Aprés The Family, revenus sous le nom de fDeluxe, et The Time, reformés sous le nom The Original 7ven, c’est au tour de Mazarati de se réunir sous le nom de Mazarati Revisited.

Pour ceux pour qui Mazarati n’évoquerait éventuellement qu’une marque de voiture (Maserati), un petit cours de rattrapage :

Amis d’enfance de Brownmark, bassiste de The Revolution, Sir Terry Casey – son nom de baptême, qui deviendra Sir Casey Terry – (chanteur) et Jerome « Romeo » Cox (bassiste) engagent Craig « Screamer » Powell (guitariste),  Kevin « Blondie » Patricks (batteur), Tony Christian (guitariste), Marr Starr  (aussi appelé Marvin Gunn) et Aaron Paul Keith (claviers) pour former le groupe Mazarati en 1984 à Minneapolis.

Brownmark participait, masqué ou grimé,  à certain de leurs concerts en tant que second bassiste sous le nom de The Shadow (l’ombre), sans que son patron de l’époque (Prince), n’en sache rien. Poussé par Tony Christian, il parle du groupe à Prince, qui tout de suite après avoir vu une de leurs performances, décide de les signer sur son tout nouveau label : Paisley Park.

Au printemps 85, le groupe enregistre son album au Sunset Sound de Los Angeles, sous la houlette de Brownmark, David Z. (David Rivkin, frère de Bobby Z.) et Prince. Craig Rice fera avec eux ses premières armes de manager, avant de devenir celui d’Alexander O’Neal et Brownmark puis une figure respectée dans le management d’artistes et le monde du spectacle. A cette période, Prince trustait le Sunset Sound, allant jusqu’à louer plusieurs studios en même temps, pour ces propres albums ou ceux de ses protégés (Jill Jones, par exemple, qui enregistrait déjà quelques titres pour son album), ou signatures de son label. Ainsi Mazarati a eu droit à des visites inopinées de Prince dans leur studio qui venait écouter, donner un coup de pouce pour la réecriture de morceaux ou leur donner des chansons. De ces sessions ont émergés 8 titres qui figureront sur l’album et une poignée d’autres mises de coté et surtout une qui marquera l’histoire et la carrière de Prince : « Kiss ».

L’album éponyme de Mazarati sort en vinyl et en cassette  le 04 mars 1986 (le CD sortira au Japon en 1990), sur le label Paisley Park. C’est le quatrième album publié par ce label après « Around The World In A Day » de Prince & The Revolution, l’album éponyme de The Family, et le second album de Sheila E. « In Romance 1600 », tous sortis en 1985. Il contient 8 titres, dans un registre funk différent  (plus rock) de celui de The Time, composés par Brownmark (7 titres) et Prince : Player’s Ball / Lonely Girl On Bourbon Street / 100 MPH / She’s Just That Kind Of Lady / Stroke/ Suzy / Strawberry Lover / I Guess It’s All Over. Les crédits de productions sont attribués à Brownmark et David Z. Prince est co-producteur (sans crédit) et joue sur « 100 MPH ».

Les coups de pouces de Prince sur certains titres évoqués plus haut concernent les chansons « Strawberry Lover » et « I Guess It’s All Over ». Ces chansons, composées par Brownmak, s’appelaient initialement  » Fear The Shadow » et « We Did Things Our Way » respectivement. Prince a modifié ou réécrit les paroles et de nouveaux titres leur ont été donnés, sans que Prince ne réclame de crédit. Jill Jones fait les chœurs sur ces deux chansons. « She’s Just That Kind Of Lady » reprend des éléments d’une version inédite de « Computer Blue ».

« 100 MPH » est l’unique titre crédité à Prince et sera le second single (entre « Player’s Ball » et « Stroke ») et seul véritable hit du groupe (19eme place dans l’équivalent des charts R&B). La face B est l’inédit “Don’t Leave Me Baby”, composé par Brownmark.  « I Guess It’s All Over » sera la face B de « Player’s Ball » (79eme place dans le Hot Black Single). Une autre composition inédite de Brownmark « Champagne Saturday » fera office de face B pour « Stroke » (pas classé dans les charts en 1986). Seuls les 2 premiers singles seront clippés.

L’album n’aura pas un grand succès (49eme dans les charts black, 133eme dans les charts pop). Ils seront mis en avant lors de la première d' »Under The Cherry Moon » diffusée sur MTV, en faisant la première partie de Prince à l’Holiday Inn de Sheridan. Ils donneront également quelques concerts aux États-Unis. Une rumeur dit que Prince envisageait à cette époque une tournée commune de ses artistes signés sur Paisley Park : The Family, Sheila E. et Mazarati. Cela ne sera jamais concrétisé ou même confirmé. Selon Tony Christian, après la tournée Parade et l’échec du film « Under The Cherry Moon », Prince caressait l’idée de faire un film : « The Dawn » dans lequel deux groupes rivaux s’affrontent – Mazarati et les Coco Boys, composé entre autres de Tony Lemans et Lenny Kravitz. Rien de ce « black West-Side Story » ne verra le jour. Par contre, la partie de basket entre Eddie & Charlie Murphy et Prince à laquelle des membres du groupe et Micki Free de Shalamar ont participé a été immortalisée avec humour.

Prince imposera au groupe son image : maquillage outrancier et costumes fleuris et flashy qui n’est pas sans évoquer pour certains le look de l’époque Purple Rain, au grand dam de Brownmark qui voyait ses protégés se dénaturer. Autre sujet de discorde en le bassiste et le kid, la chanson « Kiss ».

« Mazarati – Upside Your Head »

Car si le groupe n’a pas connu le succès commercial avec son album et ses singles, il aura quand même flirté avec le sommet des charts américains à 2 reprises avec les titres « Kiss » et « Jerk Out ».

Pendant les sessions d’enregistrements de leur premier album, Brownmark et David Z. demandent à Prince s’il veut bien leur donner une chanson. Il enregistre à la va-vite, avec Susan Rogers à la console et avec pour seul instrument une guitare acoustique, le premier couplet et le refrain de « Kiss » (qui semblent inspirés de « You Got To Be A Man » d’Helene Smith)  leur donne (avec les autres couplets écrits). Ne sachant pas trop quoi faire de cette démo au début, David, Brownmark et le groupe travaillent toute la nuit pour transformer la chanson en y ajoutant un beat, des chœurs inspirés de « Sweet Nothin' » de Brenda Lee , des éléments de « Say Man » de Bo Diddley (de l’aveu même de David Z.). Le résultat emballe tout le monde et impressionne tellement Prince qu’il estime que cette chanson est trop bonne pour Mazarati. Il récupère les bandes, y ajoute de la guitare, retire la basse, chante en falsetto et conserve les chœurs de Mazarati. Lorsque le titre sort en single (un mois avant l’album du groupe), Mazarati sont crédités comme choristes et David Z. en tant qu’arrangeur. Bien que la chanson soit sortie sous le nom de Prince & The Revolution, Brownmark estime que son travail sur cette chanson n’a pas été reconnu. David Z., qui aurait pu prétendre au titre de producteur, se contentera, sans être dupe, de l’explication fallacieuse de Prince selon laquelle cela aurait été trop compliqué vis-à-vis de la Warner de lui donner ce statut. Sur la version longue prévue pour le maxi-single enregistrée quelques semaines plus tard, on peut entendre Prince, à 5’23, dire « Mazarati » avant le refrain chanté par le groupe.

« Kiss » sera un des plus grands succès de Prince, atteignant la première place des charts black et pop aux États-Unis (son troisième single à se hisser au sommet après « When Doves Cry » et « Let’s Go Crazy » ) et la sixième place en Angleterre (plus gros succès après « When Doves Cry »). Rien qu’aux États-Unis, ce single se vendra à plus de 500 000 exemplaires. La chanson remportera le Grammy Award de la meilleure performance R&B par un duo ou un groupe. L’album « Parade » sortira 5 jours avant celui de Mazarati. Aujourd’hui encore, « Kiss » demeure un des titres les plus connus de Prince et figure encore régulièrement dans les set-lists de ces tournées.

Autre succès qui a échappé au groupe, mais de leur fait cette fois : « Jerk Out ». Prévue initialement pour le deuxième album de The Time « What Time Is It? » (1982) cette chanson sera offerte avec « 100 MPH » (qui contient elle-même, sur sa version album, un clin d’œil à la chanson « Cool » de The Time). Mazarati enregistrera sa propre version mais l’estimera trop choquante lyricalement parlant (références sado-masochistes et raciales sur le troisième couplet « I took her to my crib and I tied her up /  I figured that’s what she liked / Maybe I was wrong but what the hell, it didn’t matter to me – She was white / I said « How come people in your neighborhood, don’t like it when a brother’s rich? / Ain’t my blood the same color as yours? Answer that question, bitch! »).

The Time récupérera finalement cette chanson quatre ans plus tard en conservant les chœurs de Sir Casey Terry et en n’incluant pas ce fameux couplet. Le single sort en été 90 et sera un des plus gros succès du groupe, se hissant à la première place des charts R&B, à la 9éme place des charts pop et dépassant à nouveau les 500 000 exemplaires vendus.

L’instrumental « Susannah’s Pajamas » sur l’album de The Family était aussi un titre prévu pour le groupe par Prince. Intitulé initialement « BMW », cet instrumental sera rebaptisé « Mazarati » avant que Prince n’estime qu’il conviendrait mieux au groupe crée autour de St. Paul, Susannah et Eric Leeds. Mazarati se verra offrir « 100 MPH »(composée en 1984) en remplacement.

Pour conclure ces chassés-croisés, signalons « Love On A Blue Train » de Sheila E. (enregistré en 1985, et sorti une première fois en 86 avant d’être incluse dans son album éponyme de 1987) dans laquelle on l’entend crier « Mazarati, upside your head » (à 4’00)

Malgré l’échec de l’album, l’édition japonaise du CD (parue en 1990) est aujourd’hui un des objets les plus recherchés par les fans collectionneurs. Comme pour les rééditions des albums d’Apollonia 6 et The Family par la filiale japonaise de Warner, la cote de ces objets dépasse souvent les 100 euros. De nombreux faux ou imitations ont fait surface. L’édition vinyle, par contre, reste à un prix abordable.

Les titres sont tous en écoute sur le soundcloud officiel du groupe : https://soundcloud.com/mazaratirevisited/sets

Mazarati 2

En quittant The Revolution, le giron de Prince et Paisley Park, Brownmark signe chez Motown (chez qui il sortira 2 albums) et emporte avec lui Mazarati. Il produit leur second album, tout simplement intitulé « 2 ». Quelques membres sont remplacés, et un certain Morris Hayes intègre le groupe.

Il contient 9 titres à tendance New-Jack : Words / The Saga Of A Man / The Woman Thang / Something’s Goin’ On / Seduction / Up All Night / Betcha / One Girl et une version réarrangée de la face B « Don’t Leave Me Baby ». Les titres sont composés majoritairement par Brownmark. L’album sortira en vynil au Canada en tirage limité en 1989. Certains exemplaires arriveront jusqu’en France, mais la sortie sera somme toute confidentielle et n’intéressera que quelques rares aficionados.

The Wild Pair & Paula Abdul

Parraléllement à Mazarati, deux membres du groupe, Tony Christian (rebaptisé Bruce Deshazer) et Marvin Gunn forment « The Wild Pair » et s’associent avec Oliver Leiber pour travailler sur le premier album de Paula Abdul. Fils du compositeur Jerry Leiber (co-auteur notamment des classiques « Hound Dog » pour Elvis Presley et « Stand By Me » pour Ben E. King »), Oliver Leiber a fait partie du groupe Ta Mara & The Seen, mené par Margie Cox et produit par Jesse Johnson. Paula Abdul souhaitant mettre une touche de Minneapolis Sound proche de celui de Janet Jackson, fait appel à Oliver sur les conseils de St Paul. Il composera trois titres qui seront sur son album : « Opposites Attract », « (It’s Just ) The Way That You Loved Me » et la chanson titre « Forever Your Girl » sur lesquelles joue St. Paul. Jesse Johnson écrit et produit « I Need You ». Le duo mazaratien connaitra enfin son heure de gloire en chantant sur les titres écrits par Leiber et en particulier la chanson « Opposites Attract » qui atteindra le sommet des charts américains en 1989. Ce succès n’entrainera pas pour autant foule de propositions et le groupe retourne dans l’anonymat.

Players’Ball

En 2009, à l’occasion d’un concert exceptionnel au Cabooze de Minneapolis, les membres originaux (sauf le batteur Kevin « Blondie » Patricks remplacé par un certain Pancho Lopez) de Mazarati se retrouvent pour donner un show dans le cadre de la seconde Prince Family Reunion, événement qui tente d’être annuel et qui rassemble de nombreux musiciens qui ont travaillé de prés ou de loin avec Prince. Ce soir là, The Family (qui n’était pas encore fDeluxe) et Mazarati (débarrassés de leurs excentricités vestimentaires et capillaires d’antan) ont donné chacun un set qui a ravi un public conquis d’avance. Quelques concerts seront donnés sans pour autant annoncer de nouvel album.

En 2011, c’est une nouvelle formation de Mazarati qui fait surface : Sir Terry Casey ne fait plus partie du groupe. Tony Christian (qui assure maintenant le chant et la guitare), Jerome « Romeo » Cox et Craig « Screamer » Powell sont les seuls membres originels. Ils sont accompagnés de Keith Woodson Cox aux claviers (ancien membre de Ta Mara and the Seen), Dwayne Cotton, Brice Myles et Brian Rankin. Ils donnent des concerts à Minneapolis et ses environs sous le nom de Mazarati / The Secret.

…It’s Not Over – Mazarati Revisited

Fin 2011, un compte twitter (@MazaratiRev) et une page facebook sont crées, puis un site officiel – http://mazaratirevisited.com/.

On y voit la dernière mouture du groupe. Aujourd’hui, Mazarati (revisited) est formé par :

– Marvin Gunn au chant et clavier

– Tony Christian à la guitare

– Craig « Screamer » Powell à la guitare

et, accrochez-vous :

– Brownmark à la basse

– Morris Hayes aux synthés.

Un clip pour cette (re?) formation a été tourné. Il illustre leur nouvelle chanson « It’s On ». Etonnament, Brownmark et Mr Hayes ne sont pas visibles dans la vidéo!!!! Le site officiel annonce un album et une tournée pour 2013.

 

 

Sources : « Prince: A Pop Life » de Dave Hill, « Dancemusicsexromance. Prince: The First Decade » de Per Nilsen, Possessed: The Rise And Fall Of Prince » d’Alex Hahn, Princevault.com, Mazaratirevisited.com, Discogs.com, BLR Blog.