Ca y est c’est officiel. Warner continue d’explorer le « coffre fort » Princier, et d’y inhumer des pépites. Le 21 septembre 2018 sortira « Piano & A Microphone 1983 » , un album de Prince, seul au piano, bien connu des fans. Le premier extrait « Mary Don’t You Weep » est disponible dès maintenant sur les plateformes de streaming (Tidal, Deezer…). L’édition physique « deluxe » comprendra un CD et un vinyle. Le livret contiendra des notes de l’ingénieur de Prince de l’époque, Don Batts. Ce coffret peut déjà être pré-commandé sur amazon.

Lors du dernier festival de Cannes, pendant la projection du dernier Spike Lee « BlacKkKlansman », les plus attentifs avaient reconnu Prince chantant « Mary Don’t You Weep » sur le générique de fin. Était ce une nouvelle version, une version studio, où bien celle que nous connaissions depuis des années sur les enregistrements pirates de cette incroyable « session au piano » ? Nous avons aujourd’hui la réponse.

Mais de quoi parlons nous au juste ?

Flashback

Prince

 

Milieu des années 80, dimanche matin, dans les allées d’une convention du disque à l’Espace Wagram de Paris.  A cette époque les « pirates » de Prince sont rares. Quelques-uns en vinyle. Aucun en CD. Et surtout des K7.

Sur les stands des quelques « dealers » qui misent sur Prince, face à cette nouvelle demande naissante et gourmande de ces fans français, les dates de concerts se succèdent. Pas simple de choisir.

Je me souviens, donc, de ce matin où une cassette attira mon attention. Point de pays, de dates, de nom de tournée. Juste deux mots inscrits au feutre noir : « Piano Session ».

C’est bien ça Piano session ?
Tu rigoles ou quoi ? C’est Prince seul au piano chez lui pendant 40 minutes
Combien ?
Xxx Francs (je ne me souviens plus du prix, mais honteusement élevé c’est certain)

Voilà comment je repartais avec une cassette TDK, au lieu de quelques vinyles qui m’auraient permis de poursuivre ma collection.

Arrivée à la maison, et appuyant fébrilement sur le bouton « play » de mon lecteur, je prenais alors une claque magistrale, voyageant dans l’intimité de Prince, en ayant l’impression d’être assis dans son salon en train d’écouter, noyé dans le souffle de la bande magnétique trop de fois copiée, et à la vitesse clairement déformée, celui que nous commencions à connaitre depuis quelques années seulement.

« Intimate Moments »

Prince

Pourquoi cet enregistrement est un moment d’histoire ?

Parce qu’il résume presque à lui seul ce que Prince nous a fait vivre pendant toutes ces années.

On retrouve tout ce qui pouvait provoquer de l’excitation chez les fans. Des titres rarement joués (« 17 Days »), des versions au piano de titres bien connus (« Purple Rain »), des morceaux dont nous découvrions qu’ils avaient été composés longtemps avant leur diffusion officielle (« Strange Relationship »), des reprises (le traditionnel « Mary Don’t You Weep » et « A Case Of You » de Joni Mitchell), et des inédits (« Cold Coffee And Cocaine », « Wednesday »…) dont certains nous présentaient un Prince intime, torturé, comme nous ne l’avions encore jamais entendu (« Why The Butterflies »).

Difficile de comprendre l’intention de cette session qui aurait été enregistrée chez lui fin 83. Était-ce une improvisation comme il lui arrivait d’en faire ? Y a-t-il une femme assise en face de lui, qu’il a envie d’impressionner, et à qui il donne un concert privé ? S’est-il dit « et si je sortais un disque ou je chante ce que j’ai envie accompagné d’un piano, afin de bien emmerder Warner » ? D’où viennent ces inédits, aux paroles déjà maîtrisées, alors que nous n’en connaissons à ce jour aucune autre trace, ni dans les outtakes, ni en concert ? L’ensemble de cet « Intimate Moments » inspire des dizaines de fantasmes sur les conditions de son existence.

Cette impression d’avoir « volé » un précieux trésor à celui qui était alors considéré comme l’une des plus grandes « pop star » internationale donnait le vertige. Nous n’étions pas encore noyés sous les centaines de bootlegs, de live, d’aftershows, d’inédits et j’en passe.

Nous avions entre les mains, un instant « privé » de celui qui avait déjà la réputation de tout contrôler, tout maitriser, et cela lui donnait une valeur toute particulière. Découvrir le Prince « interdit » ou « inédit » permettait à la fois de devenir encore plus fans, et de renforcer sa légende.

Piano & A Microphone

Prince

A cette époque il était rare d’écouter Prince au piano. En dehors de ses fameux « piano medley » dont les plus mémorables étaient ceux de la tournée Purple Rain et Lovesexy. Piano & A Microphone 1983 en a la forme. Comme un long medley, sans public, mais où on sent à la fois le plaisir et la virtuosité, en un mot : le génie.

Prince est souvent vu, et apprécié, comme un guitar hero. Il est pourtant redoutable lorsqu’il s’accompagne au piano. Et il aura finalement tout au long de sa carrière, rappelé qu’il n’était pas qu’un guitariste. Que ce soit lors des « piano medley » dont je parlais, qui se sont ensuite transformés dans les années 2000 en « sampler set ». Ou avec l’album rare, mais officiel, One Nite Alone, où nous retrouvions « A Case Of You » justement, comme un clin d’œil à cet « Intimate Moment » qui circulait alors en CD pirates sur différents labels. Enfin, bien entendu, avec son ultime tournée, Piano And A microphone, seul en scène, derrière l’instrument où il avait vu si souvent son père John L Nelson jouer dans le domicile familial.

Le pari de Warner

Prince

Depuis le décès de Prince le 21 avril 2016, les spéculations sur la manière dont va être exploité son coffre-fort, « The Vault », qui regorge de concerts, chansons inédites, projets inconnus et autres pépites, sont légions. Les fans hurlent leur colère et leur désarroi sur les sites spécialisés, les forums et les réseaux sociaux. Et si nous sommes impatients, et frustrés, nous devons admettre que les choses ont bougé, même si le « Purple Rain Deluxe », et le récent single « Nothing Compares 2 U »  ne suffisent pas pour combler les attentes. Devant le catalogue colossal d’inédits, Warner prend le pari de sortir un disque particulier. Pas vraiment un album, pas un concert, pas réellement une répétition. Ce « Piano & A Microphone 1983  » est vraiment un OVNI, comme Prince l’était, certes, mais n’est-ce pas cette particularité qui l’a si souvent éloigné du grand public. Comment Warner va vendre cet album, et surtout le promouvoir, sans vraiment de hits,  et que la plupart des fans possèdent illégalement (avec un son moyen, et nous attendons d’écouter le travail de remasterisation qui a été fait à partir de la cassette d’orgine), et qui risque de dérouter le grand public qui peut s’attendre à écouter Purple Rain en entier, ou du moins, des morceaux complets et aboutis.

Comme toujours je pense que cette sortie va diviser les plus « hardcore » de la communauté, entre ceux déçus de ne pas voir arriver dans les bacs un disque intégralement constitué de morceaux totalement inconnus, et ceux heureux d’avoir enfin pour leurs oreilles un enregistrement de qualité qui, j’en suis sûr, nous permettra de redécouvrir ce moment privilégié, en compagnie de l’artiste le plus passionnant de ces 30 dernières années. Dans tous les cas une chose est sûre, Warner tente une direction inattendue, là ou la plupart des « spécialistes » misaient plutôt sur la sortie d’un concert de la dernière tournée. Comme quoi nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Pour célébrer les 60 ans de Prince en ce 7 juin 2018, l’annonce de la sortie de ce Piano & A Microphone 1983 est un bien joli cadeau.

Piano & a microphone 1983

 

Piano & A Microphone 1983 (NPG / Warner)

Tracklist : 

1 – 17 Days 
2 – Purple Rain 
3 – A Case Of You 
4 – Mary Don’t You Weep 
5 – Strange Relationship 
6 – International Lover 
7 – Wednesday 
8 – Cold Coffee & Cocaine 
9 – Why The Butterflies

Les trois derniers titres (« Wednesday », « Cold Coffee & Cocaine » et « Why The Butterflies ») sont inédits. Le premier extrait « Mary Don’t You Weep » est disponible dès maintenant sur les plateformes de streaming (Tidal, Deezer…).

« Why The Butterflies » était nommée « Mama » sur les bootlegs, et « Wednesday » parfois connue sous le nom de « There’s No Telling What I Might Do »

Disponible en version Deluxe CD+vinyle + un livret au grand format avec des photos inédites (liner notes Don Batts)