Le 21 avril 2016 Prince est retrouvé mort à Paisley Park. Je ne vous apprends probablement rien si vous êtes sur ce site. La question terrible que se posent alors les fans est : « comment combler le vide qui nous attend ? ».
Déjà 4 ans que Prince n’est plus là. C’est à la fois beaucoup, et en même temps l’annonce de son décès semble encore très proche. Parce que les maisons de disque Warner et Sony, ainsi que l’estate n’ont cessé de sortir diverses éditions, et rééditions plus ou moins (de)luxe, Prince n’aura ironiquement jamais eu autant d’actualité. Pas un mois ne se passe sans que nous ayons quelque chose à nous mettre sous la dent.
Chacune de ces sorties à néanmoins un gout amer, puisqu’elles rappellent systématiquement l’abominable vide causé par sa disparition.
En résumé, nous pouvons maintenant l’affirmer, 4 ans après rien y fait, le manque est toujours là, l’absence est forte, et la difficulté de cette vie sans Prince persiste chez la plupart de ses admirateurs.
« I am here, where are U ? «
Cette absence de l’homme, alors que son œuvre demeure, et appartient pour une grande partie à la culture populaire, est remarquablement traduite dans le projet inédit que vient d’achever le directeur artistique, et non moins fan de Prince, Jean-Michel Sekroun, JMS pour les intimes.
JMS est bien connu de cette communauté, pour être le co-fondateur de Black Camille, fan club qui organisait le Festival Prince dans plusieurs salles de cinéma en France dans les années 90, et pour être à l’origine de l’habillage du site Schkopi.com et de l’ensemble de ses déclinaisons et soirées.
L’idée de départ est simple : faire disparaître Prince de sa discographie. Prendre les pochettes les plus iconiques, connues de tous, afin qu’elles soient immédiatement identifiables, en y ôtant l’essentiel : l’artiste, son visage et parfois son nom.
Très vite JMS publie ses premiers montages, et les réactions se multiplient. L’impact est fort chez les fans. Si la plupart soulignent le qualité du travail graphique, et la force des images, certains témoignent de la dureté de cette réalité, et évoquent la peine ressentie en regardant les pochettes dont l’artiste s’absente.
Il n’en faut pas plus pour motiver JMS, qui va alors se pencher sur l’ensemble de l’imposante collection d’albums que Prince a sorti en pratiquement 40 ans de carrière. Mais voilà, Prince ne fait rien comme tout le monde, et il n’apparaît pas systématiquement sur ses pochettes. Parfois il est simplement évoqué, dessiné, nommé, « symbolisé ». C’est un vrai défi pour savoir comment figurer sa disparition.
There’s so many reasons why, I don’t belong here
L’approche artistique de JMS va donc dépasser l’exercice de la retouche photo.
Si dans la plupart des cas il est triste de voir tous ces disques sans son chef d’orchestre, certaines pochettes ne manquent pas d’humour. L’album éponyme par exemple, qui n’était pourvu que d’un portrait de l’artiste, laisse maintenant simplement flotter son nom. De l’éponyme à l’épitaphe il n’y a qu’un pas, et la plus épurée est souvent la meilleure.
A l’inverse l’album 1999, voit les 4 chiffres trôner seuls, son ciel étoilé restant désespérément vide. A défaut de photo à gommer, JMS fait disparaître ce « Prince » graphique et phallique…
Sourire (amer quand même) en voyant qu’Apollonia a disparu aussi de la pochette de Purple Rain. C’est normal, « Prince n’étant pas là, Apollonia n’a plus personne à attendre », répond JMS. En effet, c’est logique.
On ne peut s’empêcher en regardant ces images, et surtout les gif animés associés ou Prince s’évapore petit à petit (à moins qu’il revienne tel un fantôme) à penser au polaroid du film Retour vers le futur. En voyageant dans le passé, le héros Marty McFly affecte le présent où la photo a été prise. Comme son irruption risque de faire échouer l’histoire d’amour entre ses futurs parents , sa naissance est remise en question, et son image disparaît petit à petit de la photo.
Depuis 4 ans où Prince n’est plus là, nous avons nos souvenirs, mais nos sensations disparaissent peu à peu. Les longues attentes lors des concerts, l’excitation à l’annonce d’un aftershow, l’adrénaline et l’énergie quand il arrivait sur scène, la découverte d’un nouvel album, et non d’une compilation de titres posthumes. Tout ceci a bien existé, mais à présent nous n’en ressentons plus que l’écho. Dans cette exposition virtuelle que nous offre JMS, ce sont ces impressions mêlées que l’on retrouve. Ecouter Purple Rain aujourd’hui, disque que l’on a usé et que l’on connaît par cœur, a une autre saveur. L’objet est là, la musique bien présente, mais elle renvoie indéniablement à l’absence. Finalement ne devrions-nous pas remplacer les livrets de nos CD par ces covers « by JMS » ? Car si elles sont douloureuses, elles sont aussi le reflet de ce que beaucoup d’entre nous n’arrivent pas à exprimer à « ceux qui ne comprennent pas notre peine ». JMS signe là un geste artistique et mémoriel fort qui traduit visuellement ce que la disparition d’une icône musicale fait à ceux qui l’aimaient.
Let’s work
Au-delà du symbole qu’il y a dans le projet de JMS, il faut souligner la qualité de la retouche photo. Les 30 ans de métier dans la création graphique s’imposent ici sur les pochettes les plus complexes. Beaucoup l’ont taquiné sur les réseaux sociaux en prévision de Parade (très bonne idée d’habiller ce grand vide blanc avec le plastique qui entoure la pochette), ou du Black Album, mais JMS force le respect pour le temps passé sur Diamonds and Pearls , The Vault, Graffiti Bridge ou Come.
Ce qui a commencé par un exercice de style avec Purple Rain envoyé sur Facebook le 21 avril 2020, puis comme une « private joke » entre les fans sur le groupe «schkopi » avec quelques déclinaisons, donne finalement naissance à une exposition virtuelle de l’intégralité de la discographie Princière (à quelques exceptions près qui ne comportaient aucune mention de l’artiste comme Crystal Ball, MplsSound…).
Toutes les pochettes et les animations gif sont à consulter ici :
https://jmsfandeprince.myportfolio.com/the-no-prince-collection