« Encore une compilation !! Seulement 15 titres !!!! Mais on connaît déjà tout !!! »

L’annonce de la sortie de « Originals », le prochain « album de Prince», n’a pas fait que des heureux chez les fans qui attendent la publication de « véritables inédits » issus du légendaire « Vault » de Paisley Park.
Pour rappel, le concept est une compilation de morceaux que Prince a donnés à d’autres artistes, dans leurs versions originales, donc interprétés par lui. Et si je viens de vous apprendre quelque chose, c’est inadmissible puisque tout ceci était déjà expliqué dans cet article très détaillé publié le 25 avril dernier.

Hier , Warner Music, organisait à Paris, 4 sessions d’écoutes. Grâce à un ami spécialisé en Muziq, j’ai pu être convié à la session de 14H00. Un poignée de journalistes (dont un fidèle du forum, il y avait donc du beau Monde), et représentants d’enseignes culturelle, sont présents dans cette petite salle où trônent deux magnifiques enceintes, qui pendant une heure vont attirer toute mon attention (au point de me faire succomber). Schkopi.com a décidé de vosu livrer quelques impressions, même si vous n’avez plus que quelques jours à attendre (sortie prévue le 7 juin sur Tidal, et en support physique dès le 21) pour vous faire votre propre opinion

Un maitre mot : la surprise !

Et oui, ce disque est une très bonne surprise. J’ai même envie de dire une belle surprise. Que les « hardcores » se rassurent, la quasi-totalité des versions sont inédites. Le travail sur le son est remarquable, et une fois encore c’est toute la richesse, la diversité, et le génie de Prince qui est mis en avant.

Mais je vous entends déjà trépigner, et vous voulez savoir à quoi ressemblaient ces classiques avant que son auteur ne les propose à d’autres. Première constatation, le choix des morceaux est intelligent, car les interprétations de Prince sont finalement assez éloignées de ce que nous connaissons par The Time, Sheila E, les Bangles, Kenny Rodgers, Martika, etc… Et cela dès le début, puisque le phrasé Princier de Sex Shooter est plutôt éloigné de ce que Vanity (inédit) puis Apollonia en feront.
Jungle Love fait partie des grosses attentes. Est-ce que Prince pousse les fameux cris d’introduction ? Prend-il la voix de Morris Day ? Jesse Johnson est-il à la guitare ? La réponse est oui. Même si vocalement il joue moins ce rôle que dans la démo de Chocolate par exemple. L’histoire de Jungle Love est passionnante, Jesse Johnson étant à l’origine du morceau, le livret fourni lors de cette écoute précise d’ailleurs « Written by Prince, Morris Day and Jesse Johnson (credited to Morris Day and Jesse Johnson) » et « Background vocals : Morris Day, Jesse Johnson,  Jill Jones ». Je me demande les conditions d’enregistrement.. Mais je m’égare…

Après ces premières mises en bouche, nous quittons l’ère Purple Rain, pour évoluer sur des terres encore bien plus surprenantes (je vous avez prévenu qu’on allait parler de surprises).
Avec Manic Monday, nous découvrons que les Bangles se sont permises de prendre de réelles distances avec la version de Prince ce qui est assez rare. Il devait vraiment succomber au charme de la superbe Susanna Hoffs pour accepter cela.

Pour te rafraichir la mémoire

Si la mélodie est identique, les arrangements sont différents. La batterie est très certainement jouée par Prince (comme ci nous étions encore surpris que cela soit possible…. mais cela reste notable si c’est le cas). Il y a même, il me semble, de petites envolées au piano de toute beauté sur le « pont » si ma mémoire ne me fait pas défaut. En parlant de piano, le minimalisme de Noon Rendezvous risque de provoquer la chair de poule à pas mal de « Purple Fams ». Après une intro a capella, c’est quasiment en piano/voix que Prince délivre cette ballade sortie sur l’album « The Glamorous Life », à peine soutenu par une rythmique vaporeuse. L’une des grandes trouvailles de « Originals ».
Contre toute attente, c’est Make-Up, qui a été choisie pour illustrer Vanity 6. Quelle grande idée. Quelle immense idée ! Et surtout quel superbe contraste, témoignant encore et encore de sa capacité à maîtriser tous les genres. Combien de fois faudra t-il rappeler que Prince fut un précurseur de l’electro. A mi-chemin entre « Purple Music » et « All The Critics Love U In New York », Make-Up par Prince est tellement novateur. Si ça sortait aujourd’hui par un jeune groupe on crierait au génie…. (Ça fait bien longtemps qu’on ne se gêne plus pour hurler AU GENIE, sur ce site).

Entendre 100 MPH de Mazarati, avec cette qualité de son, et dans une version différente de la démo que l’on connaissait est jouissif. Un peu trop court (on en veut toujours plus, c’est bien cela qui nous définit ?), on se baigne en plein Minneapolis Sound, comme on le ferait dans le lac Minnetonka, mais ce n’est rien comparé au jam dans lequel Prince nous emmène avec Holly Rock. Les paroles sont bien celles du morceau disponible sur la B.O. de Krush Groove (amusant de l’entendre chanter « Sheila E is my name« ), Eddie M répond présent au sax, et tous les gimmick Princiers sont là, même les breaks après son classique : « Everybody stop on the one ».

Les plus pointilleux penseront que j’ai sauté You’re My Love de Kenny Rogers pour éviter de dire quelque chose de négatif sur « Originals ».
Détrompez-vous, là encore on ne peut que féliciter les auteurs de cette track list, d’avoir sélectionné cette chanson dispensable jusque-là. Vous pensiez avoir entendu Prince dans tous les registres depuis toutes ces années. Moi aussi. Et bien voilà exactement ce qu’on attend de l’exhumation du coffre : nous surprendre (encore et toujours) ! Prince joue au crooner, et je crois que nous ne possédions rien où il utilise cette voix…. Ce type est génial, ce type est génial, ce type est génial.. oups je m’égare encore (mais Dieu que ce type est génial)… (et je parle au présent si je veux !)

Baby You’re A Trip n’est pas dans la configuration que les plus fins collectionneurs connaissent. Le final, qui est repris en introduction de l’album de Jill Jones, est ici entièrement chanté par Prince…. Je vous laisse quelques instants pour vous le remémorer. Ça y est ? Vous l’avez ? Et bien à partir du 21 vous l’aurez avec SA VOIX……. Je parie que vous serez nombreux à vous le repasser en boucle. La magie opère, je vous le garantis (retour des frissons ressentis à l’écoute alors que je tape ces mots…. 1h30 du matin… c’est peut être la fatigue…)

On se prend à rêver

Le problème avec « Originals », c’est qu’on se prend à rêver de la sortie de ces disques, qui ont bercé pour beaucoup d’entre nous notre adolescence, intégralement chantés par Prince. Imaginez What Time Is It ou The Glamorous Life 100 % « Princiérisé »…
C’est exactement de cela dont on fantasme en écoutant les versions de Gigolos Get Lonely Too et The Glamorous Life. Cette dernière avait fuité il y a plusieurs mois, et nous découvrions alors la manière dont IL chantait ce classique. On est loin d’une basique demo, puisque le violoncelle de David Coleman, et bien entendu le saxophone de Larry Williams sont déjà présents. (Monsieur ou Madame en charge de tout ceci, imaginez un peu les versions deluxe de ces albums, avec sur un disque le résultat final, et sur l’autre la « Prince version »…. ). Pour Gigolos Get Lonely Too c’est encore une vraie trouvaille, et une manière de redécouvrir ce « slow » dans la grande tradition de The Time. La guitare de Jesse Johnson est plus en avant, donnant une couleur plus rock. Prince n’utilise pas totalement sa voix de Jamie Starr/Morris Day, et surtout il prend beaucoup plus de liberté, comme ce moment où il chante le solo de piano. Un jour que je parlais avec Jesse Johnson (oui je sais, cette phrase est un peu too much, mais bon je partage l’anecdote), il me disait que lorsqu’il vivait avec Prince, ils passaient leurs journées a enregistrer, juste eux 3, c’est à dire Prince, Morris Day et lui. Depuis, j’attends ce jour ou apparaîtront ces incroyables Jams. Toujours est-il, et je parle sous le contrôle de mon ami et huissier Schkopien, Mr BedIScream, que voici (pour la première fois ? ) un titre de ce trio, puisque le livret précise : Morris à la batterie, Jesse à la guitare, les deux aux chœurs….et Prince partout ailleurs.

Si Love Thy Will Be Bone, est sans grande surprise pour les fans complétistes à l’affût de la moindre note inédite mais je vous invite quand même à apprécier le travail vocal du Maitre, surtout avec cette qualité sonore. Love Thy Will Be Done fait partie de ces chansons où le travail d’orfèvre de Prince en matière de voix est poussé à un niveau stratosphérique. On le sait, bien sûr qu’on le sait… Puisqu’on a toujours l’impression de tout savoir sur lui… Et pourtant la richesse de sa musique fait que par souvent, on se retrouve comme si nous étions vierges, et BING on reprend une claque. Éteignez les lumières, mettez votre casque (un bon), et allez vous attarder ci et là sur chacune des pistes, puisqu’il est capable de faire un Choeur Gospel à lui tout seul….

Encore quelques réjouissances

La version de Dear Michaelangelo par Prince, avec le fidèle Eddie Mininfield au Sax, et Sheila E aux percussions est un bijou, et nous permet de redécouvrir cette partie du solo de guitare qui sera réutilisée quelques années plus tard dans The Rapture  du triptyque The Scandalous Sex Suite (si je redemande dans le vide que les albums de Sheila E. ressortent entièrement chantés par Prince ça devient lourd hein ? …vous verrez… ca vous fera pareil…)

Il y a  des chansons que Prince a créées en une seule prise, et en un temps record, et puis il y en a d’autres, qu’il a travaillées et retravaillées encore, de son petit 4 pistes bien avant la sortie de For You, jusqu’à leur sortie officielle (ou pas).
C’est le cas de Wouldn’t You Love To Love Me, dont on connaissait déjà plusieurs versions. Dans Originals, c’est la seule piste où une légère différence sonore se fait entendre. Le travail de remasterisation a dû être plus compliqué, ou la source devait être particulièrement abîmée (les ultras savent à quel point la version #3 circulant sous le manteau est quasi inaudible) , mais pour cette unique écoute, c’est le seul moment où on ressent que nous sommes en présence d’archives. Mais c’est du pinaillage, ce qui compte c’est la version sélectionnée. Probablement la plus aboutie de toutes celles que nous avons pu connaître.

Comme vous le savez déjà l’album se termine par Nothing Compares 2 U, sorti en  single en avril 2018, et dont la version « Target » (supermarchés américains) proposera une version bonus intitulée « Cinematic Remix » (euh.. ca en fait combien des éditions ? purple, white, black, coffret….)

En conclusion? Originals n’est pas un « best of de demos », c’est bien plus que ça. La quasi-totalité des titres sont aboutis, et je souhaite à beaucoup d’artistes d’avoir des démos de ce calibre. Tout le talent de Prince est présent dans cet album qui ne couvre que 3 ans et demi (de Juillet 81 a Janvier 85 à l’exception de Love Thy Will Be Done de 91). Entre 23 et 26 ans il démontre déjà son incroyable capacité à composer dans des genres très différents. Sans parler de l’étendue de son registre vocal. Ne boudez pas votre plaisir, et soyez au rendez-vous. Après un Purple Rain deluxe qui laissait sur sa faim, et un Piano & Microphone surprenant mais destiné à un public particulier, nous avons enfin le disque qui se rapproche le plus de nos attentes.

Il ne se passe pas un jour sans que nous ne regrettions sa disparition. Cet album ne fera que nous conforter, une fois de plus, dans l’idée que nous avons perdu l’artiste le plus fascinant et passionnant de notre époque….

On en parle sur le forum 

Note : Warner a donné un livret lors de l’écoute, je vous en propose ici une partie.

Sex Shooter
Avril 1983. Kiowa Trail Home Studio de Chanhassen, MN.
Jungle Love
Mars 1983. Sunset Sound de Los Angeles, avec Jesse Johnson à la guitare. Morris Day, Jesse Johnson et Jill Jones dans les choeurs.
Manic Monday
Février 1984. Sunset Sound de Los Angeles. Brenda Bennett et Jill Jones dans les Choeurs
Noon Rendez-Vous
Février 1984. Sunset Sound de Los Angeles.
Make Up
Eté 1981. Kiowa Trail Home Studio de Chanhassen, MN.
100 MPH
Juin 1984. Flying Cloud Drive Warehouse, Eden Prairie, MN.
You’re My Love
Mars 1982. Kiowa Trail Home Studio de Chanhassen, MN.
Holly Rock
Avril 1985. Sunset Sound de Los Angeles. Percussion et chœurs par Sheila E. Eddie Mininfield au saxophone
Baby, You’re A Trip
Juillet 1982. Sunset Sound, Los Angeles. Jill Jones dans les choeurs
The Glamorous Life
Décembre 1983. Sunset Sound de Los Angeles. David Coleman au violoncelle et Larry Williams au Sax
Gigolos Get Lonely Too
Janvier 1982. Sunset Sound de Los Angeles. Batterie par Morris Day et Jesse Johnson à la guitare
Love… Thy Will Be Done
Janvier 1991. Paisley Park, Chanhassen, MN.
Dear Michelangelo
Janvier 1985. Mastersound, Atlanta. Percussion et choeur par Sheila E. Eddie Mininfield au saxophone
Wouldn’t You Love To Love Me ?
Juin 1981. Sound Recorders de Los Angeles.
Nothing Compares 2 U
Juillet 1984. Flying Cloud Drive Warehouse, Eden Prairie, MN. Eric Leeds au saxophone