Pour la troisième année consécutive, des festivités sont organisées à Paisley Park et dans toute la ville de Minneapolis pendant 4 jours pour rendre hommage à Prince. C’est l’occasion pour les fans de se retrouver dans ces lieux mythiques, assister à des concerts donnés par des artistes qu’il a fait briller et rencontrer ses anciens amis / collaborateurs. Comme chaque année, le programme de Paisley Park prévoit plusieurs choses en plus de la visite du studio : des concerts live (The Revolution, Jesse Johnson…), des sessions de questions-réponses avec les anciens collaborateurs de Prince (musiciens, photographes, managers…), des projections de vidéos de concerts inédits, un merchandising exclusif à Paisley Park et au magasin de disques devenu incontournable, l’Electric Fetus…. La ville est particulièrement animée avec de multiples concerts en marge des festivités de Paisley Park. Le programme sur ces 4 jours est riche et dense, chacun pouvant assister à des événements différents au même moment tant la ville est animée.

Un compte-rendu plus détaillé et complet sera fait à l’issue de cette Celebration.

Jour #1 : 25 avril

La Celebration débute à midi à Paisley Park. Jesse Johnson est l’invité principal pour cette journée. Son concert est le point d’orgue de la journée marquée par la diffusion dans la grande salle d’un concert de The Time de 1983 et d’un extrait du concert de Prince et 3rdEyeGirl à Vienne du 7 juin 2014 dans la Vision Room.

Photo: Steve Parke

The Time: Minneapolis, First Avenue – 4 octobre 1983

Parmi tous les concerts donnés par The Time au début des années 80, le choix de ce concert n’est pas anodin tant il a un caractère « historique » par plusieurs aspects :

– c’est le premier concert donné sans Jimmy Jam et Terry Lewis (virés par Prince quelques mois plus tôt), ni Monte Moir (parti de son propre chef pour rejoindre Jam et Lewis). C’est donc la première fois que Paul Peterson (remplaçant de Monte) joue dans ce groupe, tout comme Mark Cadenas (aux claviers) et Rocky Harris (à la basse). Rocky Harris sera viré du groupe peu de temps après (voir notre article consacré à Harris) et remplacé par Jerry Hubbard dans le film « Purple Rain »,

– c’est le dernier concert de The Time avant la séparation de 84 et la reformation éphémère de 1987 avec les membres originaux, et l’unique avec cette configuration de musiciens.

– c’est au cours de ce concert, donné quelques jours avant le début du tournage de « Purple Rain »,  qu’ont été jouées pour la première fois « The Bird » et « Jungle Love ».

La version de « The Bird » jouée ce soir-là sera gardée pour l’album « Ice Cream Castle » (après quelques retouches studio par Prince). Ce concert servait aussi à tester les chorégraphies avant le tournage du film. La version de « Jungle Love » quant à elle sera utilisée pour la scène de « Purple Rain » où l’on voit le groupe jouer cette chanson (dans le film, ils font du playback sur cette version),

– Au cours de ce concert, Morris Day a lancé une pique à Prince que celui-ci a eu du mal à digérer durant plusieurs années. Comme on le sait tous, il y avait de réelles tensions entre Prince et des membres de The Time à cette époque-là (parfaitement détaillées et documentées dans le livre de Duane Tudahl entre autres) pour des raisons à la fois humaines, artistiques et financières. Au cours de ce concert, Morris fait tourner un chapeau dans la salle pour faire une quête comme à l’église. Au micro, Morris dit « Prince a donné un concert sur cette scène il y a quelques semaines (en référence au fameux concert du 3 août 83). Ça coûtait 25 dollars, mais j’ai préféré rester chez moi ». Puis sur le ton d’un prêcheur, il insiste pour que les gens mettent dans l’argent dans le chapeau qui tourne : « avez-vous donné ? Prince ? Tu as donné ? Tu as pris, mais est-ce que tu as donné ? ». Prince en voudra longtemps à Morris pour cette phrase, et la reprendra à son compte plus de 8 mois plus tard lorsqu’il enregistre « High Fashion » (la phrase « Donation…do you take or do you give ») et « Mutiny ». Les paroles de « Mutiny », que l’on pourrait prendre pour une histoire d’amour qui se finit mal, racontent en fait le départ de ces anciens amis (Morris et Jesse). Sur cette chanson, on peut entendre clairement Prince dire « Morris, did you give ? » dans les dernières secondes de la chanson.

Ce concert d’une heure est digne d’un show de The Time de cette époque : grandiose, funky, et plein d’humour. L’image était de mauvaise qualité au début mais s’est arrangée par la suite.

Prince & 3rdEyeGirl : Vienne, Wiener Stadthalle – 7 juin 2014

Si nous avons eu droit à un concert complet de The Time, seul un extrait de 3 titres d’un concert de Prince est diffusé pendant la visite dans la Vision room. C’est extrait d’une dizaine de minutes du show donné à Vienne en 2014, le dernier de la tournée Hit And Run (sa dernière tournée européenne) qui a été choisi avec la partie « Forever In My Life » (Prince à la basse), « Controversy », « 1999 ». Les conditions d’écoute de cet extrait n’était pas optimale (qualité du son). D’autres extraits de ce concert nous seront montrés le lendemain dans la grande salle.

A la sortie de la Vision Room, nous sommes dirigés vers le studio A où on nous fait écouter un mix étrange (qui vient d’être fait) de « Breakdown » qui mélange la version studio et la version live de Montreux (15 juillet 2013).

Le Panel – Jesse Johnson

Photo: Steve Parke

L’annonce de la venue de Jesse Johnson à la Celebration a créé une polémique il y a quelques mois parmi les fans, et il est nécessaire de faire un petit retour en arrière pour en connaitre les causes.

Prince & Jesse : Les frères-ennemis.

Ce n’est un secret pour personne, Prince avait un caractère plutôt particulier avec son entourage. Et son esprit de compétition pouvait tourner à la confrontation. Jesse Johnson était membre du groupe The Time. Une forte amitié a existé entre Prince et lui (il a même été hébergé chez lui pendant quelques mois le temps que Jesse se trouve un lieu où habiter à Minneapolis). Multi-instrumentiste accompli et auteur-compositeur, il a (réellement) co-écrit « Bite The Beat » pour Vanity 6, est à l’origine de « The Belle Of St. Mark » pour Sheila E (sans être crédité, ni rémunéré tout en étant crédité à tort sans être rémunéré non plus pour « Shortberry Strawcake ») et surtout «Jungle Love » et « The Bird » pour le troisième album de The Time (Ice Cream Castle) et incluses dans le film « Purple Rain ». En plus d’être sous-payé, comme tous les autres membres du groupe, sur les Controversy Tour et 1999 Tour quand The Time faisait la première partie (entre 600 et 1000 dollars par mois), Jesse n’a pas été correctement crédité et/ou rémunéré (royalties) pour les chansons qu’il a réussi à placer sur « Ice Cream Castle », cet album et ces deux chansons sorties en singles ayant été des succès. Ces conflits d’argent s’ajoutent à une série de petits moments qui « gâchent l’amitié » entre les deux hommes qui ont chacun un caractère bien trempé.  Le point d’orgue étant la séparation de The Time avec le départ de Morris Day et le fait que Prince refuse l’idée que Jesse devienne le nouveau leader du groupe (« Dieu n’a pas donné à Jesse ce qu’il fallait pour ça » dira-t’ il dans l’interview donnée à Rolling Stone en 85 »). Les deux hommes restent en contact durant les deux années suivantes, Prince revendant à Jesse la console qui a été utilisée pour les enregistrements des albums « 1999 » et « What Time Is It ? » pour qu’il puisse enregistrer son premier album solo « Jesse Johnson’s Revue » qui sera un succès. Prince lui donnera un ultime coup de poignard avec la chanson « Shockadelica » (dont nous parlions dans l’article consacré à Camille). Ils se reverront une dernière fois en 1990 pour l’enregistrement de « Pandemonium » et le tournage de « Graffiti Bridge ». La comparaison entre Prince et Jesse Johnson pour les fans de Minneapolis Sound est aussi régulière et pertinente que celle entre Prince et Michael Jackson pour le grand public. Jesse ayant souffert de ce rapprochement permanent du fait de ses albums, ses productions, son look, son coté ‘fou-génial’, son attitude et ses mimiques sur scène qui sont troublantes. Du fait de cette relation compliquée, Jesse a encore une rancœur personnelle qui a été dévoilée il y a quelques mois avec un enregistrement « clandestin » d’une conversation privée qu’il a eue avec une personne qu’il croyait être un ami. Au cours de la discussion, Jesse avouait qu’il n’avait pas le même amour pour Prince que celui que pouvaient avoir les fans. Il explique que Prince lui a volé de l’argent et qu’il lui a mis des bâtons dans les roues pendant sa carrière et que ça lui a pourri la vie. Il dit aussi qu’il n’a aucun respect pour les héritiers et qu’il ne se rendra jamais à la Celebration même si on lui proposait beaucoup d’argent…..Cet enregistrement a été mis sur le net dans les jours qui ont suivi l’annonce de sa participation à la Celebration 2019.

C’est dans ce contexte que Jesse démarre la session « questions-réponses » à Paisley Park. Le principe : L’invité répond sur scène pendant 45 minutes aux questions posées en premier lieu par une animatrice/modératrice, et celle-ci sélectionne dans le public les gens qui peuvent poser des questions à tour de rôle. Ceux qui ont déjà écouté des interviews de Jesse savent qu’il peut faire des réponses longues. Il a été fidèle à lui-même, puisqu’à la première question de l’animatrice (« comment avez-vous rencontré Prince ? »), Jesse est parti dans un monologue de 35 minutes sans aucune interruption, en toute décontraction, avec beaucoup d’humour.

Il a raconté ses moments vécus avec Prince, ses ressentiments et sa tristesse de ne pas s’être réconcilié avec lui. Il a justifié sa présence à la Celebration et à Paisley Park (où il n’était pas venu depuis 1990) comme une thérapie et un moyen de guérir son âme (« heal my soul »). C’est Morris Day qui a présenté Jesse à Prince pendant le Dirty Mind Tour (Morris était un des cameramen qui filmaient les concerts sur cette tournée). Jesse ne savait pas vraiment qui était Prince, mais se doutait que c’était quelqu’un d’ « important » qui savait se faire respecter. Pendant qu’il l’attendait dans les loges, il (Jesse) était au milieu d’un groupe de mecs avec des allures de gangsters qui déliraient entre eux, mais lorsque Prince est apparu, tous se sont tenus droits et parlaient correctement. Prince se présente « Hi, I’m Prince » avec sa voix grave et naturelle, et Jesse lui répond « je pensais que tu parlais comme ça » en prenant une voix aiguë, sur le ton de la blague. Personne n’osait faire ce genre de plaisanterie à Prince à cette époque-là, surtout quand il était nouveau dans le cercle. C’est sur ce bon esprit qu’à démarrer leur relation amicale et professionnelle. Prince, Morris et Jesse forment alors un vrai trio de potes : « on était aussi proches que peuvent l’être trois hétérosexuels les uns des autres » (d’autres sources confirment qu’avant que Prince ne devienne une superstar, il y avait un vrai esprit de camaraderie avec Morris et Jesse). Après les 3 albums de The Time, Jesse quitte le giron de Prince pour se lancer dans une carrière solo, et c’est là que la relation se dégrade violemment. Selon Jesse, des agents, des tourneurs, des producteurs et d’autres acteurs du monde de la musique ont été contactés par Prince pour recevoir un avertissement : « Si vous travaillez avec Jesse, je ne travaillerai plus jamais avec vous. Je vais vous blacklister.»  Johnson a très mal vécu ce comportement et a attendu toute sa vie que Prince s’excuse pour ce coup de couteau dans le dos.

Durant sa carrière solo, tout le monde n’a cessé de le comparer à Prince que ce soit à cause de sa musique (Minneapolis Sound), ou de son look. Même si cela l’a gêné pendant un temps, il reconnait que c’était flatteur pour lui d’être comparé « au musicien le plus talentueux qu’il connaissait et surtout qui s’habillait aussi bien ». Jesse en a profité pour rendre hommage à Louis Wells, décédé en 2018 et qui était un des designers de Prince à l’époque Purple Rain (des costumes flamboyants jusqu’aux chaussures à talons).

Ils n’étaient pas en bons termes lorsque Prince l’a contacté pour jouer dans « Graffiti Bridge », Johnson lui a juste répondu « si je suis bien payé, je viens ». Lorsqu’ils se sont revus pour la première fois sur le tournage à Paisley Park, Prince l’a pris dans ses bras pour lui faire un hug et lui a murmuré à l’oreille « ça fait du bien de te voir. Enfin quelqu’un qui sait s’habiller ». Ils coupent à nouveau les ponts et leurs chemins se recroisent à la cérémonie des Grammy Awards de 2008. Ce soir-là, Prince doit présenter un trophée et The Time doit accompagner Rihanna pour un medley de 3 chansons. Prince assiste aux répétitions, derrière les musiciens, et demande à Jérôme Benton pourquoi Jesse ne lui adresse pas la parole.  Jérôme lui répond qu’il n’a pas dû le voir. Jesse répond de façon cinglante : « si, si, je l’ai vu » sans se retourner. Il attendait toujours des excuses ou des explications. Il attendait juste que Prince vienne vers lui et lui dise « Ok, j’avoue que j’ai merdé, excuse-moi ». Ce moment n’est jamais venu. Et même si en privé, Prince faisait savoir à son entourage qu’il adorait Jesse (humainement et musicalement), il aurait préféré qu’il lui dise directement en face. Même lorsqu’ils bossaient ensemble, Prince ne lui a jamais dit en sortant de répétitions ou autres : « t’as été super » (sauf le jour où il lui a proposé « Jungle Love »).

Sur le dernier « contact » qu’ils ont eu, Johnson raconte qu’il était en répétitions avec D’Angelo en Nouvelle-Zélande. Juste après le décès de Vanity, Prince a tenté de le joindre et lui a laissé un message sur son portable pour lui dire « Il faut qu’on se parle ». Après la disparition de Vanity, Prince semblait vouloir se reconnecter avec tous ses anciens amis, pour échanger avec eux en mode « ça serait dommage qu’on ne se reparle pas avant qu’il soit trop tard ». Jesse a été touché par ce message et s’est dit qu’il allait le rappeler, mais il ne l’a pas fait dans les temps. Il le regrette aujourd’hui (« j’ai raté l’occasion ») et reconnait qu’il a toujours de la colère vis-à-vis de Prince, qu’il se sent toujours blessé par lui. Il insiste pour dire qu’il l’aime toujours, mais cette rancœur qui s’est étalée sur plus de 30 ans est toujours présente. Son retour à Paisley Park 29 ans après « Graffiti Bridge » est un moyen pour lui de guérir son âme « entre frères, il arrive qu’on se dispute, mais ça ne veut pas dire qu’on ne s’aime plus, mais parfois on n’arrive pas à se le dire, et je suis là pour ça aujourd’hui ». Comme pour tout le monde, Prince est mort trop tôt, et « si tout s’était bien passé, on aurait fini tous les deux dans quelques années à discuter comme des vieux sur un rocking-chair ».

Concert de Jesse Johnson à Paisley Park

Jesse Johnson est le premier à donner un concert à Paisley Park dans le cadre de cette Celebration. C’est aussi la première fois qu’il joue sur cette scène. Il était accompagné d’un groupe composé d’un batteur, un bassiste et deux claviers. La set-list tournait principalement autour de ses propres compositions parues sur ses 4 premiers albums solo et  des titres de Prince (« Controversy » et « I Feel For You »).

« Love Struck » / « Be Your Man » / « Controversy » / « Jungle Love » / « I Want My Girl » / « I Feel For You » / « Brand New Day » / « My Life » / « Can You Help Me » / « Addiction » / « Black In America ».

La set-list prévoyait également qu’il joue « She I Can’t Resist » / « Crazay » / « Licking Stick » (de James Brown) et « Free World ».

Le concert a duré une heure et était marqué par de longs soli de guitare sur quasiment chaque titre, chose habituelle dans ses concerts. Le public ne semblait pas familier du répertoire de Jesse. Chose encore plus surprenante, lorsqu’il a demandé aux spectateurs de chanter le deuxième couplet de « Controversy », peu de gens ont suivi!

Autour de la Celebration

Comme chaque année, la ville est particulièrement animée pendant la Celebration avec de nombreux concerts des artistes associés et des festivités dans différents lieux. Au programme ce soir :

  • Deux concerts de Shelby J. (à 19h et 22h) au Capri Theater (là ou Prince avait donné son premier concert en 1979).
  • Un concert de « Jellybean Johnson Experience » au Minnesota Music Café (à Saint-Paul). Dans les faits, Jellybean n’était pas sur scène, mais dans le public, pour assister au concert de ses (très talentueux) poulains.
  • Jearlyn Steele au Dakota Jazz Club & Restaurant.
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