Le 14 octobre 2010, Prince fait une conférence de Presse à l’Apollo Theater de New York pour annoncer sa nouvelle tournée américaine le « Welcome 2 America Tour ».

Celle-ci débute le 15 décembre à l’Izod Center d’East Rutherford dans le New Jersey.

Exploitant la fameuse scène centrale en forme de Symbol, cette tournée ressemble à une extension du « 20TEN tour » terminé un mois avant en Europe.

Legroupe est identique : Cassandra O’Neal, Renato Neto et Morris Hayes aux claviers, John Blackwell à la batterie et Ida Nielsen à la Basse. Shelby J., Liv Warfield et Elisa (Fiorillo) Dease, sont de la partie, que ce soit lors de leurs solos respectifs, ou aux chœurs. Pour ce qui est de la danse, les Twinz arriveront un peu plus tard, et Misty Copeland est en Guest sur plusieurs dates.

Après plusieurs concerts donnés essentiellement sur la côte Est des Etats-Unis, Prince va, à l’instar de ses résidences a Londres et Las Vegas, de nouveau tenter un pari au mois d’avril 2011 en annonçant qu’il fera 21 dates à Los Angeles, et cela moins de deux semaines avant la mise en vente des billets.
Les concerts vont avoir du mal à se remplir, surtout que les places sont parfois disponibles 2 ou 3 jours seulement avant le concert. En conséquence, l’artiste joue parfois devant une salle clairsemée, et pas au maximum de sa capacité.

Au final, il fera tout de même 15 soirs au Forum de Inglewood, un show a Fresno, et deux à San Jose, soit 18 dates en Californie.

C’est parmi ces concerts que l’Estate a décidé de sélectionner le show qui sera disponible en Blu-ray dans l’édition Deluxe de « Welcome 2 America » en France et dans la plupart des pays (une édition du CD avec simplement le Blu-ray en bonus sortira au Japon).

28 avril, Inglewood, The Forum

Comment choisir un show de Prince à commercialiser quand on sait à quel point cet artiste est versatile, et comme chacune de ses prestations diffère? Trop souvent considérée comme une tournée des hits par les fans, ce Welcome 2 America Tour réserve énormément de surprises. Le 21 avril par exemple, Prince commence ce « main show » par une version de 22 minutes de When Eye Lay My Hands On U. Plutôt osé pour un concert dit « grand public ». La veille il a joué 3h35 et le 5e rappel était constitué de Laydown, Endorphinmachine, She’s Always In My Hair et Dreamer en version instrumentale.
Le 27 mai, c’est seul sur scène que Prince se produit et propose son fameux « sampler set » en ouverture.

Bref, vous l’aurez compris, derrière le barnum de la scène centrale et des grandes salles, Prince s’amuse, structure ses concerts à sa guise, et s’autorise avec une liberté unique à faire de la musique devant des milliers de personnes.

Au premier abord le choix du 28 avril peut donc surprendre par bien des aspects, mais finalement c’est un choix assez judicieux de l’Estate.

Sur Schkopi, nous mettons souvent en parallèle deux types d’auditeurs : les fams d’un côté, c’est-à-dire ceux qui s’informent en continu, qui collectionnent, et qui par divers biais qui « ne nous regardent pas », connaissent la quasi-totalité des shows que Prince a donnée dans le monde.
Le « grand public » de l’autre, pour définir celles et ceux qui sont contents au hasard d’une balade dans un disquaire, de trouver « un nouveau Prince », ou qui suivent la carrière de l’artiste (que ce soit de son vivant ou post-mortem), mais sans chercher à posséder ce qui n’est pas officiel.

Ces deux « audiences » sont souvent une source de débats et de réflexions, car la question récurrente est « mais à qui peut bien s’adresser ce que Sony et Warner sortent depuis 5 ans? ».

Ce concert, nécessairement, se prête facilement à l’exercice. A l’heure où nous écrivons ces lignes, ce show sera pressé en Blu-ray, et exclusivement disponible dans l’édition Deluxe, à 99 euros. Qui peut bien dépenser une telle somme? Les fams ou le grand public? Il est impossible de statuer. Voyons plutôt ce qui caractérise cette date.

Turn the lights off !

Le show débute dans l’obscurité. Les plus aguerris reconnaissent instantanément les premières mesures de Joy In Repetition. Morceau mythique, passé de l’ombre de Graffiti Bridge à la lumière par des interprétations habitées souvent accompagnées de solos stratosphériques, rappelant a ceux qui pourraient en douter combien Prince est dans le top 5 des grands Guitar Heros.
Après une longue intro de plus de 6 minutes façon Jazz Club, Prince arrive en maître des lieux, tout en charme, en sourire, et en … mimiques. Œil charmeur, effet de micro, attitude qui oscille entre le séducteur et le « pimp », Prince cabotine comme un dingue.

« Joy » est un morceau intimiste qui laisse beaucoup de place à la voix de Prince, et qui monte progressivement pour laisser généralement place à un solo de guitare souvent impressionnant. Première surprise de ce concert, c’est l’excellent Renato Neto qui est en charge du solo… aux claviers. J’en entends déjà qui crient au blasphème. « Comment ça, Prince ne joue pas sur ce titre! » De notre côté, nous nous faisons une raison en considérant que nous sommes déjà bien gâtés avec les concerts de la période Emancipation, ou One Nite Alone, et que cela donne une couleur particulière.

Les dernières notes s’enchainent avec l’intro de Brown Skin, chantée par Shelby J, accompagnée par Prince… à la guitare. Décidément celui-ci n’est jamais où on l’attend, et pour le moment ce « main show » continue d’évoluer plutôt à la sauce « aftershow ».

Le tempo augmente enfin avec une incroyable version de 17 Days, de presque 9 minutes, en mode leçon de funk. « Est-ce vous pouvez taper des mains sur le 2 et le 4, j’ai besoin de ça », demande Prince au public présent, et c’est parti pour 5 bonnes minutes de breaks et de jams, ou se succèdent Renato et Mr Hayes aux claviers sous les ordres du chef. Shelby J, Liv Warfield, et Elisa Dease reprennent quant à elles Lovergirl de Teena Marie.

Apparemment ce n’est pas encore l’heure de faire transpirer la salle du Forum d’Inglewood, car sans s’interrompre, Prince and the NPG enchainent sur le langoureux Shhh. Encore une fois, ce soir, Prince surprend. A peine l’intro terminée, il se débarrasse de son instrument de prédilection. A-t-il un problème technique? Est-il d’une humeur crooner (son attitude semble aller dans ce sens), est-ce une manière de dire « vous avez payé 10 dollars, à ce prix-là vous ne me verrez pas jouer de la guitare », toujours est-il que pour la deuxième fois en moins de 30 minutes, Prince ne va pas assurer son célèbre solo sur cette somptueuse ballade. Il va même rejoindre Renato sur les dernières mesures pour jouer sur ses claviers le final que nous connaissons tous. Et si cela va surement en décevoir plus d’un, nous sommes obligés d’admettre que ce début de concert ne ressemble à aucun autre.

I wanna be your DJ 2nite !

Il est temps de passer à la vitesse supérieure, et le concert entre dans sa phase « Party ». Dans un immense et intense « medley » s’enchainent hits et reprises : Controversy / (I like) Funky Music / (Theme Song From) Which Way Is Up? / What Have You Done For Me Lately / Partyman / It’s Alright (avec Ledisi en guest éclair)

Prince intime l’ordre à toute la salle, policier et VIP inclus, de se lever, car il « ne veut voir personne assis ». Et au cas où il était nécessaire de le préciser il ajoute : « Je m’appelle Prince, et je suis votre DJ ce soir ».

Voici une facette que l’on connait bien de l’artiste, et qui, nous l’espérons, impressionnera toutes celles et ceux qui le découvriront sur scène avec ce Blu-ray (si si, ca existe!).

Nombre de fans ont des a priori sur cette période à cause de l’espace important que Prince donne à ses trois chanteuses. Et l’enchainement des ballades Make you feel my love et Misty blue ne va pas les contredire. C’est bien exécuté, c’est dans la tradition de ce type de « revue ». Nous préférons laisser chacun se faire une opinion. Mais la suite nous réjouit encore davantage.

Too many hits, too little time

Après ce moment de calme (qui a dit « soporifique »?), voici une troisième facette de Prince, le hits-maker. Ceux qui sont venus par hasard vont en avoir pour leur argent : Let’s Go Crazy / Delirious / 1999 / Little Red Corvette / Purple Rain

On ne peut pas faire plus classique. Une fois de plus Prince ne bâclera pas Purple Rain. Il ne l’a jamais fait. Les « ouh ouh ouh » débutent juste après l’intro, et la grand-messe pourpre fonctionne toujours avec la même émotion.

Mais Prince n’a pas composé des hits que pour lui, et enchaine avec ses productions les plus connues, dans une ambiance « Minneapolis Sound » : The Bird et Jungle Love de The Time, suivis de A Love Bizarre de Sheila E.

Il conclut cette série de succès, avec Kiss comme il se doit. A partir de 2010 Prince avait coutume de terminer par un petit solo de danse. Ici filmé en gros plan, il est possible que beaucoup d’entre vous apprécient grandement son incroyable déhanché… En essayant d’oublier que les médecins en charge de sa « récente » opération lui ont très certainement déconseillé de continuer ce genre de chose. Rien qu’avec cette danse, nous voyons à quel point Prince était dédié à sa musique et à son public, et que rien n’y personne ne pouvait l’empêcher de faire quoi que ce soit.

Par le biais du coffret Deluxe et de ses goodies, nous savons que la set list prévoyait ici un rappel avec Dance (Disco Heat) et Baby I’m A Star, qui finalement n’ont pas été joués.

Et la lumière fut

Nous n’avons pas vraiment idée de la durée du rappel après Kiss. Et nous ne savons pas si, comme Prince a pu le faire des centaines de fois, les lumières se sont rallumées laissant entendre aux non habitués que le concert était (définitivement) terminé.

Toujours est-il que c’est sous les lumières du Forum d’Inglewood qu’il remonte sur scène, avec un chapeau lui couvrant la moitié du visage, façon Sly Stone.

Un rappel en forme d’aftershow, constitué exclusivement de reprises : Play That Funky Music / Inglewood Swinging (digression de Hollywood Swinging de Kool & The Gang) et Fantastic voyage. Presque 10 minutes de pur funk, où Prince échangera quelques instants sa guitare contre la basse qu’il tient sur la pochette de Welcome 2 America. Comme quoi les choses sont bien faites!

Fin du concert dans un déluge de groove

Thank You, Good night!

Enfin presque….Alors que le concert aurait pu se terminer ainsi. Prince revient une ultime fois, et retrouve l’obscurité du début de show, pour interpréter More Than this, de Roxy Music, sorti en 1982 sur l’album Avalon. Prince avait accompagné sa protégé Andy Allo, dans une reprise acoustique de ce titre pour l’album « Oui Can Luv » (diffusé sur Internet pendant un jour en 2015). Mais dans ce concert à Inglewood, c’est une vraie surprise. Pourquoi a-t-il souhaité conclure avec ce morceau? Le voies Princières sont souvent impénétrables….

21 Nights and 1 Blu-ray

Que dire de ce choix au final?
Comme nous le disions en introduction, il y a deux positions. La première est celle des fans gargantuesques et insatiables. Comme ils connaissent toutes les set-lists de tous les shows, il est fort à parier que chacun considère qu’une autre date aurait été plus pertinente. Et si nous nous rangeons derrière eux, nous pensons en réalité qu’il est grand temps que la totalité des concerts sortent enfin de manière officielle (pourquoi choisir?). Mais arrêtons de rêver un instant et revenons à la réalité.

La seconde position est de prendre ce concert pour ce qu’il est. Comme un cadeau (ok a 99 euros, on entend les grincheux). Prince est mort depuis 5 ans, et le voilà LIVE, vivant, sur nos écrans, dans une tournée qui n’est finalement pas si connue que ça. Trop souvent décrite comme une succession de « Shows best of » sans réels changements, cette date du 28, en apparence anodine réserve d’énormes surprises.

Comme nous venons de l’évoquer il y a 4 temps, et 4 Prince : le crooner, classe, maitre des lieux, meneur de revue, qui domine l’espace de cette immense scène ; le « DJ », qui fait danser les foules, et donne à ses concerts un goût de fête dont il a le secret ; le hit-maker, Prince est capable d’ouvrir son show par un titre méconnu du grand public, de le terminer par une reprise, mais n’oublie pas au centre de rappeler qu’il a vendu plusieurs millions de disques, et c’est ce qu’on adore chez lui, cette capacité à faire des hits inoubliables, sans pour autant sombrer exclusivement dans des recettes commerciales; enfin l’artiste insaisissable, celui qui surprend, celui qui est capable de débouler dans un club a 3 heures du matin ou de revenir sur scène toutes lumières allumées alors que le public commence à partir, imaginant que le concert est terminé.

Ce show est donc un magnifique résumé, pour celles et ceux qui connaissent peu Prince sur scène, ou qui n’ont pas eu l’occasion de le voir, et un plaisir impossible à bouder pour les fans les plus tatillons.