Miles Davis
Posté : 04 février 2005, 15:18
Salut,
ça vient de sortir, il s'agit de la perf intégrale de Miles Davis au festival de l'Ile de Wight en 70, j'ai pu en voir des extraits et c'est grandiose ! 38 minutes non-stop de magma absolu, auquel ont été ajoutés des témoignages de musiciens et des archives de Miles sur sa période électrique. Notre ami Sylvain Siclier y a consacré un article :
En 1970, Miles Davis chez les hippies
LE MONDE | 03.02.05
Le 29 août 1970, à 17 heures, une voix annonce : "Miles Davis !"
On est dans le champ d'East Afton Farm, sur l'île de Wight, au sud de l'Angleterre, où 600 000 personnes ont convergé. Wight, premier festival rock de la nouvelle décennie et dernier rassemblement utopiste de cette envergure, après Monterey Pop en 1968, Woodstock, trois jours de "paix et de musique" en 1969, et le désastre meurtrier d'Altamont, en Californie, en décembre 1969.
A Wight, Jimi Hendrix joue ses presque dernières notes et les Who interprètent presque intégralement Tommy. Ten Years After surfe sur sa consécration à Woodstock, Emerson Lake & Palmer sont là, il y a les Doors, les Moody Blues, Joni Mitchell, Taste avec Rory Gallagher, Leonard Cohen... et le slogan "Message To Love", peu suivi par les participants qui ont réclamé la gratuité d'accès et débordé les palissades. Seuls 50 000 billets auraient été effectivement payés. Pas cool disent les organisateurs. Et nos cachets disent les musiciens.
Et Miles Davis déboule pour trente-cinq minutes de musique tendue, ininterrompue, menant son groupe d'à peine un regard, annonçant d'une note de trompette un changement de rythme, d'harmonie, une piste mélodique. Davis vient d'effarer les bien-pensants du jazz en mettant de la guitare électrique dans sa musique, et son double album Bitches Brew, paru en avril 1970, est un immense succès auprès de ceux qui aiment le rock.
A Wight, il a deux pianos électriques aux sons saturés joués par Chick Corea et Keith Jarrett, Dave Holland à la basse et aux cheveux longs, Jack DeJohnette à la batterie, Airto Moreira aux percussions et le saxophoniste Gary Bartz, qui vient d'arriver.
De ce concert aventureux, extrême, on avait vu quelques images fugitives dans le film témoignage de Murray Lerner sur Wight. La musique, très partiellement publiée en 1971, était passée à un montage de dix-sept minutes sur un 33-tours de 1987. Cette fois, tout y est. Images un rien granuleuses mais rénovées, cadrage à l'arraché et son encodé en 5.1 qui donne relief et densité. Après les intégrales des concerts de Hendrix et des Who, Lerner ajoute avec Miles Electric : A Different Kind of Blue de nouveaux éléments aux souvenirs de Wight.
Pour entourer les trente-cinq minutes historiques, les musiciens évoquent cette période de leur travail (Jarrett souriant), ceux qui ont joué à d'autres moments avec le trompettiste (Herbie Hancock, Dave Liebman, James M'Tume, Pete Cosey...) détaillent ses méthodes, ceux qui le vénèrent (Carlos Santana, Bob Belden...) le louent.
Pour ne pas lasser, Lerner insère des archives (concerts, entretiens avec Davis) et de courts sujets (Miles et Betty Davis, Miles et la boxe...). Ce qui donne un complément documentaire bien mené.
Miles Davis, polo rouge, jean bleu clouté et chaussures blanches, quitte la scène. Il se retourne, ses yeux n'en reviennent pas, 600 000 personnes. Il fait un signe des doigts, comme le battement d'ailes d'un papillon. A un journaliste présent qui lui demandera ce qui avait été joué, Davis avait répondu "Call it anything" ("appelez-le ce que vous voulez").
En fait, Davis sait très bien ce qu'il a fait jouer. Directions, de Joe Zawinul, pour mettre la machinerie en route, des citations de l'album Bitches Brew (Miles Run The Voodoo Down, Sanctuary, Bitches Brew), des fragments d'It's About That Time ou de Willie Nelson. The Theme pour conclure. C'est ainsi depuis des mois, jamais joué et agencé à l'identique. A Wight, ce fut éblouissant.
Sylvain Siclier
Miles Electric : A Different Kind of Blue, de Murray Lerner, 1 DVD Eagle Vision/Naïve (PCM stéréo, Dolby D et DTS Surround 5.1, partie DVD-ROM).
Avis aux amateurs, moi je ne vais pas résister longtemps !
ça vient de sortir, il s'agit de la perf intégrale de Miles Davis au festival de l'Ile de Wight en 70, j'ai pu en voir des extraits et c'est grandiose ! 38 minutes non-stop de magma absolu, auquel ont été ajoutés des témoignages de musiciens et des archives de Miles sur sa période électrique. Notre ami Sylvain Siclier y a consacré un article :
En 1970, Miles Davis chez les hippies
LE MONDE | 03.02.05
Le 29 août 1970, à 17 heures, une voix annonce : "Miles Davis !"
On est dans le champ d'East Afton Farm, sur l'île de Wight, au sud de l'Angleterre, où 600 000 personnes ont convergé. Wight, premier festival rock de la nouvelle décennie et dernier rassemblement utopiste de cette envergure, après Monterey Pop en 1968, Woodstock, trois jours de "paix et de musique" en 1969, et le désastre meurtrier d'Altamont, en Californie, en décembre 1969.
A Wight, Jimi Hendrix joue ses presque dernières notes et les Who interprètent presque intégralement Tommy. Ten Years After surfe sur sa consécration à Woodstock, Emerson Lake & Palmer sont là, il y a les Doors, les Moody Blues, Joni Mitchell, Taste avec Rory Gallagher, Leonard Cohen... et le slogan "Message To Love", peu suivi par les participants qui ont réclamé la gratuité d'accès et débordé les palissades. Seuls 50 000 billets auraient été effectivement payés. Pas cool disent les organisateurs. Et nos cachets disent les musiciens.
Et Miles Davis déboule pour trente-cinq minutes de musique tendue, ininterrompue, menant son groupe d'à peine un regard, annonçant d'une note de trompette un changement de rythme, d'harmonie, une piste mélodique. Davis vient d'effarer les bien-pensants du jazz en mettant de la guitare électrique dans sa musique, et son double album Bitches Brew, paru en avril 1970, est un immense succès auprès de ceux qui aiment le rock.
A Wight, il a deux pianos électriques aux sons saturés joués par Chick Corea et Keith Jarrett, Dave Holland à la basse et aux cheveux longs, Jack DeJohnette à la batterie, Airto Moreira aux percussions et le saxophoniste Gary Bartz, qui vient d'arriver.
De ce concert aventureux, extrême, on avait vu quelques images fugitives dans le film témoignage de Murray Lerner sur Wight. La musique, très partiellement publiée en 1971, était passée à un montage de dix-sept minutes sur un 33-tours de 1987. Cette fois, tout y est. Images un rien granuleuses mais rénovées, cadrage à l'arraché et son encodé en 5.1 qui donne relief et densité. Après les intégrales des concerts de Hendrix et des Who, Lerner ajoute avec Miles Electric : A Different Kind of Blue de nouveaux éléments aux souvenirs de Wight.
Pour entourer les trente-cinq minutes historiques, les musiciens évoquent cette période de leur travail (Jarrett souriant), ceux qui ont joué à d'autres moments avec le trompettiste (Herbie Hancock, Dave Liebman, James M'Tume, Pete Cosey...) détaillent ses méthodes, ceux qui le vénèrent (Carlos Santana, Bob Belden...) le louent.
Pour ne pas lasser, Lerner insère des archives (concerts, entretiens avec Davis) et de courts sujets (Miles et Betty Davis, Miles et la boxe...). Ce qui donne un complément documentaire bien mené.
Miles Davis, polo rouge, jean bleu clouté et chaussures blanches, quitte la scène. Il se retourne, ses yeux n'en reviennent pas, 600 000 personnes. Il fait un signe des doigts, comme le battement d'ailes d'un papillon. A un journaliste présent qui lui demandera ce qui avait été joué, Davis avait répondu "Call it anything" ("appelez-le ce que vous voulez").
En fait, Davis sait très bien ce qu'il a fait jouer. Directions, de Joe Zawinul, pour mettre la machinerie en route, des citations de l'album Bitches Brew (Miles Run The Voodoo Down, Sanctuary, Bitches Brew), des fragments d'It's About That Time ou de Willie Nelson. The Theme pour conclure. C'est ainsi depuis des mois, jamais joué et agencé à l'identique. A Wight, ce fut éblouissant.
Sylvain Siclier
Miles Electric : A Different Kind of Blue, de Murray Lerner, 1 DVD Eagle Vision/Naïve (PCM stéréo, Dolby D et DTS Surround 5.1, partie DVD-ROM).
Avis aux amateurs, moi je ne vais pas résister longtemps !