Rapide résumé des faits. Paisley Park, le mythique Studio de la banlieue de Minneapolis, et dernière demeure de Prince, devait être ouvert au public du 6 octobre au 31 décembre 2016 pour une première série de visites.

Les places ont commencé à être vendues, et les fans de tous les Etats-Unis et du monde entier se sont organisés pour venir découvrir à quoi pouvait ressembler le célèbre temple Princier.

Deux tarifs étaient proposés : 38.50 $ pour le tour classique, et 100 $ pour la version VIP sur le nouveau site officiel de Paisley Park.

Coup de théâtre à moins d’une semaine de l’inauguration : Le conseil municipal de Chanhassen  refuse que le studio soit transformé en musée, pour diverses raisons dont les nuisances possibles pour le voisinage. L’ouverture est donc repoussée. Les nouveaux gestionnaires  du lieu (qui s’occupent aussi de Graceland) s’affolent un peu, et parviennent à conserver les dates du 6, 8 et 14 octobre, auxquelles les possesseurs de tickets pour les autres jours peuvent tenter de se greffer. Le changement de places est chaotique, et alors que nous avions tout programmé pour le 10, nous voilà télescopé au 8, à 20h40, soit le jour de notre arrivée. Les gestionnaires et la mairie de Chanhassen sont toujours en cours pour obtenir les autorisations et aménagements nécessaires. Une nouvelle autorisation de 12 jours (jusqu’au 24 octobre) vient d’être donnée. Les dates seront annoncées et les billets mis en vente sur www.officialpaisleypark.com.

Get On The Bus

Alors que Prince ne semblait pas particulièrement gêner ses voisins, voilà que tout ce qui tourne autour de Paisley Park depuis avril 2016 pose problème. D’abord l’ensemble des témoignages laissés par les fans sur la grille autour de la propriété a été retiré, et il n’est plus permis de déposer quoi que ce soit ou de s’arrêter. De plus pour éviter que trop de voitures ne circulent et se garent partout, il est demandé aux visiteurs d’aller sur le parking du « Chanhassen dinner theater», à l’endroit où Prince nous avait emmené au cinéma voir Minority Report un soir de Celebration. Un shuttle est affrété pour gérer la suite de l’acheminement des curieux.

Nous voilà donc, un peu en avance, montant dans le bus de 19H30 pour une visite prévue à 20H40. Nous verrons sur place si nous devons attendre ou pas. A l’intérieur du véhicule, 2 couples nous accompagnent, et nous voici tous les 6 en route vers ce qui suscite aujourd’hui bien des discussions.

Une organisation chaotique

Après moins de 10 minutes de route, nous arrivons en pleine nuit devant le bâtiment blanc à peine éclairé de quelques spots violets. Les visiteurs précédents font des selfies, et quelques photos. Les seules autorisées par la sécurité.

Comme il fait froid nous nous rapprochons de l’entrée où nous restons un instant dans le Sas, avec des membres du staff. Ils demandent aux VIP de se mettre à gauche, et aux « Regulars» de rester à droite. On scanne nos tickets sans nous demander à quelle heure nous sommes programmés. En gros si un groupe de 15 est formé, il part avec un des guides, et cela toutes les 10 minutes. On entre dans le hall, juste devant l’escalier et le regard de Prince. Nos smartphones sont placés dans des pochettes scellées, afin qu’ils restent sur nous mais inaccessibles. On nous demande si nous avons une clé usb ou si nous voulons en acheter une (10 dollars hors taxe pour 1 giga). Et nous voilà prêt pour suivre Ann qui s’occupera de nous aujourd’hui.atrium

L’ambiance est détendue. Tout le monde est gentil et bienveillant. Mais on sent que c’est nouveau, un peu la pagaille, et totalement improvisé malgré tout. Il s’agit seulement du deuxième jour d’ouverture, soyons indulgent…. Pour le moment.

Let the tour begin

On débute par le petit passage vers l’atrium où un guide attitré a cette zone explique l’ouverture de Paisley Park, le sens de son nom, et le choix esthétique de cette partie du lieu, avec le regard de Prince qui signifie qu’ici il voit tout.

atrium-2

Au mur, on peut lire une lettre de condoléances signée du couple présidentiel Obama.

La première vitrine qui s’offre à nous comporte des K7 des « early years » ainsi qu’un cahier avec les paroles de « Soft and Wet » manuscrites. D’autres vitrines, ou petites pièces thématiques sont ensuite accessibles : « Dirty Mind » (avec une guitare léopard), la Hohner isolée dans une vitrine dédiée, les tenues du clip « Sexy MF » et pour finir une « Sign O’ The Times room », avec des blousons mythiques (« It’s Gonna Be A Beautiful Night » et celui de « Sign O’The Times » aux MTV Awards), la cloud peach, et la batterie de Sheila E. La salle « Lovesexy » est annoncée pour le printemps 2017.

hallway portraits

La musique de Prince est diffusée de manière uniforme dans tous les couloirs, souvent en fond, et parfois un peu trop fort obligeant les guides à lever la voix.

On nous parle de l’atrium, de son puits de lumière, et de l’absence de plafond pour être en connexion avec l’inspiration et ne pas lui donner de limite. On nous présente aussi la petite cuisine, qui il y a quelques années m’avait fait fantasmer à cause de ses VHS de concerts entassées à côté de la télé.

Puis vient le discours introduisant la présence de l’urne funéraire. Des gens font le signe de croix, d’autres ont la gorge nouée. C’est difficile. L’urne en elle-même représente Paisley Park, avec un gros Symbol sur le devant. Et sous les petites vitres pyramidales sensées laisser entrer la lumière, il y a une toute petite boite. Certainement celle contenant….

replique-de-lurne

Il est impossible de ne pas se dire que c’est tout ce qui reste de cette homme incroyable, même si l’ensemble du tour tentera de nous dire que ce qui reste est bien plus grand. Sauf qu’après 6 mois à peine impossible d’être dans ce type de projection.

Les VIP et les autres se séparent et nous pouvons visiter le « bureau de Prince », accueillis par une guide spécifique qui n’a pas grand-chose nous à dire. Il y a des photos d’adolescents et de couples avec enfant. Je demande qui ils sont, on me répond « family and friends »… Oui bon je m’en doutais… A moins que Prince achète des cadres et laisse la photo d’exemple dedans…

Par terre traîne une photo de George Benson dédicacée à Prince .

La pièce suivante est celle consacrée au montage vidéo, au mur une affiche de Metropolis et de Bird (de Clint Eastwood). Je suis surpris de voir des magnétoscopes Vhs, Umatic, beta cam. Pas vraiment moderne et digitale cette salle, malgré la présence d’un Mac sous avid.

On nous diffuse un extrait du documentaire du Musicology Tour de 2004 que l’on connait sous le nom de « Life o’ The Party », avec la scène du soundcheck à Washington. Rien de vraiment inédit ou de nouveau pour ceux qui ont suivi sa carrière de près.

Le guide qui nous reçoit, Sean, nous incite à poser des questions. Il n’y en a pas. Il propose ensuite une anecdote : quand ils ont travaillé sur le musée, ils ont pris les plans du bâtiment (blueprints). La zone de cette pièce ne correspondait pas. Ils ont tapé sur les murs, entendu du vide, cherché un peu, pour finalement trouver un bouton permettant de faire pivoter le mur  pour accéder à une pièce secrète avec des étagères et 500 vidéos, dont des betamax… Sur le contenu il est malheureusement un peu plus évasif. Histoire vraie ou déjà en train de construire la légende… Peu importe.

galaxy-room

Nous poursuivons dans le couloir et traversons la Galaxy Room (petite pièce de repos uniquement éclairée par des néons violets qui mettent en valeur les étoiles, constellations, et planètes peintes en blanc) puis nous voilà dans le studio B où il est possible de faire une photo devant le piano et la Blue Angel. Les photos sont enchainées rapidement, une seule prise par personne, et le fichier est immédiatement placé sur la clé usb. Sur le piano, on retrouve les paroles manuscrites de « Sometimes It Snows In April », « Adore », « I Love U But I Don’t Trust U Anymore », « How Come U Don’t Call Me Anymore »…

piano-2016

Le guide insiste sur la table de ping pong au centre du studio, qui serait là depuis longtemps, puisque Prince adorait défier ses invités à ce sport ou au basket.

A travers la vitre qui donne vers la console son, on voit une photo de John L. Nelson posée sur une étagère, ainsi que le visage de Prince en néon. Et d’autres éléments décoratifs qui n’ont vraisemblablement pas été touchés.

Influence et incompétence

Nous poursuivons et passons devant « le mur des influences ». Une gigantesque fresque avec Prince au centre «et la musique »: A sa droite ses influences (Sly Stone , James Brown, Miles Davis, Larry Graham, Earth Wind And Fire, Joni Mitchell etc..), à sa gauche ceux qu’il a influencé (d’après le guide), exclusivement ceux qu’il a produit d’après moi (The Revolution , The Time, The Family, Mazarati, Vanity 6, Apollonia 6, …).

La guide demande qui est cette personne, pointant Sly Stone du doigt. A la bonne réponse, elle nous dit : « bravo, d’habitude les gens pensent que c’est Michael Jackson ».  No comment.

parade-room

Une femme demande à son tour « qui est cet homme avec la moustache », la guide répond « je ne sais pas trop, il ressemble un peu a Freddie Mercury », personne ne réagit, même les 5 quinqua ridiculement habillées en mode « Purple Rain ». Je suis désespéré et marmonne « c’est Bobby Z, le batteur de Revolution ». La guide se la joue « oh incroyable, vous en savez des choses »… ben non c’est plutôt toi qui sait rien. Les gens ont l’air admiratifs. J’ai l’air dépité. La personne à ma droite enfonce le clou en disant « et lui alors », pointant Eric Leeds. Ça me saoule et je me dirige vers la salle suivante, le studio A.

Des studios nous ne pouvons accéder qu’à la partie opposée à la console. Tout le matériel d’enregistrement n’est visible qu’à travers la vitre. Dommage.

La guide chargée de cette pièce, pourtant importante vu ce qu’il a enregistré ici, se contente de lire le texte qu’on lui a imprimé.

Elle annonce que Prince devait sortir un « album Jazz» chez Blue Note, et nous offre le privilège d’écouter 2 titres issus de ce disque. Enfin un truc excitant…Nous aurons droit à 30 secondes de Ruff Enuff, et d’un autre titre instrumental partiellement diffusé par Prince sur Instagram. Ce second instrumental se nomme « Soul Patch » et dure 1’55.

Une fois cette rapide écoute terminée, on nous oriente vers ce qui semble être pour eux le clou du spectacle : la « Purple Rain Room ».

 

La magie du cinéma

Le studio C, où j’avais vu des répétitions en 1999, est dédié au célèbre film. Sur le mur est projeté un rapide montage des différentes chansons (sans « Darling Nikki »). Au centre divers objets sont exposés : la moto , le piano violet, le script original, l’oscar, la cloud blanche (La reproduction du NPG music club, pas la vraie).purple rain room

Les visiteurs sont bien conditionnés par la manière dont on nous a présenté cette pièce c’est à dire comme une incroyable expérience. Ils sont fascinés par les images, excessivement émus… Ils viennent de passer une heure CHEZ Prince, de traverser les endroits où il a composé des centaines de chef d’œuvre, et c’est devant « Let’s Go Crazy » qu’ils manquent de s’évanouir ! Prince connaissait bien son public, il n’y a pas à dire. Ces gens sont restés dans le formole et bloqués là où les médias sont aussi restés à en croire leurs propos le 21 avril…

La pièce suivante est divisée en 2 parties :

  • Celle sur « Under The Cherry Moon » se compose d’un sol en damier et de la reproduction de la pochette intérieure sur le mur (le patchwork de photos). Niveau objet il y a la tenue de Prince dans la scène où il danse sur « Alexa de Paris », puis les amplis « impressions cachemire » et la batterie de Bobby Z (souvenez-vous, le moustachu).
  • La seconde partie sur « Graffiti Bridge » est encore plus pauvre : la moto, la tenue de « Elephants and flowers » et le blouson en cuir avec le symbol dans le dos.

Nous traversons un couloir avec divers statuettes et prix (American Awards, Brits Awards , MTV Awards, Essence Awards etc…) qui aboutit sur une pièce derrière la plus grande salle de Paisley Park, celle où étaient tournés les films, clips, concerts etc..

Cette pièce est « l’arcade room », où Prince jouait aux jeux vidéo. Aujourd’hui elle accueille le piano que l’on voit dans le concert « Rave Un2 The Year 2000 ». Le noir très arrondi.  Il y en aurait 14 dans le monde, et Prince aurait dépensé 100 000 Dollars. En face, la « wooden chair » : un fauteuil taillé dans un arbre. On n’en saura pas plus.piano-1999-2001

Nous entrons enfin dans la Main Room.

Empty Room

La grande salle où la dernière Celebration s’est tenue, semble bien vide.

Des estrades consacrées à chaque tournée sont dressées contre les murs de la pièce. On y trouve costumes, et instruments de tournées plus ou moins mythiques : Purple Rain Tour (84-85), The Ultimate Live Experience (95), Jam Of The Year et New Power Soul (97-98), Hit N Run part 2 (avec 3rdEyeGirl – 2014), Piano and A Microphone et la toute dernière guitare, qui est  magnifique. Sur l’écran géant des vidéos de ces mêmes tournées sont diffusées….Et bien sûr, pour l’inédit, on reste sur notre faim : sont diffusés des extraits des classiques Syracuse ’85 , « Interactive » extrait du mini-film « The Beautiful Experience »…. Seule exception : Pour « A Piano And A Microphone », nous aurons droit à un extrait de « Free Urself » tourné à Paisley Park en début d’année (précision apportée par Trevor Guy, le mari de Donna Grantis. Il est encore là et a l’air un peu trop chez lui d’ailleurs. Remarque gratuite qui me fait quand même plaisir) et à How Come U Don’t Call Me Anymore tourné lors d’un concert donné en 97 ou 98.

Moment amusant: pour la tournée européenne avec 3rdEyeGirl de 2014 (Hit And Run Part 2) c’est un extrait de la vidéo « Crazy2cool » (au Zenith de Paris) qui a été choisi. Voir sa propre tête et celle de tous ses amis à Paisley Park rend cette visite plus joyeuse, et moins solitaire.

La projection n’est pas d’une qualité effroyable. Je pense qu’ils se sont moins pris la tête que Seb Musset pour le film de la NPG Video Party. J’ai bien envie de leur offrir….

Comme vous le savez peut-être, car souvent raconté, cette grande salle à un mur mitoyen, qui s’ouvre sur la « petite salle ». Celle des concerts en petits comités, ou des soirées. Elle est décorée dans une ambiance club/ Lounge. Sur une petite estrade on trouve des canapés, avec coussins, et 2 platines pour un hypothétique DJ. Sur le mur sont projetés les effets kaléidoscopiques qu’on a pu voir lors des récents concerts de l’artiste.

Une zone avec d’autres canapés est accessible uniquement pour les VIP (wahou, sacré privilège), et nous sommes là, assis à… ben à rien.

On écoute du Prince dans une salle où on n’arrive même pas à ressentir sa présence. Dans un coin, en guise de déco, on peut voir « l’avant de la voiture » qui est sur la pochette de « Sign O’ The Times » .

Nous sommes libres de nous diriger à notre rythme vers la sortie, qui se situe là où jadis, nous entrions pour participer aux soirées et aux Celebrations.

La grande finale pour le grand final

La guide semble vraiment super heureuse de nous dire : « merci beaucoup, prenez le temps de vous diriger vers la sortie, où vous pourrez regarder…..La mi-temps du Superbowl…….. ».

Les gens sont subjugués, à se demander si ils l’ont vue. D’accord, c’est une très belle performance. Mais doit-elle clôturer une visite à 100 dollars, et un voyage qui pour beaucoup représente un moment (et un montant) important. Sur le mur opposé, un petit grillage avec quelques-uns des témoignages que les fans avaient laissé à l’extérieur depuis le 21 avril et qui ont été récemment retirés.

La Boutique

C’est le moment de passer à la boutique. Rien de vraiment fou. Un joli T-Shirt avec un cœur et les paroles de « Paisley Park ». Beaucoup de « restes » de tournées (A Piano And A Microphone en tête, Musicology tour aussi…). Des balles de ping pong violettes avec un petit logo Paisley Park dessus. Un programme réalisé à la va vite. C’est clair qu’ils ne connaissent pas le numéro de téléphone de JMS. Enfin, les tambourins produits pour l’occasion et vendus 80 dollars, sont ternes et tristes, le symbol n’est pas aussi lumineux et brillants qu’à l’époque. Bref, il est à l’image de cette visite.

14500346_764259923713557_1158418280591735777_o

On nous presse. Le dernier bus nous attend, il faut quitter les lieux, sans même pouvoir un instant reprendre ses esprits, et regarder une dernière fois cet endroit qui fut source de créativité, de musique, et de vie.

Jusqu’où va l’indécence ?

Paisley Park transformé en musée n’est pas une chose très gaie, surtout à peine 6 mois après la disparition de Prince. C’est tôt. Trop tôt. Là-dessus il n’y a pas de débat. Voir tous ces gens, professionnels comme visiteurs, arpenter dans tous les sens les couloirs de ce qui était il y a encore quelque temps un véritable bunker est assez troublant. Et derrière leurs « Prince voulait que ce lieu soit ouvert à tous, blah blah blah », et bien non, Prince ne voulait pas qu’on l’emmerde, et a toujours veillé à ce que ce ne soit pas la foire.

Par contre tout ce qui peut faire « polémique » est totalement évité. Aucune visite de l’étage ou du sous-sol.  Le « vault » non plus du coup (alors qu’il l’était lors de la première Celebration). Les appartements de Prince demeurent secrets eux aussi et, bien évidemment, l’ascenseur n’est pas visible.

Au final, ce sont principalement les pièces dédiées au travail (bureau, montage video, enregistrement, salle de concerts etc…) qui sont montrées au public. En dehors de l’urne qui ouvre quand même la visite sur une impression très étrange, l’ensemble de la promenade reste assez humble. Si elle parvient à éviter le glauque, la mélancolie par contre est dans chaque recoin.

Free The music

Et la musique dans tout ça ? L’expérience « Paisley Park 2016 » est particulière. La musique est omniprésente. Nous évoluons tout au long de cette déambulation dans une ambiance « best of ». Il n’y a aucune prise de risque. Et surtout, soyons honnêtes, nous rêvons tous d’accéder à quelques pépites inédites que ce soit en vidéo ou en audio. Il n’en sera rien. Absolument rien. Ce point est certainement la plus grosse déception de cette initiative.

Créateur : Carlos Gonzalez | Crédits : Star Tribune

Faut-il y aller ?

Voilà la question qu’on peut lire le plus sur le forum, les réseaux sociaux, et dans divers articles. C’est une bien complexe question. La querelle entre ceux qui trouvent que c’est honteux, que c’est une violation de l’intimité de Prince et qui jurent de ne jamais y aller, et ceux qui se disent « c’est enfin ouvert je suis curieux je veux voir » est légitime, et je n’y prendrai pas part. Car je suis d’accord que c’est en effet une violation, et en même temps j’y suis allé.

J’ai eu la chance de vivre des moments incroyables, qu’il me sera impossible d’oublier (et que je vous invite à trouver sur ce site d’ailleurs), donc il est facile pour moi d’être critique. Par moment j’ai retrouvé quelques réflexes. A l’époque, lorsque nous y étions, il y avait une tension. Dès qu’une porte s’ouvrait, nos sens étaient en alerte, car ça pouvait être lui. Il n’était pas rare de le voir apparaître au détour d’un couloir, ou pendant une conférence. A quelques reprises je me suis surpris à guetter une porte, ou à ressentir le frémissement de cette excitation si particulière. Bien entendu, la raison m’a vite rappelé la dure réalité.

Je comprends ce que Paisley Park représente pour chaque fan de Prince. Ce lieu est celui de tous les fantasmes, de tous les secrets, de concerts absolument géniaux et mythiques. C’était la dernière demeure de Prince. Il est donc normal, maintenant qu’il n’est plus là, maintenant que cet endroit est « tout ce qui nous reste », que l’on puisse désirer y aller.

Je dirai ceci. Tant que le programme n’a pas évolué, tant qu’il n’y a pas véritablement une raison « musicale » de s’y rendre (une bibliothèque de 200 inédits à écouter sur une borne par exemple, ou la diffusion chaque mois d’un concert en vidéo que l’on ne connaît pas), ne vous rendez pas à Minneapolis uniquement pour cela. Si vous pouvez par contre intégrer cette visite à l’intérieur d’un voyage aux USA, ou de la découverte des Twin cities de façon plus large (concerts dans les clubs, rencontre de musiciens, découverte des lieux cultes etc…), alors ne vous privez pas de faire un crochet par Audubon Road à Chanhassen.

Il y a une émotion qui ne pourra jamais disparaître: celle où vous roulez sur la route numéro 5, que vous passez le dernier carrefour, et que soudainement, après quelques arbres, l’immense bâtisse surgit. Ce moment magique où vous vous dites « ca y est j’y suis, c’est là ».

Par contre ce qui a définitivement disparu, c’est la question qu’on se posait généralement ensuite : « et lui, est ce qu’il est là ? »