Comme vous le savez donc, l’ultime épisode de la saga « Star Wars », le 3ème mais en fait le 6ème, va déferler d’ici peu de temps. D’ailleurs, l’entreprise (l’Empire ?) Lucasfilm a déjà commencé son travail de sape : des spots TV en veux-tu en voilà sur des tickets à gratter où on ne gagne même pas un voyage en Faucon Millenium, des céréales avec des cartes à jouer, des figurines en plastique, des vibros en forme de Chewbacca… L’overdose est déjà là ! Et les films dans tout ça ?
Mal, ils vont très mal ! Depuis 1997, ils sont atteints d’un mal aigu, la « Lucastouchus Numéricus », doublé d’une « Pannus Séchus Inspiratus »… La diffusion des 5 volets déjà existants sur M6 va vous prouver, si il était besoin, l’ampleur des dégâts. Mais, pour comprendre comment ce mal pernicieux a pu souiller le souvenir d’une enfance émerveillée, remontons le cours du temps pour nous arrêter en l’an de grâce 1983, époque à laquelle les premiers symptômes qui nous préoccupent ici ont vu le jour.
1983 : Nounours et gueule de bois
Après deux premiers volets aussi excitants que novateurs, le deuxième se permettant même d’élever la saga au rang de mythe par l’intermédiaire de thèmes oedipiens ou philosophiques, George Lucas doit mettre un terme à « Star Wars » via un ultime épisode qui se doit d’être un feu d’artifice. Il n’en sera rien ! « Le Retour du Jedi »porte déjà en lui le ver qui va définitivement faire perdre toute crédibilité à ce qui s’annonçait pourtant comme un sans faute dans l’histoire des films-univers, pas si nombreux à l’époque.
Temporisons notre propos (il sera bien assez tôt de ne pas le faire par la suite) et disons que le film souffre (déjà) d’un trop plein et d’un manque cruel d’inspiration nivelant de ce fait les enjeux dramatiques de la série par le bas. Trop plein de monstres et d’aliens tout d’abord. Ainsi, la scène d’ouverture (le Palais de Jabba) fourmille de créatures toutes plus improbables les unes que les autres. Un bestiaire que Lucas, satisfait du travail réalisé sur Yoda dans « L’Empire Contre-Attaque », confie les yeux fermés au papa des Muppets, Jim Henson. Mais si Yoda était aussi réussi dans l’épisode précédent c’est bien parce qu’Irvin Kershner avait su le filmer avec l’aide de son directeur photo, laissant un parfum de crédibilité jamais atteint au cinéma pour une marionnette. Ici, point de retenue, des éléphants bleus, des calmars géants, une limace baveuse, des cochons en plastoque font de cette réunion un joli meeting post « Sesame Street ». Le ridicule sera définitivement atteint par la découverte d’une peuplade indigène appelée Ewoks, insupportables cousins miniatures de Nounours et véritables appels au meurtre. En dehors du fait que le look craint vraiment pour un « Star Wars » (où est donc leur fermeture-éclair ?), savoir que ces résidus de couilles poilues foutent en l’air un Empire Galactique que les plus balèzes des Jedi n’auront pas réussi à terrasser fait déjà doucement rigoler sur les capacités de Lucas à structurer le monde qu’il a créé. Enfin, le background de l’histoire, ne raconte rien de neuf : Han Solo est libéré, Luke a la confirmation que Vador est son père, l’Empire construit une nouvelle Etoile Noire… Scénaristiquement, Lucas solde ce qu’il y a à solder et le fait sans génie. Pour cacher ces carences (22 ans après et à l’aulne de la nouvelle trilogie, c’est encore plus flagrant), Lucas se fait déchaîner ILM comme jamais et balance une bataille spatiale finale ahurissante qui a au moins le mérite de sortir le spectateur de sa torpeur pour le moins dubitative. La faute à qui ou plutôt à l’absence de qui ? De Gary Kurtz, producteur délégué de Lucas sur «Un Nouvel Espoir » et « L’Empire Contre-Attaque », avant que les deux hommes se frittent violemment sur la marche à suivre quant au prochain film à faire. Celui-ci souffre de son absence et porte en elle les réponses du futur fiasco qui s’annonce. Le contre pouvoir de celui qui peut dire « Non » à Lucas sur ses choix n’existe déjà plus. La preuve en est que George Lucas, déjà bien embêté d’avoir choisi un réal soucieux de discuter chaque ligne de dialogue sur le précédent volet en la personne d’Irvin Kershner, décide cette fois de confier les commandes à Richard Marquand, un « Yes Man » dépourvu de génie, ou tout du moins de vision artistique. Sans personne pour contester le travail de Saint Lucas, la route semble plus dégagée que jamais. La sortie, six ans plus tard, du piteux « Indiana Jones et la Dernière Croisade » en sera une nouvelle preuve flagrante.
"Le Retour du Jedi" : prémices d'une future décadence...
1997 : L’Ere du révisionnisme numérique
Pour fêter les 20 ans de la sortie de « Un nouvel espoir », Lucas décide de ressortir l’ensemble de sa trilogie, non sans avoir entrepris un nettoyage de printemps qui ne se bornera pas à nettoyer des négatifs bien mal en point. Non, Lucas, depuis « Jurassic Park » et ses dinosaures en synthèse, sait que l’heure est venue. La technologie est enfin prête pour lui permettre de conclure son travail, d’envoyer au monde une nouvelle trilogie, préquelle à celle déjà existante et narrant les événements qui ont conduit à la chute d’Anakin Skywalker et à l’avènement de l’Empire Galactique. Balayons l’idée saugrenue que George Lucas veuille remplir les caisses, puisque si tel avait été le cas, l’enfant de Modesto aurait battu le fer pendant qu’il était chaud et aurait embrayé dès 1984 cette nouvelle trilogie. Ainsi quand Lucas déclare qu’il a attendu le temps nécessaire pour que les effets numériques soient au point, on peut, pour une fois, le croire sincère. Là où le bat blesse, c’est quand Lucas décide de se servir des trois films originaux comme laboratoires à ses expériences numériques douteuses, tel le Dr Frankenstein qu’il est. Et c’est bien de trois monstres défigurés que va accoucher ILM. Propageant la fallacieuse idée que les films ont vieilli et qu’ils doivent plaire à un nouveau public -comprendre les petits garçons et les petites filles qui achètent du jouet « Star Wars » à la tonne- Lucas ripoline ses films d’ajouts hautement toxiques. Revue de détails qui se divise en deux catégories : les ajouts plastiques qui n’apportent rien et ceux qui donnent un nouvel angle narratif, pervertissant du coup, nombre de personnages. Dans la première, des Stormtroopers qui chevauchent des lézards géants, un panoramique sur une Mos Esley digitale et une attaque de l’Etoile Noire plus dynamique… Mmmouais. Dans la deuxième, et c’est plus grave, un Han Solo qui flingue Greedo après que celui-ci ait fait feu en premier (l’est gentil Han Solo, faut pas déconner non plus) et une rencontre grotesque entre un Jabba pixelisé absolument hideux qui fait passer la grosse limace pour un pantin grotesque (Han Solo lui marche sur la queue – sic) alors qu’il est censé être un boss impitoyable. Ca, c’est pour le premier. « L’Empire contre-attaque », peut-être parce qu’il est le meilleur film de la série, souffre moins de ces tripatouillages douteux, ce qui ne sera pas le cas du « Retour du Jedi » où Lucas nous gratifie d’un numéro musical entièrement refait à la palette graphique, mettant en scène un Joe Cocker de l’espace et une grenouille qui joue de l’harmonica. What the fuck ? Jar Jar Binks n’est désormais plus loin ! Mais suprême et récente hérésie, pour la sortie du coffret DVD, Lucas en remet une couche en effaçant l’acteur Sébastian Shaw du plan final pour le remplacer par cette tête de flan de Hayden Christensen. Le message est bien passé, c’est Anakin Skywalker qui a le droit à la rédemption et non pas Dark Vador, salaud parmi les salauds. Dès lors, l’annonce d’une prélogie commence à faire froid dans le dos. Le résultat sera au delà de tout espérance.
Han Solo face à Jabba dans l'édition spéciale de "Un Nouvel Espoir" : vous avez dit "caca" ???
1999 : Un réalisateur fantôme
L’attente suscitée par l’annonce de trois nouveaux épisodes « Star Wars » n’aura d’égale que la déception (le mot est faible) qu’elle aura engendrée. Factice à 90%, l’environnement virtuel de la saga est déjà complètement foiré. On ne compte plus les regards même pas placés des acteurs (pauvres Liam Neeson et Ewan McGregor) qui ne voient devant eux que du vide. On ne parle pas de Jar Jar Binks, amphibien rasta qu’on aimerait bien voir transformé en poisson congelé tellement il est ahurissant de bêtise. On rigole de voir Anakin Skywalker, 9 ans au compteur (le petit Jake Lloyd, horripilant lui aussi) , foutre une pâtée à la Fédération du Commerce en explosant un vaisseau amiral. On enrage de voir un nouveau « bad guy » (Dark Maul) au potentiel ravageur mais utilisé de façon quelconque et qui finit, qui plus est, comme la pire des merdes. On pleure de chagrin devant cette course de Formule 1 commentée par le Léon Zitrone à double tête local. On reste consterné sur cette bataille terrestre entre Droïdes nourris au Slim Fast et les Gungans, prôche d’un mauvais dessin animé de Pixar (eux font des bons films au moins). Que reste-t-il de cet Episode 1 tant attendu ? Natalie Portman, parfaite en reine altière. Les prémices politiques qui amèneront une République décatie à se transformer en dictature galactique (c’est d’ailleurs ce qu’il y a de plus intéressant dans cette nouvelle fournée étoilée, prouvant que Lucas est quand même un sacré féru d’Histoire). Un duel à trois au sabre laser dantesque qui laisse rêveur sur ce qui aurait pu être. C’est peu. C’est même très maigre en regard de ce que l’univers légendaire avait à proposer. Le suivant, « L’attaque des Clowns », si il redresse sensiblement la barre en proposant des clins d’œil appuyés et vains aux fans (il en reste ?) qui se matérialiseront par les origines de Boba Fett ou le début de cette satanée Guerre des Clones dont on entend parler depuis « Un nouvel espoir », n’évite pas les écueils de taille. A commencer par cette romance entre Anakin Skywalker et Padmé Amidala, qu’on pensait passionnée, mais qui n’est rien d’autre qu’une amourette digne des meilleurs écrits de Barbara Cartland. Cette liaison se traduit, à titre d’exemple édifiant, par un rodéo d’Anakin sur une vache escargot ( !). La figure maléfique de Dark Vador en prend un sérieux coup dans l’aile pour le coup ! Mais là où les choses s’aggravent c’est quand la continuité défendue par Lucas ne tient plus du tout la route. Ainsi, on se demande bien pourquoi Dark Vador ne reconnaîtra jamais C3PO alors que c’est lui-même qui l’a construit. Dans le même ordre d’idée, pourquoi Owen Lars (introduit dans cet épisode) ne reconnaîtra pas ce même C3PO lorsqu’il le rachètera à des Jawas dans l’épisode 4 ? On pourrait soulever ici et là nombre d’incohérences (Obi Wan qui demande à Luke de rejoindre Yoda sur Dagobah, « celui qui lui a tout appris » alors qu’il est censé avoir été le Padawan de Qui Gon Jinn si on s’en tient aux événement relatés dans « La Menace fantôme »). Pas pour dire, mais ça commence à prendre l’eau de toute part cette histoire.
Jar Jar Binks, depuis sa tête est mise à prix par tout fan qui se respecte...
L’Episode 3 à sortir, selon les premiers échos, redresserait désespérément le niveau de l’affaire. Spielberg aurait shooté de nombreuses scènes, le script doctor de Coppola aurait mis la main dans le cambouis pour rafistoler les dégâts… Mais n’est-il pas déjà trop tard, étant entendu que Lucas doit nous convaincre de la présence de l’insipide et transparent Hayden Christenssen, la plus belle erreur de casting du siècle, en incarnation ultime –puisque dernière- de Dark Vador, seule icône de la saga non encore pervertie par Lucas.
Natalie Portman, rare raison de se satisfaire de la nouvelle trilogie, à côté de C3PO, vestige dorée d'une gloire passée dans "Revenge Of The Sith".
Au-delà des choix forcément tragiques de Lucas, de sa volonté d’effacer jusqu’au jeu des acteurs, de saturer l’image d’informations digitales inutiles, désincarnant jusqu’à la chair une histoire pourtant humaine avant tout, force est de constater qu’il a raté l’essentiel. Raconter une histoire, une genèse et placer le(s) personnage(s) au centre de la narration. La nouvelle trilogie est certes une belle vitrine à effets spéciaux (malgré des incrustations limite dégueulasses) mais elle n’est que ça. Ce qui a fait la force de « Star Wars », c’est cet aspect inaltérable de Conte où le Mal se dispute au Bien et qui vit en chacun de nous. La scène de l’arbre dans « L’Empire contre-attaque » est dix fois plus efficace et dix fois moins impressionnante que les prouesses techniques récentes des 3 nouveaux épisodes. Elle n’en est pas moins pertinente et représente à elle seule tout ce qui fait cruellement défaut aujourd’hui. Oui, « Star Wars » est une tragédie grecque, pas de celles qu’on aurait souhaité, mais en est bien une. Celle où un réalisateur y a perdu définitivement son âme. Et nous, nos souvenirs d’enfance.