Le programme de cette quatrième et dernière journée de la Celebration est riche :

  • projection dans la grande salle d’un extrait d’une heure du concert donné à l’O2 de Londres le 14 août 2007,
  • deux panels:
    • The Revolution avec Duane Tudahl comme intervieweur,
    • Funk Soldiers,
  • concert de The Revolution.

L’ambiance était excellente. Les musiciens présents étaient très détendus et d’une bonne humeur communicative. Les panels étaient moins solennels et ponctués de moments et d’anecdotes drôles. Le mari de Donna Grantis, Trevor Guy, ancien président de NPG Records et qui semble encore tenir un grand rôle à Paisley Park est toujours présent. Des membres de la famille sont visibles ici et là, dont Omarr Baker (demi-frère) qui a cru bon de monter sur scène pendant le concert de The Revolution pour embrasser Wendy comme le fait Prince sur Purple Rain, ce qui n’était pas du meilleur effet et a créé un petit moment de gêne. Coté exposition, de nouvelles « reliques » ont été montrées : l’imperméable vert des American Music Awards de 1985, le costume orange des Grammy 2015, le costume blanc de Coachella 2008.

Londres, O2, 14 août 2007

Pour la dernière projection d’un concert, c’est le septième des 21 shows donnés à l’O2 de Londres qui nous est proposé, celui du 14 août.

  • 1999
  • Musicology
  • Prince And The Band
  • Cream Arrow
  • U Got The Look
  • Shhh
  • Take Me With U Arrow
  • Guitar
  • Somewhere Here On Earth
  • 7
  • Forever In My Life

 Panel Funk Soldiers

Le groupe Funk Soldiers, constitué par des membres du New Power Generation de différentes époques principalement pour les Celebration était représenté par Kirk Johnson, Renato Neto, Chance Howard et le saxophoniste Sylvester Onyejiaka.

Comme pour tous les panels, la discussion démarre par « Comment avez-vous rencontré Prince ».

Kirk raconte qu’ils se sont rencontrés pour la première fois en 1982. Prince était venu visiter le lycée dans lequel Kirk étudiait (en terminale). Cela a créé une émeute et Prince a du se réfugier dans le bureau du proviseur. Kirk a réussi à rentrer avec un autre lycéen dans ce bureau et cherchaient avec le proviseur un moyen d’exfiltrer Prince du lycée, ce qu’ils ont réussi à faire par une porte dérobée, Kirk jouant le rôle de garde du corps.

Renato a été invité à Minneapolis fin 2001 après avoir fait partie du groupe de Sheila E (Prince a recruté beaucoup de musiciens sur les conseils de Sheila E. dans les années 90 : Kat Dyson, Rhonda Smith, Rad, et Cassandra O’Neal notamment). Il participe à quelques répétitions à Paisley Park.  Oubliant que l’hiver était rigoureux à Minneapolis, il était arrivé avec peu de vêtements depuis la Californie, et est naturellement tombé rapidement malade. Un jour, il prévient Prince qu’il est souffrant et va rester dans son hôtel pour se reposer et se soigner quelques jours. Au bout de 2 jours, Prince l’appelle à 15h, et lui demande s’il va mieux. Renato répond que non. « Ok, repose-toi ». 4 heures plus tard, Prince rappelle :

– « ça va mieux ? »

– « ….un peu mieux, mais bon, je suis encore très malade quand même »

– « Ok »

A 23h, encore un coup de téléphone de Prince :

– « Bon, ça va mieux là ? »

Renato comprend que ces coups de téléphone ne vont pas s’arrêter et répond : « oui, ça va mieux »

– « Cool, je t’envoie une voiture, ce soir on joue ».

Renato arrive en limousine à Paisley Park et découvre qu’un concert était organisé. Pour sa première performance live (nuit du 4 au 5 janvier 2002), il dit qu’il a joué avec 40 de fièvre et qu’il transpirait comme un fou, mais ça s’est bien passé et ils ont pu travailler pendant plusieurs années ensemble.

Les interventions de Chance Howard étaient toujours pleines d’humour pendant la demi-heure du panel. Son expérience princière commence lorsqu’il intègre Morris Day and The Time (Day faisait des tournées dans les années 90 et 2000 sous ce nom. Certains des membres comme Jam, Lewis et Jesse Johnson menant leurs carrières de leurs côtés, ils ont été remplacés par d’autres musiciens). Ils répétaient à Paisley Park, et Prince jetait souvent un œil sur ce qu’ils faisaient, sans dire un mot. Et Chance raconte la même histoire que beaucoup de monde : il y avait des moments où Prince apparaissait soudainement derrière ou à-côté de lui, et Chance se demande dans sa tête « putain de merde, il m’a fait flipper. Mais il sort d’où ? », il regarde une seconde ses claviers pendant qu’il joue et en retournant sa tête vers Prince, ce dernier a disparu sans qu’il ne comprenne comment (« Bordel, mais il est parti où? »). C’est arrivé plusieurs fois (il a même hurlé de peur une fois) et pendant plusieurs jours, des bruits de couloirs font comprendre à Chance que Prince veut l’embaucher dans son groupe mais qu’il ne veut pas le piquer à Morris Day. Chance voulait travailler avec lui, mais Prince et lui ne s’étant encore jamais parlé à ce moment. Il décide de forcer le destin et va de lui-même à Paisley Park un jour où The Time ne répètent pas. Il voit Rhonda Smith et John Blackwell jammer dans la NPGMC Room, et arrive à s’incruster et jouer avec eux. Prince arrive et lui demande ce qu’il fait là. « I want the gig » lui répond Chance (« je veux être dans le groupe »).

– « Tu es funky, mais tu n’es pas prêt pour ce qu’on doit faire » (en parlant de la tournée à Hong-Kong et en Australie de fin 2003, et les performances télévisées pour les Grammy Awards et le Rock And Roll Hall Of Fame de début 2004.)

– « Si si. Je n’ai jamais été aussi prêt ».

Prince se dirige vers une porte de la grande salle de Paisley Park pour l’ouvrir et lui lance un défi :

– « OK, pour que je fasse mon choix, on va faire un truc. On va faire la course, toi et moi, pour traverser toute cette salle. Et si tu gagnes, je t’engage. »

Chance, qui était obèse à l’époque, se dit qu’il aura du mal mais que c’est la chance de sa vie. Il se met en position, et commence à courir comme un dératé sur 10 mètres, mais il sent qu’il y a quelque chose de bizarre. Il se retourne, voit que Prince n’avait même pas commencé à courir, qu’il n’en n’avait pas l’intention et qu’il était écroulé de rire avec Blackwell et Smith. Il lui dit « c’est bon, t’as le job ».

A la première session de répétitions, Chance commence à prendre confiance…voire un peu trop, en y ajoutant ses touches personnelles et en prenant des initiatives sur les morceaux. Prince le prend à part :

– « Chance, tu as des enfants ? » demande Prince

– « oui, j’ai un fils »

– « qu’est-ce que tu me dirais si je foutais des claques à ton fils le jour où tu me le présenteras ? »

Chance répond en rigolant : « Ca dépend. Avant ou après que je t’ai envoyé à l’hôpital ? »

– « Non Chance, sérieusement. Qu’est-ce que tu me dirais si je foutais des claques à ton fils le jour où tu me le présenteras ?  ».

Chance comprend que Prince ne plaisantait pas : « bah je ne sais pas. Je serai très en colère sûrement »

– « Voilà. Mes chansons sont mes enfants. Alors arrête de faire n’importe quoi et de les massacrer ».

Chance a compris qu’il devait jouer uniquement ce que Prince lui demandait et ne pas partir dans ses propres délires.

Sur la tournée Musicology, le groupe voyageait dans un bus différent de celui de Prince. Et Chance a une obsession pour les « Waffle House » (chaîne de restaurants de gaufres). A chaque fois que le bus passait près d’un de ces restaurants, Chance criait au chauffeur « arrête-toi, arrête-toi ». Prince était prévenu, et demandait toujours à Chance de lui prendre une gaufre au poulet. Mais Chance n’a jamais compris pourquoi, puisque Prince était strictement végétarien. Il suppose qu’en remontant dans son bus, Prince reniflait l’odeur du poulet et jetait la gaufre !

Panel The Revolution

 

La discussion avec les Revolution est animée par l’auteur de l’incontournable « Prince and the Purple Rain Era Studio Sessions: 1983 and 1984 » Duane Tudahl (qui travaille actuellement sur la période 85-86). Plus tôt dans la journée, ils ont été honorés sur le mur du First Avenue avec une étoile au nom du groupe près de celui de Prince. Wendy, Lisa, Matt Fink, Brownmark et Bobby Z. sont tous présents pour ce panel et ont raconté avec beaucoup d’humour ce qu’était leur quotidien avec Prince. Lisa était dans l’autodérision permanente, en se faisant passer pour une vieille dame qui avait perdu la mémoire ou en simulant des syncopes. On sent une complicité authentique entre les membres du groupe et que des liens très forts les unissent. Leur bonne humeur était communicative et l’ambiance était globalement chaleureuse et bon enfant. Sur le présent et l’avenir, ils disent qu’ils vont faire une pause pour le restant de l’année 2019 (à part deux concerts déjà programmés). Ils ne sont pas sûrs qu’un album live soit une bonne idée, et veulent se donner le temps de réfléchir. Beaucoup de choses ont été dites au cours de cette discussion.

Sur la formation progressive The Revolution, Brownmark (qui semble avoir un recul mature sur l’ensemble de ces événements) explique que certains membres du groupe des premières tournées (Dirty Mind, Controversy et 1999) avaient des ambitions de carrières en solo (André Cymone et Dez Dickerson) et étaient de plus en plus frustrés. Quand il faisait l’album « 1999 », Prince voulait donner un nom à son groupe, ce qui les a surpris et flattés, vu qu’ils ne se considéraient que comme un simple « backing-band ». Prince aussi avait encore quelques hésitations, et c’est pour cela que le nom « The Revolution » qu’il avait choisi, n’apparaît que discrètement (et à l’envers) sur la pochette de cet album. Ce n’est que lorsque Wendy a été recrutée pour remplacer Dez que le déclic se fait, selon Fink, et que chacun comprend que toutes les pièces du puzzle étaient finalement là et correctement assemblées pour se mettre exclusivement au service de la musique de Prince, sans autres projets personnels. C’est donc Wendy qui manquait pour qu’une vraie cohésion existe.

Wendy et Lisa sont revenues sur l’histoire de quelques morceaux :

– « Purple Rain » : Ce morceau représente ce que pouvait être le travail de groupe. Prince leur a présenté la chanson sous la forme d’une simple balade au piano (le thème uniquement), qui n’avait rien de particulier par rapport aux autres chansons. C’est le jeu de batterie (lourd et lent) de Bobby Z qui aurait donné la tonalité et l’orientation du titre (Prince a d’ailleurs lui-même déclaré dans les années 2010 que personne ne jouait ce titre comme Bobby Z.). Pour son jeu de guitare, Wendy dit s’être inspirée du symbole homme-femme que Prince arborait à l’époque (n’étant pas musicien, c’était difficile de comprendre réellement ce qu’elle voulait dire par son influence sur son jeu, surtout lorsqu’elle dit qu’elle jouait les accords « à l’envers »).

– « Power Fantastic » a été enregistrée dans la maison de Prince sur Galpin Boulevard. Il appelle un matin Susan Rogers pour que le piano qui se trouve au premier étage soit monté au deuxième étage. Cela demandait une logistique complexe voire impossible à réaliser en peu de temps, mais quand Wendy, Lisa et Bobby arrivent, ils constatent que ça a été fait très rapidement (une preuve de plus pour eux qui démontre que lorsque Prince voulait quelque chose, il fallait que ce soit fait impérativement et rapidement). Lisa s’est installée au piano au deuxième étage, Prince et Wendy jouaient de la guitare au rez-de-chaussée et Bobby Z. était à la batterie au sous-sol devant Susan Rogers qui captait cet instant à la console.

– Beaucoup de titres ont commencé par des jams. Ils jouaient ensemble jusqu’à 14 heures par jour et ces jams (qui débutaient par un rythme à la batterie, étaient enregistrés). Et à chaque nouvelle journée, Prince commençait par leur faire écouter ce qu’il avait enregistré tout seul pendant la nuit. Ils ne savaient tout simplement pas quand il dormait.

– les artistes « satellites » (The Time, Sheila E. etc…) existaient pour représenter les différentes couleurs musicales qu’avait Prince en lui et qu’il n’intégrait pas forcément dans ses albums. Wendy et Lisa parlent du titre « Cool » de The Time, qui est un titre typiquement « black », funk, dans la tradition de la musique noire de l’époque. Ce qui n’est pas le cas de « We Can Fuck » que Lisa voit différemment du fait de ses arrangements et sonorités qui intègrent des éléments de musique orientale tout en gardant des aspects du funk. Toujours à propos du premier album de The Time, les crédits font mention de « various girlfriends » (quelques petites-amies) sur certains titres. Lisa explique que c’est une blague de Prince. C’est elle qui assure les chœurs sur ces chansons, mais vu que Prince la charriait souvent sur les différentes personnalités qu’elle avait, il la considérait comme étant ‘plusieurs femmes dans un seul corps’. De leurs côtés, les membres du groupe avaient aussi donné à Prince des noms aux différentes facettes qu’il pouvait montrer en fonction de son humeur (Marilyn Monroe quand il était en mode ‘Diva’ insupportable, Steeve quand il était cool et de bonne humeur…).

Sur la séparation du groupe : Wendy et Lisa ont senti que la fin du groupe était proche quand Prince travaillait sur l’album « Crystal Ball » (dont Wendy parle étonnamment comme étant un quadruple album, et non pas un triple). La Warner a refusé de sortir un album aussi conséquent et a demandé à Prince d’en faire un simple album, avant qu’ils ne se mettent d’accord sur un double. Lorsqu’il a commencé à sélectionner les titres pour passer à ce double album (qui deviendra « Sign O’ The Times »), Wendy et Lisa constatent qu’il retirait les chansons enregistrées avec le groupe et qu’il privilégiait les morceaux sur lesquels il est seul. Pour Wendy, le déclic a été le jour où Prince leur a fait écouter « Hot Thing » et « Sign O’ The Times » qu’il avait fait seul avant des concerts. C’est là qu’elle a compris qu’il tracerait sa route sans elles.

Ces informations et la chronologie des faits telles que racontées par Wendy et Lisa sur l’évolution de « Crystal Ball » (format quadruple au lieu de triple, sa création etc… contredisent à la fois ce qu’elles disaient dans leurs interviews précédentes, les témoignages d’autres anciens collaborateurs (Susan Rogers, les frères Leeds etc…) et la documentation existante, mais on ne peut pas leur en vouloir, vu que cette histoire remonte quand même à 33 ans et que la mémoire de chacun n’est pas infaillible. Et lorsque Duane Tudahl posait des questions précises sur des sessions ou le remix de « Lolly Lolly » par exemple, les membres du groupe répondaient par des pirouettes.

Concert The Revolution

Les titres joués par The Revolution lors de cette Celebration étaient les suivants :

  • America
  • Computer Blue
  • Mountains
  • Erotic City
  • Let’s Work
  • Let’s Go Crazy
  • When Doves Cry
  • Raspberry Beret
  • 1999
  • Purple Rain
  • I Would Die 4 U
  • Baby I’m A Star.

Comme sur la tournée européenne, Stokley Williams a chanté sur quelques titres. Le concert donné à Paisley Park aujourd’hui était meilleur que celui donné à La Cigale de Paris.

A noter que lors du second concert donné à Paisley Park (rappelons que les fans sont répartis sur deux groupes et que les musiciens jouent deux concerts par journée pour chaque groupe de fans. Même chose pour les panels qui se font en rotation), Wendy et Lisa ont joué seules « Sometimes It Snows In April » juste avant « Purple Rain », ce qui a causé une réelle crise de larmes dans le public tant la performance était chargée en émotions. Sur « Purple Rain », tout le monde (public et groupe) pointait le symbole qui trônait au fond de la salle.

Autour de la Celebration

LE LIEU INCONTOURNABLE quand on est à Minneapolis un dimanche c’est évidemment le Bunker’s Music Bar & Grill pour y voir jouer le mythique Dr Mambo’s Combo avec Margaret Cox et Julius Collins au chant, Michael B à la batterie et Billy Franze à la guitare (Sonny T., le bassiste habituel était absent). Comme d’habitude, c’est excellent. Prince ne venait pas là régulièrement (de la fin des années 80 jusqu’en 2016) pour voir jouer ce groupe par hasard.

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