Annoncé depuis 2021, l’édition Super Deluxe de « Diamonds And Pearls » sort enfin le 27 octobre prochain. De son impact originel en 1991 à sa réédition 32 ans plus tard en version augmentée et remasterisée, retour sur l’écrin d’hier et d’aujourd’hui.
New Power Fans
En plein été 1991, Prince s’empare une nouvelle fois de ses feutres pour signer la pochette du single « Gett Off », neuf ans après avoir signé celle, ô combien iconique, de l’album « 1999 » qui allait faire de lui un artiste majeur de la musique contemporaine.
Cette similitude graphique est peut-être le fruit du hasard, mais elle ne trompe pas sur la note d’intention de l’artiste à ce moment de sa carrière ; celle de marquer une nouvelle étape forte dans son parcours. Et « Gett Off », single marteau pilon, est sans doute la plus signifiante démonstration de cet état de fait. Testé en club quelques semaines avant sa sortie commerciale en juillet, « Gett Off » a l’envergure des singles marquants de Prince, au même titre que « When Doves Cry » ou « Sign O’ The Times ». Mêmes aridité et minimalisme prononcés, une proposition jamais entendue ailleurs et auparavant, un radicalisme musical percuté par le génie de la production et des arrangements, tout ça amenant petit à petit à une addiction auditive de la part de son public. Surtout, « Gett Off » est la première pierre officielle de l’édifice New Power Generation, son nouveau groupe, construit autour d’une rythmique qui va devenir légendaire, celle de Michael Bland (batterie) et Sonny Thompson (basse). Ces deux membres d’importance, au même titre que Wendy Melvoin et Lisa Coleman hier, personnifient à eux deux les nouveaux enjeux de la direction musicale qu’a choisi de prendre Prince, ceux d’un retour aux sources noires de sa musique, après avoir copieusement visiter le rock et la pop blanche à travers « Purple Rain », « Around The World In A Day » et dans une moindre mesure, « Parade » et « Sign O’ The Times ».
« Mais il y a ce nouvel album. Pour l’apprécier, il va falloir éviter de regarder le passé… ». C’est en ces termes que le journaliste Philippe Ducayron évoque l’album « Diamonds And Pearls » dans les pages de Rock & Folk, à l’automne 1991. Ce treizième opus de la discographie princière va être celui de tous les paradoxes, et va surtout marquer une scission entre fans d’hier et d’aujourd’hui. Car c’est à partir de ces treize nouveaux titres que certains vont quitter le train, quand de nombreux autres vont le prendre en marche, faisant de cet album une étape pivot dans le renouvellement du fandom princier. « Diamonds And Pearls » marque le point de départ d’une deuxième génération de fans, acquise à la cause de ses singles imparables (« Cream », « Money Don’t Matter 2 Night » et le morceau-titre), ses clips calibrés MTV et ses apparitions télé mémorables, que ce soit sa prestation au Arsenio Hall Show où il n’hésite pas à convoquer la vibe slystonienne de « Daddy Pop », ou encore l’ambiance de stupre directement héritée de Sodome et Gomorrhe pour un « Gett Off » sulfureux joué aux MTV Awards.
Car si l’inclusion du Rap et de Tony Mosley fait tiquer les puristes, si on commence à percevoir certaines recettes (« Thunder » en remake oriental de « When Doves Cry »), si le sirupeux a le goût trop prononcé de la mélasse R&B du moment (« Insatiable ») et si les Jam Funk virent un peu trop à la bouillabaisse (« Push » et son timing exagérément étiré au-delà du raisonnable), Prince continue de mettre toute la concurrence à l’amende dès qu’il arpente la scène du live, surtout entouré d’un groupe aussi redoutable, le meilleur de toute sa carrière.
La tournée qui débute en ultime tour de chauffe au Glam Slam de Minneapolis en janvier 1992 et qui se terminera en juillet de la même année à Paris, non sans avoir visité le Japon, l’Australie et l’Europe mais toujours pas les Etats-Unis, est à ce titre totalement éloquente. Dix huit personnes sur scène, un immense Love Symbol lumineux amovible suspendu au-dessus de la scène, un trampoline, des projections sur écrans vidéo, un lit volant, un tube ascenseur directement sorti de James Bond, un fond de scène en fibre optique, des statues antiques, des lasers, des fumigènes, un rideau de perles, c’est une véritable orgie visuelle, encore plus folle et complexe que la logistique des tournées « Purple Rain », « Sign O’ The Times » et « Lovesexy » réunies. La mégalo princière dans toute sa splendeur, un spectacle rétinien absolu et une performance musicale qui, comme à l’accoutumée, rend les versions studios des titres joués totalement obsolètes. C’est du « Star Wars » version Funky Show, où le groove le dispute à une maestria permanente. En deux titres d’ouverture, « Thunder » et « Daddy Pop », Prince assomme littéralement son auditoire, piégé qu’il est dans une véritable machinerie en surchauffe, l’amenant au bord de l’apoplexie. On n’envie pas du tout toute cette jeune génération qui a découvert Prince sur le tard ou après sa disparition, tellement le fait de vivre ce genre de spectacle définitif diffère de ce que la caméra pourra à jamais capter. Il y manquera toujours le lien qui unifiait Prince, son groupe et le public, ce sentiment indescriptible amenant au frisson ultime, cette sensation unique de rentrer littéralement dans une autre dimension, totalement déconnectée de la réalité du monde quotidien que nous connaissions dès qu’il n’était pas en ville pour sortir des notes qu’aucun autre musicien n’était capable de sortir, à part lui.
Les critiques ont eu beau faire la moue, les fans de la première heure aussi, les résultats sont pourtant bien là, indiscutables ; « Diamonds And Pearls » deviendra le deuxième album de Prince le plus vendu de toute sa carrière, derrière l’indétrônable « Purple Rain » et devant « Batman ». En France, alors que l’homme voguait à une vitesse de croisière de 200 000 exemplaires vendus en moyenne par album, il décroche cette fois-ci la timbale avec 600 000 unités écoulées, des singles classés aux sommets du Top 50 et trois Bercy archi complets. Les chiens aboient, la caravane passe !
Rappelons, à toutes fins utiles que vous pouvez continuer à creuser le sujet en (ré)écoutant l’épisode fleuve de Violet consacré à cet album phare, afin d’être incollable sur le sujet. Vous pourrez alors briller en société, tel un diamant, cela va sans dire !
Un Estate d’esthètes ?
En 2021, alors que Prince est rentré définitivement chez lui depuis cinq ans maintenant, le Prince Estate envisage un troisième Coffret sur le même modèle que ceux réalisés pour « 1999 » en 2019 et « Sign O’ The Times » en 2020.
Si celui de « 1999 » a connu le succès puisqu’en rupture définitive seulement quelques mois après sa diffusion, celui de « Sign O’ The Times » fonctionne moins bien alors que c’est pourtant à ce jour la plus belle réalisation effectuée par les ayants-droits de l’héritage princier. Trois ans après sa sortie, on peut encore le trouver partout, que ce soit sous format CD ou Vinyles.
Le fait que ce qui est considéré par beaucoup comme le chef-d’œuvre artistique de Prince n’engendre pas les chiffres de vente escomptés pose question au Prince Estate et à Michael Howe, son archiviste de l’époque. Il est donc décidé d’aller chercher un album au succès affirmé et « Diamonds And Pearls » représente à ce titre le candidat idéal. Initialement programmé à la fin de l’année 2021, quelques mois seulement après la sortie estivale de « Welcome 2 America », il est décidé de reporter le projet à l’année suivante et de le coupler avec l’album « Love Symbol » de 1992, afin de marquer le trentième anniversaire de celui-ci, et d’avoir une vision panégyrique du travail effectué avec la formation initiale des New Power Generation. La pandémie de la COVID, alors toujours en cours, la raréfaction du matériau servant à produire les vinyles, le peu d’usines de pressage en activité et les modifications juridiques du Prince Estate en juillet 2022, vont en décider autrement.
Alors que la pandémie réduit l’activité mondiale de manière conséquente, il devient difficile pour les gestionnaires du catalogue princier de pouvoir passer en priorité sur les programmations serrées des chaines de pressage quand, dans le même temps, de gros vendeurs comme Kendrick Lamar ou Adele ont besoin d’alimenter des stocks manquants dans les magasins et plateformes de distribution. Ce ralentissement mondial de la production de vinyles va jouer contre Troy Carter et Michael Howe, surtout quand on sait que leur projet pharaonesque comportait initialement 21 vinyles, volumes nécessaires à compiler albums originaux, remixes, faces B, inédits du Vault et lives de l’époque. Mais c’est la décision de justice qui clôt enfin la succession de l’héritage de Prince, après 6 ans de procédure, qui va rebattre en profondeur les cartes.
Celle-ci acte le désengagement de Comerica Bank et de ses administrateurs au profit de deux nouvelles holdings pilotées par les héritiers directs de Prince et leurs représentants. Pour rappel, ces deux holdings détiennent chacune 50% des parts ; d’un côté Prince OAT menée par la société Primary Wave et de l’autre, Prince Legacy LLC conduite par Londell McMillan et Charles F. Spicer Jr. Ce statu quo égalitaire décidé par le Juge Kevin Eide du Comté de Carver, doit servir les intérêts commerciaux de Prince en forçant chacune des parties à prendre des décisions collégiales et unitaires.
Mais très vite, le leadership public est pris par McMillan et Spicer, via leurs différents réseaux sociaux et semblent agir comme si rien n’avait changé depuis la date du 29 juillet, celle où ils ont enfin ce qu’ils désiraient depuis tant d’années : les pleins pouvoirs.
Leurs messages apparaissent comme véhéments envers certains fans qui voient d’un mauvais œil la reprise des affaires princières par les deux hommes, plombés qu’ils sont par leurs actes passés, leurs déclarations à l’emporte-pièces, leur dénigrement permanent des choix faits par Carter et Howe en leur temps.
Rien ne va s’arranger avec la Célébration 2023 qui se tiendra comme chaque année à Paisley Park, que d’aucuns considèrent comme étant ratée et qui sera une suite d’erreurs stratégiques amenant à la diffusion, d’abord sous forme de clé USB, puis sur les plateformes de téléchargement et de streaming un mois plus tard, de deux nouveaux titres inédits : « 7 (E Flat Version) » et « All A Share Together Now ».
Visuels immondes qu’on croirait réalisés par un enfant de 4 ans à qui on aurait laissé la possibilité de jouer avec Adobe et Photoshop réunis, qualité audio contestable dont un titre exploité en mono alors qu’il l’avait été en stéréo sur la fameuse clé USB, les fans se demandent avec raison s’il y a un véritable pilote dans l’avion. L’exigence de qualité demandée haut et fort par l’ineffable duo pendant 6 ans se retourne alors contre eux, au vu des premiers piteuses décisions prises et des posts du compte officiel Prince qui, à titre d’exemple, rebaptisent « Electric Intercourse » en « Electronic Intercourse » ou qui sermonnent les fans plus que sceptiques en leur expliquant à demi-mots que ce sont des haters ou des crétins. Quand on y rajoute une Sharon Nelson répudiant publiquement Londell McMillan et Charles F. Spicer Jr, l’image idyllique d’un futur Estate qui allait nous en montrer plein les yeux en prend un sacré coup dans l’aile !
Dans toute cette affaire, on se demande d’ailleurs ce que fait Primary Wave, représentant les intérêts de Tyka, Omarr et feu Alfred, l’autre partie de la fratrie princière qui n’a jamais voulu s’acoquiner avec McMillan. Peut-être qu’en silence, ils œuvrent pour essayer d’y injecter un apaisement nécessaire et un travail en coulisses. De par leur longue expertise professionnelle, la société new-yorkaise d’édition musicale, semble être le visage de sérieux qu’exige l’exploitation du Vault, un trésor qui dépasse non seulement tout éventuel antécédent artistique connu mais qui entre clairement dans ce qui pourrait, sans rires, être classé au Patrimoine Universel de l’Humanité.
Faut-il voir en la désignation de Duane Tudhal en tant qu’archiviste officiel du nouveau Prince Estate, bien connu des fans pour ses recueils sommes sur les sessions d’enregistrement de « Purple Rain » et « Parade », un acte de bonne volonté quant à poursuivre le travail de Michael Howe, avec qui il a d’ailleurs travaillé lors de la fabrication des coffrets « 1999 » et « Sign O’ The Times » ? Assurément !
Quoi qu’il en soit, il est acté très vite de revenir sur la décision de coupler « Diamonds And Pearls » à « The Love Symbol Album », et d’offrir uniquement une édition Super Deluxe à l’opus de 1991. Si cette décision peut paraître déceptive pour les fans, toujours en attente de toujours plus de musique, elle ne doit toutefois pas faire l’impasse sur les impacts purement commerciaux d’une telle décision, sans compter la cohérence d’avoir des éditions uniques à chaque album précis.
Bye bye donc « The Love Symbol Album », sa remasterisation, ses inédits et surtout son live de prévu puisque, cruelle perte pour nous autres français, il s’agissait de l’audio du mythique Rex Club de Paris. Mais ne serait-ce pas plutôt un au revoir plutôt qu’un adieu définitif ? L’avenir nous le dira…
Des perles et des manques
C’est donc après toute une série de drames en coulisses, que l’annonce officielle tombe enfin en ce 24 août 2023 ; il y aura bien un nouveau Coffret Super Deluxe, alors que cette architecture pensée par l’ancien régime du Prince Estate a toujours été conspuée publiquement par McMillan. Ceux qui l’ont croisé à Paisley Park lors de la Célébration 2022 pourront d’ailleurs vous le confirmer. Et si aujourd’hui, l’homme s’enorgueillit du contentement des fans, personne n’est dupe sur le discours de celui qui ménage la chèvre et le chou à son bon vouloir.
Précisons tout de même, et pour être tout à fait impartial, que cette annonce attendue mais plus que tardive est aussi le résultat d’une justice qui aura mis un an quasi-jour pour jour, pour signifier officiellement aux ayants droit que Comerica était enfin définitivement désengagé de la gestion du Prince Estate à la date du 25 juillet 2023.
Mais alors, cette boîte à bijoux à venir, quel est le programme ?
Dès que la tracklist a été officiellement découverte, et sans en avoir écouté encore l’entièreté, plusieurs constatations sont à prendre en considération. Ainsi, si le contenant semble en tout point reprendre le format du dernier Super Deluxe en date, à savoir « Sign O’ The Times », on peut déjà soulever un contenu différent. Les remixes et faces B, qui faisaient l’objet d’une totale exhaustivité sur les coffrets précédents, ne sont plus tous présents. Il a donc été décidé de faire l’impasse sur une partie non négligeable de titres issus des « Gett Off » et « Cream » EP de l’époque, à savoir « Gett Off (Flutestramental) », « Clockin’ The Jizz », « 2 The Wire », « Get Some Solo », « Housebangers », « Q In Doubt » et « Ethereal Mix ». On peut s’étonner de ce choix (pourquoi décorréler « Gangster Gam » de « Clokin’ The Jizz » par exemple ?), surtout quand on conserve toutes les versions Edit et pour lesquelles on peut se demander pourquoi on persiste à vouloir les inclure dans ce type de configuration.
Deuxième point de questionnement et ce, même si les titres du Vault représentent trois CD et cinq LP à eux-seuls, c’est encore une fois l’exhaustivité des titres proposés. Les fans les plus acharnés ou tout simplement les amoureux de l’exxxxxcccccellent site PrinceVault auront noté le manque patent d’outtakes aussi emblématiques que « I Wonder », « Player » ou « I Hear Your Voice », visiblement tous enregistrés par Prince avant la publication de l’album. Pourquoi ces choix ? Apparaitront-ils à un moment donné ailleurs ? Leurs premières versions datent-elles vraiment officiellement de cette période ou tout comme la version de 1979 de « I Could Never Take The Place Of Your Man » sur le Super Deluxe de « Sign O’ The Times », on n’est pas à l’abri de découvrir de possibles premières itérations créées cinq ou six ans avant leur recensement ? A voir…
Troisième point d’achoppement, et là aussi pas des moindres : la partie live. Jusqu’à présent, le Prince Estate nous gratifiait d’un live audio différent du live vidéo. Ce n’est plus le cas ici, et c’est donc le concert du Glam Slam de Minneapolis daté du 11 janvier 1992, qui a été choisi pour être décliné par deux fois dans le coffret. Si on ne doute absolument pas de la qualité de ce concert, et là encore ceux qui ont eu la chance de le voir projeté en exclusivité à Paisley Park lors de la Célébration de l’année dernière vous en parleront avec des trémolos dans la voix et l’œil humide, on peut s’interroger sur le fait que ce show ne bénéficie pas de toute l’infrastructure et la mise en scène propre à la tournée qui suivra. Surtout quand l’on sait, encore une fois, que nous étions initialement et personnellement concernés par le premier choix qui avait été fait, puisque c’était le show du 11 juillet 1992 de Paris Bercy qui devait être gravé pour la postérité sur le Blu-ray joint au coffret. Il est fort possible toutefois que les plans de l’Estate aient été contrariés par le Casus Belli engendré par le toujours invisible docu-series de Netflix. A ce sujet, ne bougez pas, on va y revenir ! Enfin, si on est très content de voir en ajout, non seulement les titres joués lors de la Cérémonie des Special Olympics de Minneapolis mais également son soundcheck inédit tourné par Steven McCullough, ainsi que la « Diamonds And Pearls Video Collection » regroupant les clips de l’album, on se demande pourquoi avoir fait l’impasse sur la série de vidéo-clips liés à « Gett Off ».
Et puisque le Prince Estate nous a généreusement gratifié de deux titres éclaireurs de cette édition à venir, autant émettre un premier avis sur la proposition. « Alice Through The Looking Glass » est peut-être ce que représentait généralement la sortie d’un nouveau single de Prince. Au début, on se dit « Ouais, ben ça va, tu ne t’es pas trop foulé ce coup-ci, t’es plutôt en mode automatique là, hein avoue… ?» et puis, même si l’aspect démo brute ne peut être ici être totalement oblitéré, on y revient par sécurité tellement Prince nous avait habitué à ne pas rester sur une première impression. C’est alors qu’on y découvre les sons au fond du mix, les gimmicks cachés, la basse ronflante, les nappes de synthé qui envoûtent et hop, au bout de la quatrième écoute, on est tous devenu accros. Quant au Early Mix de « Insatiable » en full version et plus de huit minutes au compteur, que dire si ce n’est qu’à titre personnel, votre serviteur trouve qu’elle enfonce copieusement la version de l’album et ses arrangements énervants à la « Ushuaïa » (allez-y, jetez-moi des pierres…). Avec son ambiance piano-bar classieux, sa performance vocale en multi-octaves de la mort qui tue (c’est ça Nicolas G, j’ai bon ou pas ?) et sa sensualité qui ferait passer Marvin Gaye pour un gros lourdaud, on ne peut que rendre les armes devant tant de génie à la seconde. Bravo, again and again !
Pour le reste des inédits, je ne peux que vous renvoyer à l’article de notre Chak Odelika national, le seul être humain sur Terre à pouvoir vous dire ce que Prince a mangé au petit-déjeuner le 23 mars 1988, où ça, avec qui et à quelle heure !
Londell McMillan versus Netflix
Et pendant ce temps-là, me direz-vous, que fait Netflix ? La plateforme de contenus audiovisuels mondialement connue, forte de plus de 250 millions d’abonnés officiellement inscrits est signataire d’un deal avec le Prince Estate (Version 1) pour la fabrication et la diffusion d’un documentaire en plusieurs parties, censé suivre chronologiquement le parcours personnel et professionnel de Prince, de 1958 à 2016 et mis en boîte par Ezra Edelman, réalisateur oscarisé pour son remarquable documentaire « OJ Simpson : Made In America ».
C’est que Netflix a aussi connu de nombreux problèmes au démarrage de cet accord qui leur permet, non seulement d’accéder aux contenus vidéos inédits du Vault, mais également d’en être les diffuseurs exclusifs et avant tout le monde. Un premier choix de réalisation avait été fait en la personne d’Ava DuVernay, qui était restée à son poste pendant quelques mois, avant de finalement jeter l’éponge pour divergences artistiques. Puis quand tout était prêt pour commencer le tournage et les interviews, avec Ezra Edelman à sa tête, c’est la COVID qui a stoppé nette la production.
Toujours est-il que ce deal de plusieurs millions de dollars versés par Netflix est devenu une véritable épine dans le pied du Prince Estate.
- Vous vous demandez pourquoi le First Avenue 1983 vendu à AppleTV+ n’est toujours pas diffusé ? Netflix !
- Vous ne comprenez pas pourquoi les clips inédits de « Daddy Pop » et « Walk Don’t Walk » ne sont pas inclus dans le Coffret « Diamonds And Pearls » ? Netflix !
- Pourquoi le choix du Glam Slam 1992 en vidéo plutôt que celui de Bercy ? Netflix !
Le Prince Estate semble s’être tiré une belle balle dans le pied, car même s’ils peuvent sortir des concerts inédits au sein de leurs sorties régulières, et à ce titre on a été plutôt gâtés depuis 2019, il ne faut pas que les choix effectués soient les mêmes que ceux présents dans la banque d’images constituée par la production du documentaire Netflix, même si finalement on n’en verra qu’une poignée de secondes lorsque le documentaire sera diffusé.
Oui, mais quand justement ? Les membres de Schkopi, ne reculant devant aucun sacrifice et toujours prompts à lancer leurs meilleurs espions dans les méandres de la salade princière, peuvent vous le révéler, ce documentaire est bien arrivé à terme, et sa diffusion initiale devait même se faire pendant l’été 2023. Oui mais voilà, c’était sans compter sur… Londell McMillan, encore lui !
Invité dans les locaux de Netflix fin juillet 2023, celui-ci aurait peu goûté le portrait de Prince présenté par Edelman et son équipe, notamment sur des propos que plusieurs intervenantes auraient tenu sur Prince et sa propension à avoir des relations avec plusieurs femmes en même temps, ou bien sur la délicate question de la consommation des antidouleurs pris par Prince et qui aura conduit à son décès le 21 avril 2016. Dans un environnement post-Me Too, Woke et de Cancel Culture à la gâchette facile, il est évident que l’aspect clivant d’un Prince qui a toujours été controversé, est plutôt sensible à gérer. McMillan demande alors des coupes de montage drastiques sur le produit fini et pose son véto de diffusion sur le documentaire tel qu’il lui est présenté, craignant qu’il ne déchaine les passions de féministes ultras et qu’il provoque l’ire de fans qui ont encore du mal à associer l’image publique de Prince avec celle de dépendances chimiques, quelles qu’elles soient.
Aujourd’hui, qu’en est-il ? Selon des échos très officieux, Netflix et Ezra Edelman ne souhaitent pas retoucher ce qu’ils ont produit, arguant du fait qu’un documentaire doit faire intervenir toutes les parties qui ont témoigné, et qu’au final le spectateur doit repartir avec la sensation de ne pas avoir vu un point de vue orienté mais bien objectif, afin justement d’en percevoir une vision juste. Inutile de dire que McMillan, détenteur en partie de l’image commerciale de Prince, est sur un tout autre registre et qu’il serait presque à vouloir qu’on lui présente un homme et un artiste absolument sans aucun défaut.
Pour les plans à venir du Prince Estate, qui souhaite accélérer les sorties et les possibilités de diffuser des images inédites sans restriction, il va pourtant bien falloir que ce problème trouve une issue.
Et demain?
D’autant que les axes choisis de communication semblent s’adoucir du côté de Londell McMillan et Charles F. Spicer Jr. Ce dernier s’est d’ailleurs fendu de propos, à prendre avec des pincettes mais toutefois pleins de promesses à venir, retranscrits dans le dernier numéro en date du magazine anglais Classic Pop ; « Nous ne pouvons pas ignorer que l’année prochaine marquera le 40ème anniversaire de « Purple Rain », et nous ne pourrons pas faire l’impasse sur ce que cet album et ce film représentent en terme de grandeur et de notoriété pour Prince, donc oui je pense que nous ne quitteront pas 2024 sans avoir proposé un projet signature. Nous souhaitons également explorer le travail plus récent de Prince et qui mérite également des éditions luxueuses au même titre que les albums plus anciens. Enfin, nous pensons également rééditer des albums d’artistes produits par Paisley Park ou NPG Records, je pense notamment à Jill Jones dont l’album est indisponible depuis très longtemps ou bien encore « Come 2 My House » de Chaka Khan dont c’est le 25e anniversaire cette année et que nous sortirons avant fin 2023. »
A quelques semaines de la publication du Coffret Super Deluxe de « Diamonds And Pearls » fixé au 27 octobre, le Prince Estate semble donc sortir de sa torpeur, de ses errements et nous promet de belles choses. Dernier geste en date de leur part, l’inclusion et l’utilisation de la chanson « I Would Die 4 U » pour les besoins du film « The Book Of Clarence », le nouveau film biblique et peplumesque de Jeymes Samuel (« The Harder They Fall »), à sortir dans les salles en janvier prochain. « Je pourrais mourir pour vous », n’est-ce pas ce que Prince a fait et pour lequel la haute tenue de son héritage ne doit donc pas être pris à la légère.
L’album « Diamonds And Pearls » en format Super Deluxe est certes un signe de bonne volonté, un geste rassurant même, sur l’avenir de ce Prince Estate, mais il ne doit surtout pas en être la finalité. Aujourd’hui plus que jamais, les True Funk Soldiers veillent… Et on vous donne d’ailleurs rendez-vous prochainement pour une critique détaillée de cette nouvelle sortie d’importance.
D’ici là, comme le disait si bien Prince, Peace & B Wild !
Diamonds And Pearls Super Deluxe Edition (NPG / Warner), en vente dès le 27 octobre 2023, en formats 7CD + 1 Blu-ray, 12LP + 1 Blu-ray, également disponible sur toutes les plateformes de streaming et téléchargement légal.
Un grand merci à Ronan Mauguen pour son aide.