Ce 24 octobre 2019, Warner organisait une écoute de plusieurs inédits extraits de 1999 Deluxe, qui sortira le 29 novembre prochain. Nous vous parlions de cette sortie il y a quelques temps, voici un éclairage supplémentaire.

From The Vault

L’édition Super Deluxe (5CD ou 10 LP), comporte 24 inédits (hors CD/DVD live). Depuis cette annonce deux questions reviennent régulièrement chez les fans : à quoi ressemble les morceaux totalement inconnus, et pour ceux qui avaient circulé sous le manteau, sont ils dans des versions identiques. Nous avons pu entendre 11 d’entre eux, dans d’excellentes conditions (merci à www.son-video.com pour l’installation de qualité reposant sur 2 colonnes Elipson PF34), et ce que l’on peut vous dire, c’est qu’il y a déjà pas mal de réponses.

1999 était un album qui mélangeait funk, rock et « pop synth ». Les morceaux extraits du fameux Vault Princier sont totalement dans cette mouvance.

Nous pensons que l’auditeur doit vivre l’expérience de cette découverte, aussi nous allons éviter de trop spoiler. Mais si vous voulez vraiment être vierge le jour de l’écoute alors arrêtez vous ici.

Autre précaution oratoire avant de débuter, avec une seule écoute, et surtout dans d’aussi bonnes conditions, il n’est pas toujours évident de savoir si la version entendue et celle que nous avions sur certains enregistrements pirates ou pas.

Don’t worry I won’t hurt you…

Bon ca y est c’est parti (comme en 1999… facile me direz vous). La sélection commence par le tandem Feel U Up / Irresistible Bitch. Quel bonheur de les entendre avec un son pareil. Feel U Up semble plus riche que la version connue des fans, même si je pense que cela est dû à la qualité sonore, par contre  le final de Irresistible Bitch est plus long.

Money don’t grow on trees, nos amis de Princevault, en parlent comme d’un inédit enregistré pour le projet de groupe The Hookers (avec Vanity). Il s’agit d’un titre assez Rock, dans la veine de Rock N Roll Love Affair. Pas désagréable, mais la suite nous fait rapidement passer à autre chose. Tout d’abord le très attendu Vagina. Nous savons que Prince voulait donner à Denise Matthews le pseudo de Vagina avant de choisir Vanity. La chanson lui est-elle dédiée ? Pas si sûr si on en croit les paroles : « Vagina was half-boy half-girl. Her hair was shorter than mine. (…) half-boy half-girl, the best of both worlds », à suivre en examinant le manuscrit présent dans son autobiographie « The Beautiful Ones » le 30 octobre. Nous avons d’abord cru entendre Prince seul avec une guitare, mais il semble que ce soit plutôt un accompagnement basse, et guitare, uniquement. Quelques « hand clap », et surtout sa voix en lead, et dans les chœurs. En résumé, quand Prince s’amuse seul à fabriquer un bon titre rock.

Double crochet

Ce qui à mis chaos debout l’audience hier matin, ce sont les deux titres suivants. Du pure funk Princier, qui surprennent autant qu’ils réveillent quelques souvenirs.

Rearrange, va rendre dingue plus d’un fan. En effet ce morceau totalement inconnu, repose sur la base de « Lady Cab Driver« . Voila exactement ce que l’on attend d’une version « expanded » d’un album. Tenter de comprendre comment un artiste travaille. Entendre la manière dont Prince est capable de fabriquer 2 titres totalement différents, (et incroyablement efficaces) en partant d’une base commune est simplement époustouflant.

Quand Bold Generation débute, nous pensons immédiatement qu’il s’agit du même type de démo, puisque l’instrumental est celui de « New Power Generation » sortie en aout 1990 sur l’album Graffiti Bridge. Mais la surprise est totale lorsque Prince commence à chanter, puisque la quasi totalité des paroles sont aussi identiques au titre de 90. En fait « New Power Generation » s’est appelé dans une vie antérieure de quelques années, Bold Generation. Nous avons beau suivre l’artiste depuis des décennies, nos amis « historiens » Princiers ont encore de belles heures devant eux. 3 ans après sa disparition, le plus grand artiste de sa génération arrive encore à nous surprendre par l’entremise de son coffre fort. Merci Warner.

Le If it’ll make u happy qui arrive ensuite, est malheureusement anecdotique après ce que nous venons de prendre. Pourtant le registre dans lequel Prince s’exprime est assez peu fréquent chez lui. Un mid-tempo qui flirt avec le reggae. Il faudra certainement se pencher de nouveau dessus le mois prochain.

Mais pourquoi vous êtes si fan de Prince ?

Combien de fois avons nous rencontré des personnes se demandant d’où pouvait venir notre passion ? Combien de fois avons nous du nous justifier ?

How Come U Don’t Call Me Anymore (take 2), est l’une des réponses que l’on pourrait apporter. même si « ils ne comprendront jamais »…. Voici un titre que nous connaissons pas coeur, que ce soit en studio, sur scène, ou au travers des covers. Qu’attendre d’une « autre prise »…. ? Là encore, que le génie de cet homme s’exprime. L’interprétation conserve la forme et la mélodie, lui seul au piano, et pourtant, il tente, d’autres émotions, d’autres directions, d’autres envies. Prince est résumé dans cette « take 2 ». Jamais deux fois la même chose, jamais la même intensité. Il est unique, incomparable, et il est grand temps de terrasser les auditeurs conquis que nous sommes puisque la playlist se poursuit.

Don’t need no reefer, don’t need cocaine. Purple music does the same 2 my brain

Purple Music est un titre inédit qui a circulé sur le marché parallèle sous différentes formes. Totalement délaissé par Prince, il réapparait tardivement sur scène, subrepticement au New Morning en 2010, puis un peu plus longtemps lors de son ultime tournée « Piano and a Microphone ».

Ce morceau hypnotique, résume lui aussi ce que Prince était capable de produire, seul, dans ces années. De la musique électronique innovante (bien avant que ce ne soit à la mode) en conservant le groove du funk, et une force mélodique. Cette version, bien que très proche de celle que les plus « hardcore » connaissent,  est totalement inédite. Nous prenons quand même quelques précautions, car encore une fois, la qualité du son peut trahir nos oreilles, mais le grognement sur l’intro nous semble bien absent des 2 versions diffusées illégalement.

Après une telle gifle, pas simple de s’attarder sur Yah, You Know, dans une version (a priori) identique à celle que l’on connait, même si on n’a pas le droit de le dire. Idem pour No Call U, même si la qualité sonore fait honneur au morceau. Pour plusieurs d’entre nous hier matin, qui connaissions l’outtake, cela a été une redécouverte plutôt heureuse.

I like to watch !

Voila pour ce qui de la sélection matinale. Pas de Colleen, Turn It Up, You’re all I want, Something in the water, Possessed, Delirious, Moonbeam Levels, Can’t Stop this feeling i got, Do Yourself a favor…. Et tant mieux, car le plaisir n’en sera que plus grand fin novembre.

En attendant, en guise de dessert, nous avons pu écouter Little Red Corvette, extrait du live Audio à Detroit le 30 novembre 82 (early show). Le son est une fois de plus au rendez vous. Chanceux sont celles et ceux qui vont découvrir cette tournée dans de telles conditions.

Puis, Controversy et Let’s work ont été projetés en vidéo. Il s’agit du début du « Late Show » donné a Houston le 29 décembre 1982. La remasterisation de l’image n’est pas impressionnante, mais on imagine facilement que la source devait être dans un sale état. Néanmoins le document est totalement justifié dans ce coffret, et le plaisir de voir Prince en pleine maitrise de la scène, demeure intact.

Bonheur et frustration

Le fan de Prince est voué à ne vivre que de bonheur et de frustration. Il serait fou de bouder son plaisir à l’écoute de ce 1999 deluxe, de ses inédits et de ses 2 lives. Mais chacune des sorties « post mortem » nous renvoie à cet horrible manque. Prince demeure irremplaçable, son oeuvre disponible immense, et celle inédite colossale. Alors que d’autres groupes sont obligés d’aller chercher des fonds de tiroirs à l’intérêt discutables, le Vault de Prince renferme de véritables joyaux, dont certains auraient eu une place de choix dans l’œuvre officielle. Prince manque à ses fans, mais aussi à la culture populaire chaque jour depuis ce putain de 21 avril 2016. Et ce 1999 Deluxe remastered and expanded, ne fait que le confirmer.

Notre seule certitude, avec toutes ces belles sorties, ce Noel 2019 sera Princier !

 ©illustration par Ward Jenkins https://www.wardjenkins.com/