Absence de testament, faux héritiers, contrat commercial avorté, dissensions familiales, luttes de pouvoir, conflits d’intérêts, projets autres, obstructions diverses et variées… Deux ans après la disparition de Prince, la gestion de son héritage tant moral que financier et artistique, ressemble à un mauvais épisode de soap-opéra. Si le fan a bien souvent eu du mal à suivre les différents épisodes d’un feuilleton à multiples rebondissements qui lui ont fait craindre le pire, force est de constater que le ciel semble enfin s’éclaircir.

A l’heure où ces lignes sont publiées, l’Estate de Prince Roger Nelson a mis en ligne non seulement la version inédite de « Nothing Compares 2 U », illustrée par des images tout aussi inédites de répétitions avec The Revolution, mais également plusieurs sites officiels (www.princeestate.com, www.prince2me.com et enfin le retour du site éphémère de merchandising exclusif, www.princehitnrun.com, uniquement disponible du 19 au 29 avril 2018 inclus). Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, alors que cette annonce surprise intervenait au moment de l’ouverture des festivités de la Célébration, une autre allait les clore, et pas des moindres ;  Troy Carter donnait une interview exclusive à Variety pour annoncer qu’un nouvel album inédit de Prince sortirait le 28 septembre prochain (1).

Ces annonces successives remettent un peu de baume au cœur des fans et semblent même inespérées si tant est qu’on se pose deux minutes et que l’on remonte le cours du temps jusqu’à ce funeste 21 avril 2016.

Chaos and Disorder

Très vite, alors que le monde hébété se remet à peine de la nouvelle de sa disparition soudaine, il est constaté que Prince, le plus grand control freak qui soit lorsqu’il s’agit de son art et de sa musique, n’a laissé aucune consigne derrière lui quant à la gestion de son héritage, tant financier qu’artistique. Cette absence de testament va déclencher l’ouverture d’une véritable boîte de Pandore d’où va d’abord émerger une ribambelle de faux héritiers.

En l’espace de quelques semaines, alors que Tyka Nelson, la sœur de Prince fait les démarches nécessaires auprès de la justice pour que cet héritage colossal soit rapidement géré par un Trust extérieur, une partie de la population américaine se découvre alors une accointance familiale ou personnelle avec Prince et ses quelques 200 millions de dollars de fortune estimée ; femmes soit disant mariées sous le sceau du secret, filles et fils cachés dont certains en prison (sic), anonymes détenant la preuve que le Kid de Minneapolis leur a légué la totalité de sa fortune, c’est un véritable sac de nœud juridique qui attend le vénérable Juge Kevin Eide du Comté de Carver, en charge de trancher arbitrairement et au mieux toutes les procédures qui vont être entreprises concernant la gestion de l’héritage princier. Il ne le sait pas encore, mais il n’est pas au bout de sa peine.

The Family

Les parents de Prince, John L. Nelson (décédé en 2001) et Mattie Shaw (décédée en 2002) ont chacun eu une vie maritale bien remplie. John était marié à une certaine Vivian avant de rencontrer Mattie. Mattie était mariée à un autre homme (dont l’histoire n’a pas retenu le prénom, mais seulement le nom de famille : Jackson). John et Mattie se marient puis divorcent quelques années plus tard en 1968 après avoir donné naissance à Prince et Tyka. Ils se remarient chacun de leurs cotés. De ces différentes unions naîtront (au moins) 8 enfants. La loi donnant aux demi-frères et demi-sœurs les mêmes droits qu’à la sœur unique de Prince (biologiquement parlant), ils sont aujourd’hui 6 à se partager l’héritage.

Tyka Nelson : sœur unique de Prince, de père (John L. Nelson) et de mère (Mattie Shaw). Des six héritiers, c’est celle qui a été la plus proche. Mayté révèle dans son autobiographie que lorsqu’elle lui a demandé qui il aimait vraiment dans sa famille, le nom de Tyka est sorti spontanément. Il l’a aidée lorsqu’elle a eu des problèmes de drogues (ce qu’elle ne cache pas dans sa chanson tribute « End Of The Road »). Durant les dernières années, Prince l’a embauchée pour qu’elle travaille sur la gestion de ses droits musicaux (npg publishing) et qu’elle fasse la chasse aux vidéos et chansons publiées sur le net sans l’accord de l’artiste.

Sharon Nelson : Née en 1942 du premier mariage de John L. Nelson avec une certaine Vivian. Ses rapports avec Prince, son demi-frère donc, ont été plus conflictuels. Dans les années 90, quand les relations entre Prince et son père étaient tendues, elle s’est rangée du côté du paternel et l’a aidé à sortir son album «Father’s Song» sur son label indépendant (Vive Records en 1994). En 2018, elle sort un autre disque sur lequel figure des titres enregistrés en 2017 à Paisley Park à partir de partitions mises de côté. Elle a reconnu ne pas avoir revu Prince depuis une dizaine d’années.

John R. Nelson : Né en 1944 du premier mariage de John L. Nelson. Frère direct de Sharon et Norrine, demi-frère de Prince. On ne sait rien de ses rapports avec Prince. Il vit à Kansas City.

Norrine Nelson : sœur directe de Sharon Nelson et John R., née en 1947 (la date varie selon les sources) du premier mariage de John L. Nelson. On ne sait rien de ses rapports avec Prince.

Alfred Jackson : Né en 1953 du premier mariage de Mattie Shaw. Il a été gravement blessé pendant la guerre du Vietnam et a été hospitalisé durant de très longues années. Il n’aurait pas revu Prince depuis le début des années 2000. Il vit à Kansas City avec John.

Omarr Baker : Né en 1970 du troisième mariage de Mattie Shaw (avec Hayward Baker). Il semblait un peu moins éloigné de Prince si on se fie à l’autobiographie de Mayté, mais on ne sait rien des rapports que ce demi-frère entretenait avec lui.

A cette liste des demi-frères et demi-sœurs de Prince, il faut ajouter Lorna Nelson (1942-2006), du premier mariage de John L. Nelson. Elle était connue pour avoir porté plainte contre Prince en l’accusant d’avoir plagié une de ses chansons pour « U Got The Look ». Ajoutons aussi Duane Nelson décédé en 2011. Il a été proche de Prince durant l’enfance et son garde du corps dans les années 80 et 90. Longtemps considéré comme son grand demi-frère (du premier mariage de son père), des informations récentes ont révélé qu’il n’était peut-être pas lié biologiquement à la famille et qu’il aurait été adopté par John qu’il l’a élevé comme son fils.

Premiers pas

Alors que le Juge ordonne d’innombrables tests sanguins et enquêtes de moralité afin de remettre à leurs places tous les vrais faux ayant-droits, deux décisions majeures sont prises assez rapidement. Dans un premier temps, les studios Paisley Park sont transformés en un musée à la gloire de l’enfant de Minneapolis et de son œuvre immense, gérés par Graceland Holdings qui, comme son nom l’indique, gère déjà la résidence d’Elvis Presley à Memphis. D’un autre côté, la gestion de tout le patrimoine princier, à la fois fiduciaire, immobilier ou intellectuel est assurée pour un temps provisoire par la banque Bremer qui choisit alors de nommer Charles Koppelman et L. Londell McMillan comme conseillers exécutifs. Charge à eux de gérer en urgence les actifs de Prince et préparer en coulisses les meilleurs deals possibles pour pérenniser et exploiter le catalogue musical passé et à venir de la star.

Le premier est un cador de l’industrie musicale qui n’a aucun lien de parenté avec Michael Koppelman, ingénieur du son et producteur ayant travaillé sur les albums « Graffiti Bridge » et « Diamonds And Pearls ». Né en 1940, Koppelman a fait une bonne partie de son parcours professionnel chez Columbia Records où il signe personnellement Billy Joel, gère un catalogue d’artistes prestigieux qui va de Barbra Streisand à Diana Ross en passant par les Four Tops, découvre Tracy Chapman et croise même la route d’un tout jeune Bruce Springsteen au seuil de sa carrière, auquel il donne des conseils plus que douteux sur le contenu de ses premiers enregistrements, ce qui ne plait pas vraiment au Boss (2). Charles Koppelman, qui vient alors de prendre en charge la direction d’EMI, rencontre Prince en 1996 lorsque ce dernier, en rupture de contrat discographique avec Warner, cherche à diffuser le triple album « Emancipation ».

En signant Prince, Koppelman fait la connaissance de Londell McMillan, deuxième larron bien connu des fans de Prince puisqu’il s’agit de son ancien avocat d’affaires, cité même en chanson aux côtés de Doug E. Fresh et Spike Lee sur le titre « Y Should I Do That When I Can Do This ? » (« The Slaughterhouse« , 2004). Lié à l’émancipation artistique de Prince envers Warner, McMillan en gardera un souvenir tenace lorsque l’heure viendra de signer des licences d’exploitation sur les enregistrements encore inédits de son ancien client et ami.

A la tête de The NorthStar Group, il dirige également le magazine The Source et produit même de la musique. Stevie Wonder, Michael Jackson, Chaka Khan, Roberta Flack, Isaac Hayes, LL Cool J ou Kanye West ont tous été à un moment donné de leur carrière des clients de McMillan. Cependant, en 2014, lorsque Prince renouera avec Warner pour les sorties simultanées de « PlectrumElectrum » et « Art Official Age« , ainsi que pour rentrer dans des phases de renégociation de droits et de récupération de ses Masters, Londell McMillan sera gentiment remercié au profit de Van Jones, connu pour conseiller Barack Obama sur différents sujets. Avocat lui aussi, il sera partie prenante de la gestion chaotique de l’Estate de Prince lorsqu’une certaine Tyka Nelson viendra le voir pour la représenter officiellement. L’air de rien, un échiquier se met en place et la partie de billard qui s’annonce semble être largement à plus de trois bandes.

Alors que Tyka et ses autres demi-frères et sœurs Sharon Nelson, John R. Nelson, Norrine Nelson, Alfred Jackson et Omarr Baker attendent d’être officiellement désignés seuls et uniques héritiers, en coulisses McMillan et Koppelman s’activent pour établir trois transactions distinctes ; la fabrication et la distribution du merchandising à venir, la gestion des droits d’auteurs aussi appelé publishing et la vente de licences d’exploitation visant à fabriquer et diffuser les futurs enregistrements sonores et vidéos.

Universal Vs. Warner

Sur le papier, les deux compères font un appel d’offre tout ce qu’il y a de plus classique et très vite, les trois majors Universal, Warner et Sony se montrent intéressées. Quelques semaines plus tard et à la surprise générale, seul Universal rafle les trois contrats mis sur la table.

D’après des officiels de Warner et Sony, ceux-ci n’ont jamais été recontactés par le binôme suite à leurs offres et ont découvert le grand gagnant comme tout à chacun : par voie de presse. Bravado, la branche merchandising de Universal, sera en charge de diffuser T-Shirts, Pin’s et autre Mugs officiels. Universal Publishing devra gérer les droits d’auteurs et le catalogue musical de Prince pour des œuvres externes à celle du chanteur, comme le prouvent les récents blockbusters « Kingsman : Le Cercle d’Or » de Matthew Vaughn et « Ready Player One » de Steven Spielberg (3), avec les utilisations respectives de « Let’s Go Crazy » et « I Wanna Be Your Lover » à des fins d’illustration sonore.

Mais le gros morceau, c’est bien évidemment le nouveau deal concernant les futures sorties discographiques et autres enregistrements vidéo que contient le Vault de Paisley Park. Si on ne se retrouve pas étonnés de découvrir qu’Universal récupère tous les enregistrements post-Warner, soit l’entièreté du catalogue NPG Records et ses nombreux albums out of print comme « The Gold Experience », « Crystal Ball » ou « The Rainbow Children », si on n’est guère surpris que la Major puisse également avoir l’autorisation de publier le contenu inédit de Prince estimé à la louche à plus de deux mille titres, on l’est un peu plus d’apprendre qu’à partir de 2018, Universal pourra exploiter sur le territoire américain certains albums phares du back catalogue Warner tels que« Parade » et « Sign O’ The Times ». Et d’ailleurs, ça ne semble pas étonner que les fans les plus assidus ou les mélomanes les plus avertis, ça titille sérieusement l’un des principaux acteurs intéressés, la maison de disques historique de Prince, Warner Bros Records qui, en embuscade, ne va pas tarder à contester ce deal en informant Universal que McMillan et Koppelman ont vendu quelque chose qui ne peut l’être. En effet, les dirigeants de Warner sortent de leur manche un nouveau contrat renégocié avec Prince en 2014 qui les autorise à gérer toute leur période commune d’enregistrement avec l’artiste jusqu’en 2021. De plus, de par la loi, tout ce que Prince a enregistré entre 1978 et 1994 alors qu’il était sous contrat avec eux, titres inédits inclus, leur revient de droit. L’Estate connait alors un énorme couac commercial et juridique qui va se régler devant les tribunaux, les pontes d’Universal refusant catégoriquement d’attendre 2021 pour exploiter les enregistrements les plus prestigieux de Prince. Après avoir examiné ce nouveau contrat avec Warner, Universal dénonce très vite l’accord commercial négocié à hauteur de trente et un millions de dollars qu’ils veulent récupérer dans les plus brefs délais, faute de quoi ils menacent de saisir la Cour Fédérale devant ce qu’ils considèrent comme une fraude caractérisée. Ambiance !

Family Affair

A peu près dans le même temps, la famille Nelson fait scission. Tyka et Omarr se désolidarisent très vite de la gestion de McMillan et Koppelman lorsque ceux-ci sont pointés comme responsables d’un mauvais accord concernant le concert Tribute du 13 octobre 2016 à Saint-Paul qui se veut être l’hommage officiel de la famille à destination du public. Les deux membres de la famille de Prince reprochent aux deux comparses d’avoir préféré Jobu comme organisateur de ce concert plutôt que Live Nation, lequel organisateur se désengagera de la production de ce concert quelques semaines seulement avant sa réalisation, laissant Londell McMillan seul aux commandes de l’organisation de l’événement. Dans un recours présenté au Tribunal de Carver, Tyka et Omarr affirment qu’ils n’ont eu aucun moyen clair de savoir ce qu’étaient devenues les recettes du concert, les revenus tirés du stationnement, des droits télévisés, radio et de diffusion en ligne, des produits dérivés et des stands. Ils ne comprennent pas plus le changement brutal du lieu choisi pour le concert, déplacé du tout nouvel US Bank Stadium de Minneapolis (62 000 places disponibles) à l’XCel Energy Center de Saint-Paul et sa capacité « restreinte » de 20 000 places, laissant sur le carreau nombre de spectateurs sans tickets et, à l’arrivée, une manne financière bien moins élevée.

Thieves In The Temple ?

Mais la mémoire de Prince n’appartient pas, par définition, qu’à sa seule famille ou à ses administrateurs. Alors qu’en coulisses un jeu de chaise musicale s’opère quant au changement de Trust –Bremer ne souhaitant pas poursuivre la gestion de cet héritage qui est en train de lui donner mauvaise presse suite à sa fin de mandat provisoire, celle-ci est reprise en mains par Comerica Bank– certains professionnels évoluant dans le milieu de la musique, de la télé et du cinéma, rêvent de contribuer à leur manière en décidant de produire et réaliser des documentaires sur Prince. En France, deux projets (« Pop Life » de Frédéric Bénudis et Mathieu Bitton et « Citizen Prince » de Valérie Lavalle) sont arrêtés nets dans leurs envies en attendant des jours meilleurs, et le groupe M6 reçoit une mise en demeure sur l’interdiction de diffuser un autre documentaire sur leurs chaines sous peine de poursuites de l’Estate. Dans ce contexte, l’aboutissement de Thierry Guedj pour mener à bien son « Mon Prince est parti » diffusé sur l’antenne de France Ô tient de l’exploit et du parcours du combattant parfaitement réussi. En passant entre les gouttes, le réalisateur de « Al Jarreau : l’Enchanteur » a su rendre hommage à l’impact phénoménal que Prince a eu sur la musique contemporaine, en faisant témoigner musiciens, fans et personnalités de tous horizons. Bref, pendant que des avocats lancent des injonctions et autres interdictions juridiques à tout va, d’autres n’oublient pas l’essentiel et embrassent leur passion avec un dévouement sans failles.

Le prochain à bientôt se rendre compte qu’on ne badine pas avec le potentiel économique de l’héritage de Prince, c’est Jay Z et sa plate-forme d’écoute et de téléchargement Tidal. De son vivant, Prince s’était rapproché de Jay Z en lui donnant la primeur de ses deux derniers albums officiels (« Hit’n’Run Phase One » et « Hit’n’Run Phase Two »). Prince avait même autorisé le mari de Beyoncé à diffuser en exclusivité des titres live ou studio inédits de manière métronomique, dont des extraits de sa dernière tournée en date, « Piano And A Microphone ». Au lendemain de sa mort, Tidal met en ligne l’intégralité de la discographie de Prince, toutes périodes confondues, même les albums en rupture de stock ou introuvables comme « One Nite Alone » ou encore le fameux « Black Album ». Sur ce, nouvelles procédures, injonctions et autres joyeusetés, Jay Z est sommé de retirer certains albums dont il n’aurait simplement pas les droits ni l’autorisation officielle de diffusion. A l’heure qu’il est, l’affaire est toujours en cours devant les tribunaux, aucune des parties ne voulant en démordre, même si certains albums ont été effectivement retirés des playlists de Tidal.

Un Nouvel Espoir

Pendant tout ce temps, le Juge Eide décide que l’accord caduc signé avec Universal doit être purement et simplement annulé. Koppelman et McMillan devront également reversé leurs commissions (dix pour cent de la transaction quand même). Au même moment il valide également le choix de Comerica de s’octroyer les services de Troy Carter comme nouvel administrateur artistique de l’Estate. Carter est connu pour avoir été l’ancien manager de Lady Gaga et d’être surtout un des conseillers les plus importants et actifs de Spotify, autre rival de Tidal dans l’univers des plateformes de streaming et de téléchargement de musique, en plus d’être le co-fondateur de Erving Wonder, compagnie de management, de Coalition Media Group et de AtomFactory, deux structures évoluant au sein de l’industrie musicale.

T. Carter

Avec la nomination de Carter, Charles Koppelman et Londell McMillan sont définitivement hors-jeu et ne pourront plus être en charge de l’administration de la propriété intellectuelle et artistique de Prince. Au grand dam de McMillan qui ne compte pas en rester là puisqu’il se propose de prendre en charge les intérêts de trois des héritiers Nelson, Sharon, Norrine et John, histoire de garder un pied dans les affaires pourpres, du moins le pense-t-il. Le Juge Eide, qui commence à avoir la moutarde qui lui monte sérieusement au nez, diligente une enquête en nommant un expert en charge de cibler les responsabilités qui ont amené au fiasco Universal. McMillan est alors clairement sur la sellette et il lui est demandé, de par sa position d’ancien administrateur, de signer un accord de non divulgation sur les futures négociations commerciales, afin d’éviter des conflits d’intérêts entre sa position passée et actuelle au sein ce véritable panier de crabes. Officiellement, il déclare vouloir se conformer au droit mais à ce jour, cette clause de confidentialité n’a toujours pas été signée de sa main. De fait, il est donc persona non grata lors des réunions entre la banque, leurs représentants et la famille Nelson, et ne peut donc être tenu au courant des négociations en cours, même si on se doute bien qu’en privé les trois membres de la famille Nelson qu’il représente lui souffle dans l’oreille toutes les décisions prises.

Money Matters

Les comptes Twitter de Sharon Nelson et Londell McMillan deviennent alors le théâtre d’une bataille rangée où ils n’ont de cesse de critiquer et remettre en cause les démarches de Comerica, la plus célèbre étant la contestation de voir le contenu du coffre de Paisley Park être déplacé de Chanhassen à Los Angeles, au sein d’une structure appelée Iron Mountain, en charge d’indexer, de restaurer et de préserver les bandes audio et vidéos qui leur ont été confiées, alors que soi-disant ils n’ont jamais été mis au courant de ce déménagement qui, selon certains témoins, auraient nécessité la mobilisation de trois semi-remorques entiers, et qui serait contraire à la volonté de Prince qui, rappelons-le, n’a laissé aucun testament pour confirmer ou infirmer cette volonté. Quand bien même, selon certains ingénieurs du son, le contenu du Vault serait effectivement dans un sale état, certains enregistrements souffrant de traces d’humidité, de moisissures et même de boue ! Cette colère, selon les points de vue qu’on peut avoir, peut apparaître légitime ou non, mais elle est symptomatique du climat délétère qui règne au sein de la banque, des différents avocats, et de la famille désormais fracturée en trois groupes distincts ; Tyka et Alfred d’un côté, Sharon, Norrine et John de l’autre, et Omarr au milieu qui a décidé de faire cavalier seul, ne semblant supporter (dans le sens « apporter son soutien », il est bon de le préciser) ni l’un ni l’autre des clans formés.

Toutefois, cette dissension de la famille Nelson semble avoir trouvé une trêve en ce lundi 16 avril 2018. Alors que les fans s’apprêtent à célébrer la mémoire de Prince à l’occasion du deuxième anniversaire de sa mort à travers de multiples événements (Célébration 2018 à Paisley Park, Prince Live On The Big Screen au Target Center de Minneapolis ou bien Nothing Compares 2 Prince qui se déroulera en Australie), les médias de la planète entière ont fait état du dernier incident en date. Fatigués de voir l’argent du patrimoine de leur frère défunt s’évaporer à petit feu– certaines sources parlent d’une dépense d’un montant de presque dix millions de dollars dilapidés en factures d’avocats, de fiscalistes et autres conseillers bancaires, et alors que le patrimoine n’a pas encore fait l’objet du passage de l’impôt prélevé par l’Etat du Minnesota, une transaction confidentielle et connu des seuls acteurs en place aurait mis à mal la patience des membres de la famille Nelson.

A la date des 4 et 5 avril 2018, alors que le Juge Eide demande à Comerica de veiller à ce que la fortune de Prince ne soit pas considérée comme une tirelire géante dans laquelle beaucoup trop d’intermédiaires inutiles se servent, mettant en garde contre l’abus qui pourrait en être fait, il autorise également une transaction commerciale impliquant Comerica Bank, Troy Carter, Joseph Boyarski (avocat spécialisé dans la gestion des droits musicaux) et un certain David Dunn qui représente Short Tower Capital, groupe d’investissement spécialisé dans le domaine des médias et du spectacle. Nul ne sait de quoi est constitué ce nouvel accord si ce n’est que la somme astronomique de pages qui en constituent le dossier pourrait tendre à prouver que ce ne serait pas un petit accord, tout comme le fait que quelques quatre-vingt-dix personnes impliquées dans ce deal ont tous signés des clauses de confidentialité qui leur interdit d’en divulguer la teneur tant qu’il ne sera pas rendu public. En tout cas, cet accord a fait bondir toute la famille Nelson sans exception, au point de demander une audience en urgence auprès du Juge Eide qui s’est tenue le mercredi 18 avril.

Au terme de cette audience, décision a été prise par la Cour des points suivants : d’ici le 1er mai  2018, Comerica devra fournir aux héritiers et à la Justice une analyse prévisionnelle des flux de trésorerie, y compris les opérations en cours ou prévues, les sources de revenus, toutes les dépenses connexes et le paiement des taxes successorales anticipées. La Cour et les héritiers demandent également plus d’informations concernant la nécessité de sources de revenus supplémentaires et la durabilité des dépenses. Dans le fond, l’accord n’a donc pas été dénoncé, et ce même si le Juge Eide tient à ne pas être le responsable d’un nouveau fiasco commercial à venir en prenant en compte les intérêts de la famille, les mises en garde et demandes de la Cour devant faciliter les marches de manœuvre de la banque et de Troy Carter pour alimenter au plus vite les sites Internet mis en place et le marché discographique, tout en veillant à la fois à l’intégrité artistique du travail de Prince et son potentiel économique.

The Future

Il est temps, car deux ans après la disparition d’un des plus grands musiciens des XXe et XXIe siècles, les activités post-mortem se résumaient à une chaine officielle YouTube, des concerts tribute portés par ses anciens musiciens (The Revolution, The New Power Generation…), la controverse de sa disparition alimentée ces derniers jours par le pire de la presse trash, quelques T-shirts, un studio transformé en musée, une exposition itinérante, des projets annexes et oubliables, deux albums posthumes officiels dont une compilation, une poignée de livres et de témoignages,  alors que l’homme est à l’origine de la plus grande production artistique « cachée » de l’Histoire qui ne demande que le bon vouloir, le bon sens et l’entente d’une poignée de personnes souvent étrangères à son univers, à sa carrière et à sa politique artistique, pour être enfin diffusée avec le sérieux et le respect qu’il mérite pleinement. Dans ce cadre, les récents propos de Troy Carter se veulent rassurants, à la fois sur sa manière déférente d’appréhender le trésor immense qu’on lui a confié et sur les stratégies à mettre en place pour pérenniser à travers les générations à venir le génie absolu et unique d’un artiste dont l’absence scénique restera sans nul doute possible le plus gros manque.

May we live 2 see the Dawn.

Elvis Paisley

On en parle sur le forum 

 

(1) En début d’année 2018, certaines sources non officielles ont évoqué des possibles éditions Deluxe à venir, sur le même modèle que Purple Rain l’an passé, concernant les albums 1999 et Parade. Est-ce pour autant que l’une de ces options a été choisie pour constituer le prochain album ? Wait and see…

(2) Springsteen en fera d’ailleurs grandement état dans son autobiographie, « Born To Run », parue en septembre 2017.

(3) En plus d’utiliser le tube de Prince datant de 1979, Steven Spielberg fera endosser à son héros virtuel Perzival une des tenues que Prince portait pendant sa période « 1999 ».

Sources : Billboard / Variety / MarketWatch / The Hollywood Reporter / Rolling Stone / New York Times / Page Six / Star Tribune.