Cet album m'a époustouflée. Je suis complètement séduite. Mes premières écoutes au MP3 étaient insignifiantes. L’écoute au casque dès l’achat du disque a été plus qu’une révélation. C’est un album avec lequel j’ai vécu, dormi, respiré comme naguère avec un Around the World in a Day.
L’écoute de ce nouvel opus suscite chez moi, enthousiasme, excitation, plénitude, émotion et espoir. Espoir car il y aura certainement un après Black Messiah comme il y a eu un après Brown Sugar et un après Voodoo même s'il ne faut pas exagérer l'influence de D à l'époque, comme on a pu le lire un peu partout. L’album est révolutionnaire, non dans sa direction artistique mais dans la place qu’il occupe déjà, qu'il occupera dans la décennie. Black Messiah est en quelque sorte une remise des pendules à l’heure, un décrassage de l’état lamentable du r&b actuel, une remise en scène, une mise exergue nouvelle d’une « Nu Soul » naguère triomphante et plus médiatisée.
Cet album fait du bien, beaucoup de bien et cela rassure que D reste toujours le musicien qui m’avait scotché en 1995 et qu’il a eu la force de sortir de ce long sommeil qui a emprisonné nombre de ses congénères, malgré quelques très et trop rares excellents survivants.
Black Messiah constitue non seulement une revendication politique, sociale mais également musicale, les références évidentes et appuyées tout au long du disque l’attestent. C’est un disque sombre, poignant et essentiel, même si il est un peu trop tôt pour le qualifier de chef d’œuvre.
L'ensemble des titres présente une excellence qui me manquait tellement, l’ensemble des titres a un pouvoir d’addiction immense avec une musicalité exceptionnelle. Un titre tel que Sugah Daddy qui me renvoie à un When we get by, des bijoux de jazz où l'on sent une approche digne de Monk. Le très très beau, raffiné et religieux Prayer avec des lyrics qu’un Martin Gore ne renierait pas, avec un beat que l’on croirait produit par du Saadiq que c’en est troublant. Et d’ailleurs, je me demande pourquoi Raphael n’est point sur cet album.
Sur le très sensuel Another life, on voit que Michael Eugene assume enfin l’héritage de Marvin Gaye (cf interview par Quest Love dans Vibe Magazine 2000) avec des lyrics tels que le prodige de la soul susurrait à l’oreille de Janis Hunter.
1000 deaths est certainement mon titre préféré bien que pour moi, il n’y est pas un seul titre faible dans cet album. 1000 deaths avec ce son barré, riche et complexe qui d’emblée m’a plus qu’enthousiasmée.
Vocalement, j’ai été un peu surprise. Mon vocal préféré de D a toujours été dans le grave, celui qu’il entonne dans un Lady ou un Nothing really matters, mais cela n’altère en rien ce que j’éprouve lorsque j’entends sa voix.
A propos de tout ce qui a été écrit sur D, il y a tout de même ce passage d’un article dans les Inrocks qui m’a fait quelque peu sursauter.
http://www.lesinrocks.com/musique/criti ... k-messiah/
« Rappelons les faits. En 1995, un jeune adonis de 21 ans, originaire de Virginie, fils de prédicateur pentecôtiste, crée l’émoi avec un premier envoi, Brown Sugar, qui réussit à mettre tout le monde d’accord. De George Clinton à Eric Clapton ! Il est pour ainsi dire celui que l’on attendait, fils spirituel et sensuel de Marvin Gaye, d’Al Green, de Stevie Wonder mais aussi éclaireur ouvrant une voie royale aux futurs big shots de la soul et du R&B moderne. R. Kelly, Bobby Brown, Bilal, Van Hunt, John Legend, jusqu’à Pharrel Williams lui doivent en cela une fière chandelle. L’album se vend à plus d’un million d’exemplaires. Un succès qui s’accompagne d’une mystique D’Angelo naissante » peut-on lire dans cet article.
C’est un constat qui est effarant et effrayant et qui témoigne de l’ignorance totale de l’auteur de l’article sur la scène r&b soul des 90’s. Bobby Brown, une des superstars de la New Jack dont la carrière solo a débuté en 1986 et dont l’influence musicale comme celle d’un Pharrell doit beaucoup plus à MJ qu’à D’Angelo. R Kelly, fortement influencé par Charlie Wilson.
De même que Bilal ne doit rien à D’Angelo. Le succès de D a juste encouragé les labels à signer toute une génération d’artistes qui étaient nostalgiques de la musique d’une certaine époque (Maxwell, Eric Benet, Adriana Evans,Rahsaan Patterson, Jill Scott, etc...) à côté de cela la new jack finissante et le r&b de l’époque étaient très bien produits, je l’ai déjà écrit ici, mais l’influence de mecs ultra doués comme Devante Swing et Teddy Riley ne saurait être sous estimée. La scène musicale noire américaine de cette époque était bien plus complexe que cela.
L’influence de D, je ne l’ai perçu à l’époque qu’en écoutant les titres de Musiq Soulchild et du regretté Lynden David Hall, qui lui me paraissait presque l’équivalent d’un D anglais, vocalement parlant.
"Rock n' Roll is the most brutal, ugly, desperate, vicious form of expression it has been my misfortune to hear"
Frank Sinatra