final je lui dis, repassez moi la chambre de Sly Stone que je parle à la personne que vous avez eu, et qui doit être sa fille.
Le mec appelle, « hello Miss, le monsieur est toujours là et veut vous parler ».
Je prends le téléphone, sauf que derrière je n’ai absolument pas une voix féminine, mais une voix éraillée, qui me dit « yes who are you ? ». NON ! Ce n’est pas possible. Je ne peux quand même pas parler a Sly Stone. 20 ans que je rêve de croiser ce type, 2 jours que je suis excité a l’idée de le croiser une seconde, et je suis au tel avec lui en train de régler des problèmes de logistiques.
Dialogue court mais surréaliste :
- allo ben… je suis venus chercher les cuivres
- les instruments ?
- ben non les gens qui sont derrières
- mais je sais pas ou ils sont
- ok merci
- bye
Je regarde le type, il voit que je fais une tête hallucinée, il me dit « j’ai fait une bêtise », je lui dis « non non , ce que je viens de vivre est tout bonnement surréaliste ».
Je craque, c’est le moment ou jamais de forcer le destin. « Dites-moi Monsieur c’est quelle chambre que vous venez de joindre », « la 168 me dit-il ».
Et me voilà en train de courir vers la chambre de Sly. Je ne sais pas pourquoi faire, sûrement pour dire « oh excusez moi je me suis trompé de porte », ou que sais je.. J’improviserai. Je suis dans le couloir, les numéros défilent, je suis à deux portes…
Merde sa chambre s’ouvre, sa fille sort… Tentative ratée, moi souriant : « ah ben je vous cherchais, on peut partir là ? »
On traverse la cour de l’hôtel, et voilà qu’elle s’arrête, lève la tête vers une fenêtre située au 3e ou 4 étage, et se met a hurler « maman faut partir », et la j’entends au fond de la chambre « mais je dois prendre une douche, j’arrive »… Ok la famille Stone, poussez des hurlements pour vous parler d’une chambre à l’autre, moi ça me fera des trucs à raconter a mes amis ☺…
Folklore dans le hall a chercher les cuivres, on arrivera au final a en réunir 3 sur 4 et a partir comme ça.
Dans la voiture le trombone est adorable, bavard. Cynthia est sèche et cassante le remettant à sa place sans vraiment de raisons. Elle se détendra par la suite, et nous cherchera (ma miss et moi) lorsqu’elle aura des questions backstage sur divers détails (ou sont les toilettes ? Qu’y a t il a manger ? Des vrais sujets de fonds ☺)
Voilà le groupe réuni sur scène, et la balance commence. C’est en place. Le batteur y va. Les types s’éclatent sur Thank U, mais aussi Overjoyed de Stevie. C’est bon enfant. Sly, bien entendu, ne participe pas au soundcheck.
Le speed commence alors. Il faut gérer les invitations. La liste est monstrueuse. Je vois des noms qui m’amusent. Comme je l’ai dit les éternelles pique assiette et « amis de », qu’on voit partout. C’est lamentable, mais bon ça existe, on fait avec. Et à ceux qui sont tenter de me dire « et toi tu es la bas par connaissance », je répondrai que oui c’est vrai, mais qu’a Sheila E j’ai payé ma place alors qu’au final j’avais un « pass », et qu’à Sly j’ai soulevé des caisses depuis 10 h du mat’ donc…
Mais passons là-dessus j’en ai parlé ailleurs, et je ne vais pas refaire le monde.
S’ensuit donc un changement de vitesse où les 3 prochaines heures s’enchaînent follement.
Les musiciens veulent rentrer à l’hotel après le soundcheck. Ce qui veut dire que les véhicules doivent quitter l’Olympia a 17h30, revenir, puis repartir a 20 h pour aller chercher les musiciens. Puis repartir encore pour aller chercher Sly Stone et ses 4 autres filles (et le bodyguard de 12 mètres de haut).
Pendant ce temps les Shaolin Temple Defender et Martha High répètent, vont manger et se changer.
Nouvelle surprise je tombe sur Kiran qui est la bookeuse de Martha. J’ai fait les 3 Celebration de Prince avec cette jeune fille anglaise, qui lors de la 3e était dans le staff du npg store de Paisley Park. Elle a booké Kip Blackshire à Londres la veille de son concert au Réservoir où elle était venue. C’est donc une bonne surprise. On échange des banalités sur nos passions communes, elle m’annonce que c’est maintenant devenu son boulot, et que c’est elle qui a organisé la venue de Prince au fameux concert de Charité à Londres. Elle me raconte toute l’histoire, avec exactement les mêmes faits que ceux qu’Alain Orlandini m’avait contés quelques semaines plus tôt. Rien de neuf, elle me dit juste que Prince l’a rendue folle, et qu’il a dû changer d’avis au moins 50 fois jusqu’à pratiquement 24 h avant.
L’Olympia ouvre ses portes. Les gens arrivent tranquillement. Au guichet des invitations c’est un bordel sans nom, chaque personne ayant de bonnes raisons de ne pas payer. J’hallucine même des excuses qu’on peut entendre. La bonne nouvelle c’est que plus tôt dans la journée c’était Naomi Campbell qui demandait si elle pouvait avoir un pass pour être backstage. Compagnie toujours plus agréable que … Ok ok j’arrête de dire du mal.
La salle se remplit, le premier voyage des musiciens de Sly ne se passe pas trop mal tandis que Martha a commencé son set. Ma femme repart, et une attente de 2 heures dans la 4e dimension va commencer pour elle, mais j’y reviendrai plus tard.
Je croise Zak, un mec du staff lors de mes nombreux déplacements entre l’entrée et les coulisses. On parle un peu de cette expérience et de Sly. Il fonce dans la brèche : « Sly est sûrement le mec le plus dingue que j’ai rencontré. Il est imprévisible. Incontrôlable. Sur la tournée j’ai du échanger 10 mots avec lui. On ne le voit pas. On ne voyage pas avec lui. Je le vois quand il arrive sur scène. C’est triste de voir ce qu’il est devenu ».
Merde, de l’intérieur comme de l’extérieur, le sentiment est le même « c’est triste ». Je lui parle de cela, en lui disant que je croyais que nous aurions des perceptions différentes. On aborde le sujet, repris ici et ailleurs de « faut-il que les légendes se montrent dans cet état ». etc etc.. Echange intéressant, mais lui comme moi on doit se bouger. Surtout qu’à la fin de la première partie aucune nouvelle de Sly. Je téléphone :
- allo, alors tu en es ou vous êtes partis ?
- non je suis dans le hall de l’hôtel depuis une heure, il ne veut pas descendre
- quoi il ne veut pas descendre, il doit être sur scène dans 20 minutes ?
- ben je sais, mais je suis avec sa fille et personne n’arrive a le faire descendre. Elle me dit qu’avec son père, personne ne commande, et qu’il est le seul à décider, et que c’est toujours comme ça
- ok bon courage
Je rapporte ça au staff de Groove prod qui commence à palir et qui me dit « mets la pression à ta femme ». Ben ok les gars je veux bien, mais bon elle n’est pas manager de Sly Stone, donc son action est limitée.
21h15.. Pas de news.
Je croise alors le manager de la tournée. Je lui dis « tu ne veux pas contacter l’hôtel et le faire sortir de la chambre ? «
Le type semble ok. Tu m’étonnes si Sly n’est pas sur scène il ne touche pas son chèque ☺
Je téléphone à l’hotel « bonjour chambre 168 s’il vous plait ».
Je m’attends a parler encore une fois à Fun sa fille, et non c’est lui qui répond.
ET LES GARS je ne vais quand même pas passer la journée à faire des arrêts cardiaques parce qu’on me passe Sly Stone en direct.
Bon je lui passe le manager, le type lui dit
« euh, sly ? tu devrais être sur scène là, faudrait partir.. »
Puis il me regarde « euh.. il a raccroché »
Je vais voir le boss de Groove et je lui dis « Ecoute personne ne fait sortir Sly, ça semble être très chaud » ? Il me regarde : « tu sais ou est l’hotel ? On va aller le sortir »
Nous voilà a 10 minutes du concert en train de remonter le boulevard des Capucines, la situation est encore une fois hors du commun, je m’imagine tout et n’importe quoi, mais pas longtemps, arrivés place de l’Opéra mon téléphone sonne « C’est bon on est parti »..
Retour a l’Olympia, tant mieux car Naomi arrive ☺
Fort charmante, mais pas trois secondes car ca commence a chauffer backstage, et tout le monde panique un peu.
Je vais dans le hall de l’Olympia. Je croise JMS, Greg, Gillouf, Fred D (de loin), quelques têtes connues de ce forum. Doudou de Dood qui à l’air tout excité, mon ami Dom etc etc
Je leur raconte ma folle journée, on rigole, et je repars, direction le parking de l’Olympia
Ca y est. Voilà la voiture. Le géant protecteur de Sly se déplie du véhicule, les 4 ou 5 filles de Sly sortent, camescope ou poing pour faire leur film de vacances, elles sont souriantes, jeunes, sexy pour la plupart. Je redoute ce qui suit.. Ca y est il sort.
Le staff de Groove est dans le speed de la réalité du concert (changement de scène, finance, mise en place etc..) je suis donc seul pour l’accueillir.
Habillé comme vous l’avez vu sur scène, il montre les 4 marches qui nous séparent
Moi tremblant : « Bonjour Mr Stone, bienvenu »
Lui plutôt souriant « hello » puis il marmonne un truc.
On le mène à sa loge, ou il avait spécifiquement stipulé qu’il ne voulait pas d’alcool, et il s’enferme avant le concert. Tout le monde est rassuré le concert peut commencer.
Le groupe fonce sur scène et entame le début du show. Yahoo ! je vais souffler un peu et aller kiffer le son…
J’arrive backstage pour prévenir les gens de groove qu’on reste disponibles mais qu’on va regarder le concert. A ce moment la fille de Sly, Fun, me choppe et me dit :
- Mon père veut un verre d’alccol
- Euh.. mais il a dit qu’il n’en voulait pas
- Oui je sais mais maintenant il en veut
- Ok il veut quoi ?
- J’en sais rien.. N’importe quoi avec de l’alcool.. une bière, de la vodka…
Je regarde en direction du bar (il y a un bar payant dans les coulisses de l’Olympia !!??!!) , mais il est fermé. Damn ! Il faut faire ouvrir le bar. Nous voilà en train de courir pour trouver un verre. 15 min après il a son verre. Je monte m’assoire face à la scène. 10 minutes plus tard il arrive sur scène.
Mes impressions du concert je les ai un peu données sur ce topic :
viewtopic.php?t=10019
Je ne reviens donc pas dessus. Mais je pense vraiment que Sly avait conscience d’oû il était. Son attitude (ne pas sortir de la chambre, vouloir un remontant) semble montrer qu’il s’est mis une pression particulière sur sa prestation parisienne. Tout le staff connaissait la réputation de l’Olympia. Et le comportement de Sly sur scène, à lire les reports de ceux qui l’ont vu a Montreux ou Nice, a été très différent ce soit là. Il a dépassé les 25 minutes sur scène, il s’est jeté dans la foule, il a jeté sa veste au public, il a parlé à toute la salle. Il y avait une générosité particulière, malgré tous les défauts de la prestation et toute la tristesse que son état peut provoquer.
Sly quitte la scène pour la dernière fois, et nous courrons backstage au cas où il voudrait rentrer immédiatement.
Le bodyguard nous dit que rien ne presse, le monde commence à gagner les coulisses, dont Marco Prince (FFF) heureux de la performance d’après ses dires. J’en profite pour le saluer, et lui raconter que vous êtes nombreux ici à l’évoquer. Je l’invite sur le forum, mais à ce jour je ne crois pas qu’il se soit inscrit.
L’Olympia se vide, une partie des musiciens mettent la pression pour aller dormir, et Sly semble ne pas vouloir quitter sa loge.
Premier aller/Retour à 2 voitures. Je reste sur place et aide (un peu à reculons) au démontage de la scène.
Les minutes s’enchainent et à plus d’une heure du matin nous sommes encore sur place. Quand les voitures sont prêtes Sly ne l’est pas, et quand elles sont en route pour accompagner les musiciens il veut rentrer.
A l’extérieur de la pièce il y a un piano. Fun, la fille de Sly, s’y installe et commence à chanter en s’accompagnant. Petit concert improvisé pour une de ses sœurs et moi. Petite pause bien agréable.
L’espace conduit par ma femme arrive, il n’y a que 6 places, et Sly, ses filles, et le bodyguard représentent maintenant 7 personnes. Peu importe ils veulent partir.
Sly sort, je le remercie encore une fois, et la, surprise, il est « disponible ». Il parle clairement, me regarde, et les quelques secondes qui nous séparent les loges du parking sont alors magiques. Je n’ai d’ailleurs gardé que cette émotion en souvenir, ce que nous nous sommes dits étant sans grand intérêt à raconter ici.
Arrivé devant le véhicule nous franchissons une fois encore la 4e dimension. Alors que le mini bus de 8 places arrive, les filles de Sly rentrent dans l’espace. Sly fonce dans le coffre pour rejoindre le siège unique au fond de la voiture, un tout petit siège pliable peu confortable, qui est sur le coté gauche, laissant un espace libre sur la droite pour éventuellement mettre des bagages.
Le bodyguard et une de ses filles sont alors dehors. Je m’approche des passagères en leur expliquant qu’une autre voiture est là, plus grande, et que nous n’avons pas de voiture. Mais voilà qu’elles refusent de sortir, et désigne ma douce en disant « mais elle, elle conduit bien non ? ».. Euh.. Oui elle conduit mais on comptait rentrer la parce qu’on est mort
La fille qui était restée dehors s’approche à son tour du coffre, et la je vois Sly faire un bon pour s’assoire par terre plié en 4 afin de lui laisser le siège.
Le bodyguard soupire et se dirige seul vers le mini bus.
Je résume donc la situation stupide. Il y a un véhicule où tout le monde peut rentrer, mais il n’y a que le bodyguard. Et tous les autres sont entassés dans un espace, et ne veulent rien entendre, nous obligeant à être a 2 voitures pour aller à l’hôtel.
Le régisseur tente de raisonner les filles, qui craquent en lui disant « va dire ça à Sly ». Il ouvre le coffre pour avoir un dialogue cohérent « l’autre véhicule est plus grand, vous pourrez vous installer bien mieux blah blah », mais il a du oublier à qui il parlait puisque comme seule réponse j’entendrai hurler « ferme cette porte, ferme cette putain de porte maintenant » ☺
Bon ben… allons y. Je vais dans le minibus et nous voilà parti en direction de l’hôtel.
Voici maintenant comment s’est terminée la soirée de mon point de vue, et je reviendrai sur le trajet ensuite. Nous arrivons les premiers a l’hôtel, une poignée de fans et de chasseurs d’autographes sont là. Le garde du corps va parler à l’immense bus qui stationne devant l’hôtel tandis que l’espace arrive.
Je cours a l’arrière pour ouvrir le coffre, et la image immortelle qui m’accompagnera longtemps, je vois Sly en boule, les 4 fers en l’air, comme si la voiture avait traversé la jungle et qu’il avait roulé sur lui même durant tout le chemin. Je lui tends la main, et sa fille lui dit « c’est le mari de notre conductrice » (parenthèse inutile, nous sommes pacsés.Je dis ça à ceux qui seraient vexés de ne pas avoir été invités à notre mariage ☺.. Il n’y a pas eu de mariage..encore..)
Et la je le vois tout sourire, me serrer la main chaleureusement et me dire « nice to meet you again ». Le bodyguard fait de la place devant la porte, je le suis jusqu’à l’entrée de l’hotel. Dernière poignée de main, et je vois cet homme s’éloigner.
Etrange sentiment qui se mélange encore. De toute façon cette soirée n’aura été qu’un mélange de très joyeux et de très triste. Au moment où il regagne sa chambre ce sera la même chose. Je venais d’approcher un artiste que j’aime profondément, et que même en rêve je n’avais jamais imaginé voir, sur scène déjà, et encore moins a 2 centimètres de moi. J’avais donc cette joie immense, et en même temps la frustration énorme de ne pas avoir « échangé » avec lui. Sly a des millions de choses à raconter, et même si son cerveau est pas mal endommagé sur la drogue, son regard sur son passé, woodstock, larry graham, le funk, la musique aujourd’hui, etc etc.. sont des sujets qui doivent être passionnants avec lui. Bien sûr je ne m’attendais pas à faire une interview ou a débattre jusqu’au bout de la nuit. Mais 2 ou 3 malheureuses questions n’auraient pas été de refus. Nos échanges ont été trop brefs, et j’ai préféré les vivre pleinement en évitant d’être maladroit.
Accolade chaleureuse avec sa fille, puis le staff.
On quitte l’Hôtel.
Fin de cette journée incroyable.
Je sais, vous vous dites « tout ça pour ça », et bien c’est exactement ce que j’ai voulu décrire. Une journée d’effort, de stress, de prise de tête, « juste » pour vivre quelques secondes qui resteront à jamais dans mon esprit et qui continuent de composer le passionné que je suis.
Avant de conclure, petit retour arrière sur le trajet. La personne qui aura le plus parlé a Sly ce jour-là, et probablement sur toute la tournée, est ma femme ☺
Pendant tout le chemin Sly n’aura cessé d’être loquace, taquin, et finalement plutôt en pleine possession de ses moyens. Lui demandant d’abord de l’herbe (ne fumant ni elle ni moi, elle était bien ennuyée pour lui répondre), car si « il ne fume pas son herbe chaque jour il risque de pâlir », il a ensuite enchaîné sur une invitation dans sa chambre pour 200 dollars ☺ Annonce faite en compagnie de ses filles, mais apparemment de façon plutôt sympathique et pas du tout agressive ou méprisante. Il a ensuite questionné ma douce sur son prénom, déliré sur sa signification indienne etc etc.. Ils ont même collégialement charrié le bodyguard…
Voilà pourquoi sa fille m’a présenté quand il est sorti de la voiture. Apparemment ils avaient plutôt pris du bon temps sur la route.
Je vis ce moment par procuration bien sur, mais partager quelque chose à travers les yeux de ma femme, me permet de le vivre aussi.
Je me dis que je suis chanceux. Pas par rapport aux autres. Mais par rapport à ce que j’ai pu avoir comme souhait ou comme rêves qui se sont d’une certaine façon réalisés. Je rêvais de voir Sly Stone, et j’ai passé une journée à le croiser et à lui parler. Je voulais voir Prince, et j’ai passé une nuit dans un studio de Paisley Park à le voir répéter à 4 centimètres de nous, à même le sol. Je voulais rencontrer Mint Condition, et le chanteur a dormi à la maison. Je voulais aller à Minneapolis, et dès mon premier passage la bas j’ai rencontré St Paul avec qui je suis resté en contact. Je n’essaye pas de faire une liste prétentieuse pour étaler mes expériences. Je les ai déjà racontés ici en plus. Mais je savoure chacun de ces instants. Il n’y a pratiquement que des concours de circonstances dans ces histoires, et la chance d’avoir été la quand il le fallait. Même si il est évident que cette chance je la provoque, et je n’évoque pas le nombre de fois ou rien ne se passe …
Je crois quand même que lorsqu’on souhaite avec ferveur quelque chose, il semblerait qu’on fasse monter les probabilités que cela se réalise.
Allez Jesse Johnson, sort du coma toi aussi, remonte sur une scène, vient à Paris, et je pourrai mourir tranquille
