A l’hiver 1987 Prince est assis sur son trône de star planétaire. Après avoir pris les Etats-Unis dans un orage pourpre en 1984 il a assis sa renommée en Europe avec des tubes intersidéraux comme Raspberry Beret, Girls & Boys et surtout Kiss les deux années suivantes.

Alors que la radio de cet hiver là nous propose d’aller boire un petit coup chez  Licence IV, de retrouver Francis Lalanne ou de laisser Gold chanter, la galaxie princière se trouve en manque de nouveauté et attend de pied ferme la retour de la Révolution Princière.

Who’s that Girl ?

Débarque alors un teaser. L’album s’appellera Sign O The Times et on a la pochette du single : un corps avec un gros cœur qui masque le visage. Certes Prince est fluet mais ça ressemble à un corps de femme. C’est Wendy ? Sheila E ? les observateurs font valoir que la courbure des hanches ne correspond pas. Et puis d’ailleurs c’est quoi cette histoire « Prince Sign O The Times » ? Et The Revolution alors ?

Eh bien justement : The Revolution, c’est terminé.

Prince est de retour, seul aux commandes, il nous faudra attendre 30 ans et que la parole se mette à circuler chez les protagonistes de l’affaire pour en avoir le fin mot.

Never cry 4 pain

Voici ce que racontent Wendy, Lisa et la Révolution (de mémoire, elle peut être défaillante mais je les ai entendues nous conter cette histoire douce-amère alors je prends le risque)

Pendant toute l’année 1986, le groupe joue en permanence. On répète la tournée Parade, puis on passe de ville en ville pour accompagner Prince dans ce hit & run triomphal à travers les US et l’Europe. Mais comme on est Prince & The Revolution, on ne se tourne pas les pouces entre deux avions : On joue. Bien sûr Prince est le Créateur mais tout le monde ajoute ses idées, Wendy & Lisa peut-être plus que les autres, elles sont les favorites de Son Altesse. Et des dizaines de titres sont mis sur bande, c’est fusionnel, les melodies coulent de source. Après 3+1 albums, The Revolution est désormais un véritable groupe avec ses automatismes.
Seulement voilà, Prince dort encore moins que les autres et les automatismes c’est pas trop son truc. Quand la troupe va se coucher et loin du barnum il continue à bosser lui, il enregistre d’autres morceaux. Seul.

On connait les péripéties relatives aux nombreuses versions de l’album Sign O The Times, aux refus de la maison de disques d’en faire un quintuple, un triple, des choix à faire. (Pour se retrouver 30 ans après avec une version 23 disques….). Si vous ne connaissez pas l’histoire lisez les autres articles ici, c’est exhaustif.
Bref, Prince va faire des choix.
Un soir il réunit le groupe après un concert pour leur faire écouter la version de l’album qui sera celle que nous aurons finalement dans les bacs. Stupeur et tremblement dans les rangs : il n’y a quasi rien du travail collectif. Prince n’a choisi que ses morceaux solitaires. One man band. Lisa dit de ce moment que c’est l’instant où ils ont compris que le groupe était démantelé , que l’histoire s’arrêtait là pour eux et avoue à la fois une grande tristesse et le sentiment que Prince était plus grand qu’eux, plus grand que The Revolution et qu’il devait continuer seul. True Funk Soldiers.

Solo

C’est donc un Prince seul qui nous offre son album tentaculaire.

A l’écoute en 1987 on est paumés, une fois de plus. Un album qui raconte des histoires à la troisième personne du singulier et plus seulement à la première. De chef de bande, Prince est devenu raconteur. De meneur de revue il redevient le musicien derrière tous les instruments et en contrôle de 100% de ce qu’on entend. Et c’est fascinant. On part dans une espèce de songe avec Dorothy Parker, on suit l’histoire surréaliste de Cynthia Rose, le titre phare nous présente pour la (presque) première fois un Prince chroniqueur de son époque.
Bien sûr Dieu, l’amour et le sexe sont toujours là. Cette jolie fille de 21 ans, il aimerait bien faire ça avec elle, si possible pour toute la vie, et allant a l’église les nuits de tempête, voire même être sa petite amie, histoire de passer une belle nuit. Forcément, il l’adore.

C’est lui, lui seul, qui nous raconte des histoires.

La sortie aujourd’hui de ce Super Deluxe nous renvoie à cette fin d’une époque qui en ouvre une autre. Une large part des inédits sont des morceaux de The Revolution, des titre fiévreux, des jams que Warner a bien dû couper, (comment proposer une version définitive d’un morceau supposé durer une année ? Nous y reviendrons, une autre fois, c’est important), des balades au coin du feu avec les filles.
On a avec ces disques supplémentaires une vision sur ce qu’aurait pu être Sign O The Times par Prince & The Revolution.

A Beautiful Night

Ironie finale, jeu du chat et de la souris ou plaisir pervers, le rideau de l’épopée The Revolution tombe sur « It’s Gonna Be A Beautiful Night », en effet elle a été belle cette nuit de musique qui a continué presque 30 ans, mais Prince nous y a guidé seul ou avec de nouveaux amis. La Grande Célébration continuera pour nous, jusqu’au dernier souffle
En revanche, pour Wendy, Lisa, Bobby, Matt et Mark le jour se lève, la lumière aveugle un peu, on titube comme en sortant d’un after pourpre à 7h du matin vers le faubourg St-Denis, hébété. L’aventure est terminée.

Welcome 2 The Dawn

 

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